the minimalists

The Minimalists : se débarrasser du superflu

Un show, un site web, un film : les deux apôtres américains d'un nouveau « minimalisme » embrassent avec sagacité la possibilité d'une vie plus simple, donc plus riche. Un article de Alexandre Kouchner.

Le pitch est rôdé. « En 2009, j’ai eu un mois très difficile. Ma mère est morte, et ma femme m’a quitté. Heureusement, j’ai découvert le minimalisme. » C’est comme ça que Joshua Fields Millburn lance la salle, et à ce moment précis que Ryan Nicodemus entre en scène pour raconter comment son meilleur ami l’a convaincu de devenir lui aussi minimaliste. Joshua et Ryan sont The Minimalists, et leur show a déjà touché plus de 20 millions de spectateurs.
Ils sont nés au début des années 1980 dans des familles marquées par l’alcoolisme et la toxicomanie. Ils se sont rencontrés à l’école, et ne se sont plus quittés. En 2009, jeunes cadres dynamiques, ils « vivent le rêve américain : grands appartements, salaire à six chiffres, grosses voitures… ». Pourtant, ils se sentent dépressifs, anxieux, épuisés. Son « mois difficile » encourage Joshua à se plonger dans le minimalisme où il entraîne Ryan, et dès 2010, ils créent un blog pour raconter leur transition. Ils y décrivent comment ils ont radicalement adopté les préceptes du mouvement : réduit leur consommation, abandonné 90 % de leurs possessions, et puis quitté leur travail...

The Minimalists sont d’ailleurs moins altermondialistes que pragmatiques

Car le minimalisme n’est pas une révolution collective, c’est une simplification progressive de notre rapport personnel aux biens qui nous invite à nous concentrer sur l’essentiel : « Il ne s’agit pas d’avoir moins mais plus : plus de temps, plus de liberté, plus de sens. » Réduire ses possessions n’est pas le but mais le moyen, car « on n’a jamais assez de ce que l’on ne veut pas vraiment ».

The Minimalists sont d’ailleurs moins altermondialistes que pragmatiques. Selon eux, moins d’achats, moins d’affaires permet de vivre dans un espace plus petit. En se libérant peu à peu de la contrainte financière, on peut ainsi « passer de son métier à sa mission ». Ils le revendiquent : la liberté est une question d’intentionnalité.

Ils partagent toutes leurs recettes sur leur site (4 millions de visiteurs par mois). Tout y est classé : livres, mobilier, relations amoureuses… On peut y découvrir leurs maisons, les recettes de cuisine diététiques de la compagne de Joshua ou leurs méthodes pour se débarrasser d’un objet par jour. La packing party consiste à mettre toutes ses affaires dans des cartons et à sortir, au fur et à mesure, uniquement celles dont on a vraiment besoin. Ils se font l’écho d’initiatives comme le Project 333 qui incite à s’habiller pendant trois mois avec seulement 33 vêtements et accessoires.
Ils ont aussi publié trois livres (dont un best-seller) dans la maison d’édition qu’ils ont fondée, en donnent quelques extraits via leur podcast (plus de 6 millions d’auditeurs), sur leurs comptes Twitter, Facebook et YouTube, dans leurs deux conférences TEDx (près de 1 million de vues), et lors de leurs conférences « Less Is now » (plus de 100 villes visitées à ce jour). Ils prodiguent encore leurs conseils dans leur documentaire Minimalism: A Documentary about the Important Things primé lors de huit festivals et disponible sur Netflix…

Prôner le lâcher-prise dans un pays où un foyer possède en moyenne 300 000 objets nécessite sans doute de vrais moyens de production

Ce film optimiste expose tous les paradoxes du succès des Minimalists qui sait si bien jouer avec tous les codes de l’hyperconsommation et du marketing. C’est justement là qu’est la clé. En questionnant de manière radicale le rapport à la consommation, les Minimalists interrogent l’évolution de l’American Dream, rêve d’émancipation devenu injonction de possession. Prôner le lâcher-prise dans un pays où un foyer possède en moyenne 300 000 objets nécessite sans doute de vrais moyens de production… Et si l’énorme succès des Minimalists doit beaucoup à leurs méthodes de marketing, leurs messages se font sans doute l’écho de vraies questions. Prétendre « aimer les gens et utiliser les choses, pas l’inverse » peut paraître simpliste. Mais n’est-il pas nécessaire de poser le débat, génération après génération, en y ajoutant les questions propres à notre temps ?

À VOIR

theminimalists.com

Matt D’Avella, Minimalism: A Documentary about the Important Things, 2016.


Cet article est paru dans la revue 11 de L’ADN : Connexion – Déconnexion - Reconnexion. A commander ici.

 

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