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Harold Valentin dans l’air du temps

On lui doit la série Dix pour cent et bien d’autres moments de télé rafraîchissants à venir. Portrait de Harold Valentin, fondateur de Mother Production.

On ne naît pas producteur de cinéma… on le devient. Et le parcours d’Harold Valentin en est une belle démonstration. Ingénieur également diplômé en sciences politiques, il débute sa carrière à Lisbonne dans la filiale d’une banque française pour laquelle il gère des dossiers de fusions et d’acquisitions. On est dans les années 1990, et quand il rencontre Maria et Inès de Medeiros il sait qu’il veut travailler dans le cinéma.

Mais tandis qu’il commence à élaborer son projet, se présente à lui une de ces propositions que l’on ne peut refuser : Hubert Védrine, alors ministre des Affaires étrangères, lui demande de rejoindre son cabinet. Il accepte cette mission de deux ans : « Je m’occupais des zones de crise. Puis, il y a eu le Kosovo et l’Afghanistan, j’y suis resté cinq ans… » Par la suite, Harold Valentin participe, entre autres, à la mise en place de la réforme de TV5 et aux négociations européennes et multilatérales sur la société de l’information et de l’audiovisuel. Quelques années plus tard, il reprend son projet, celui de travailler dans le cinéma, et rejoint David Kessler et Laurent Cormier au Centre national du cinéma (CNC), puis enchaîne chez France Télévisions où il a d’abord été responsable des magazines de France 2 puis, côté fiction, d’une « case contemporaine ». Aux côtés de Fanny Rondeau, Harold Valentin relance la série Fais pas ci, Fais pas ça, en prime time, et Clara Sheller. Deux séries dotées d’un ton nouveau qui réconcilient France 2 à ses audiences

« Au bout de quatre ans, ma ligne éditoriale s’était éclaircie. Je voulais m’ancrer dans le temps présent, m’inspirer de ce qui se passe dans la société, observer ce qui bouge, les mouvements qui animent le monde d’aujourd’hui et qui construisent le monde de demain… », explique le producteur.  « Fais pas ci, fais pas ça pour moi, consistait à libérer les mères de famille de cette image de perfection alors que l’on peut très bien être hystérique et rester une bonne mère (rires) », poursuit-il.

on peut très bien être hystérique et rester une bonne mère

Son inspiration lui vient de ce qu’il nomme un  « choc » télévisuel procuré par Six Feet Under créé par Alain Ball et l’autre série phare d’HBO, Sex and the City au début des années 2000. « J’adore les séries anglaises comme Shameless, ce sont des séries magnifiques. J’aime beaucoup regarder ce qui se passe en Europe parce que les Américains ont une telle puissance économique qu’il ne faut pas essayer de les imiter. Ce sont les Anglais, les Scandinaves et les Israéliens qu’il faut regarder. Ma motivation est d’arriver à me rapprocher de leur capacité à créer des personnages qui racontent notre époque, avec beaucoup d’optimisme derrière. »

C’est en 2011 qu’Harold Valentin fonde avec Aurélien Larger et Dominique Besnehard, Mother Production. Très vite sort dans les salles un premier film, tiré d’une bande dessiné et intitulé Lou.

« On a essayé de lancer Dix pour cent avec Canal+, mais le projet était en stand-by et nous nous sommes dirigés vers France 2. Ça a été long, mais c’était une aventure magique. On formait une équipe extrêmement soudée. Nous avons aussi produit une comédie pour France 3 sur le mariage gay. Nous avions écrit le film avant même que la loi passe… », raconte Harold Valentin. Pour faire avancer Dix pour cent qui dépeint la vie quotidienne d’agents artistiques au sein de leur agence, le producteur fait appel à Fanny Herrero et Cédric Klapisch.

« Dans les séries contemporaines, où il n’y a pas de crime, pas de danger de mort, l’écriture est beaucoup plus difficile. Il y avait 7 auteurs, dont 5 femmes. On a mis huit mois à trouver le ton, on a dû faire une dizaine de versions, si ce n’est quinze, de chaque scénario. Nous voulions une série ultracontemporaine avec des personnages d’aujourd’hui, qui parlent du monde d’aujourd’hui. Quand on a vendu la série à France 2, on leur a dit qu’Andrea (Camille Cottin) resterait lesbienne parce qu’elle est lesbienne. Nous étions sur une promesse d’un univers différent et il fallait que nos personnages le soient. Ils ont tout de suite accepté ! », explique-t-il.

Le succès est immédiat et la série diffusée en prime time réunit avec la télévision de rattrapage 5 millions d’utilisateurs par épisode et réalise 19,2 % de part de marché. Les aventures d’Andréa et de ses artistes se poursuivent dès septembre 2016 et l’écriture de la saison 3 démarre. Mother Production travaille sur trois nouveaux projets, dont une série pour Arte qui se déroule dans une clinique, une autre qui aura lieu dans les années 1920 et la dernière dans une école de comédie musicale. Pour chacune, Harold Valentin insiste sur leurs vertus contemporaines.

la montée du populisme revient

« Ces trois projets sont dans l’air du temps. Dans la clinique, où tout le monde est fragile, on va faire se croiser des gens qui n’auraient jamais dû se rencontrer : un DJ, un patron du CAC 40, une star de la télé-réalité. La Garçonne se déroule dans les années 1920, ce sont des années de fête, mais pendant lesquelles on sent la montée de l’extrême droite. Nous sommes dans l’époque, car la montée du populisme revient. L’école de comédie musicale, c’est un portrait de la jeunesse française qui pense que le monde n’est pas pour elle, qu’on ne lui fera pas une place. Mais ces jeunes ont envie de chanter, de danser, de rêver… Ils sont hypercréatifs, et derrière tout ça, ils se heurtent au mur du réel : il n’y a pas de boulot… », conclut-il.

Par Virginie Achouch
Cet article est paru dans le numéro 8 de la revue de L’ADN. Harold Valentin est l’un de nos 42 superhéros de l’innovation. Votre exemplaire à commander ici.
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