« Même s’il existe des comités éthiques, nous travaillons toujours avec des êtres vivants, et cela pose problème ». Rencontre avec Pascal Descargues, fondateur de Genoskin.
Au cours de son parcours de chercheur, il a pu se rendre compte des limites physiques et éthiques du système qu’il côtoie alors. D’une part, la peau des rongeurs reste très éloignée de la peau humaine, et sans outils complémentaires il est très compliqué de vérifier des hypothèses pour les êtres humains. D’autre part, travailler sur des animaux pour tester des produits, même sous la surveillance de comités, ne lui convient pas. « Je voulais vraiment trouver une solution qui soit plus éthique, qui ne demande pas de travailler sur des êtres vivants ».
Les équipes ont mis au point une sorte de gel, une « matrice biologique » qui permet d’enfermer une biopsie de peau, de coller au tissu prélevé, et de lui fournir les nutriments nécessaires pour permettre une culture ex-vivo jusqu’à sept jours. « Nous aimerions aller au-delà, mais nous sommes limités par le manque de vaisseaux ».
Les matrices sont fournies aux clients de Genoskin sous forme de kits, faciles à utiliser et prêts à l’emploi – ce qui est inédit sur le marché. « La demande s’accroît, notamment à l’international ». Il précise qu’il y a encore quelques années, tester des produits sur des animaux n’était pas considéré comme un problème pour la plupart des gens. « Aujourd’hui, c’est un vrai sujet », notamment pour les clients du domaine pharmaceutique qui ont besoin d’avoir des outils prédictifs pour obtenir des réponses biologiques humaines. « Ce sont des entreprises qui ne peuvent pas se permettre de se heurter à des échecs lors des essais cliniques : les ratés sont très coûteux pour l’industrie et font très souvent perdre du temps et de l’énergie ». Pour ce qui est des entreprises cosmétiques, les réglementations en place sont très strictes. En Europe, il est interdit de faire des tests sur des animaux depuis 2013. « Et d’autres pays s’y mettent : l’Inde, la Turquie, la Nouvelle-Zélande, … Nos clients ont donc besoin d’innover, de développer de nouvelles solutions ».
Les clients de Genoskin récupèrent ainsi les kits, « et les caractéristiques de celles et ceux qui ont donné l’échantillon ». Âge, poids, sexe, taille, … « Tout est anonymisé, mais ces données peuvent être importantes pour certains développement ».
Dans le futur, pourra-t-on miser sur une peau 100% artificielle ?
Il estime que d’ici les vingt prochaines années, il convient de privilégier les tissus humains.
« De notre côté, nous cherchons à développer notre technologie : nous pourrions imaginer proposer d’autres types de peau – les propriétés variant selon les parties du corps - et faire la même chose avec des tissus malades. Il est très difficile de reproduire une pathologie ».
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