
Sur TikTok, certains influenceurs immobiliers ne se contentent plus de donner des conseils pour investir ou rentabiliser un studio. Désormais, ils vont parfois jusqu'à enfreindre la loi.
En France, l’expulsion d’un locataire en cas de loyers impayés est une procédure longue et strictement encadrée (mise en demeure, commandement de payer, résiliation du bail, etc.) Mais Léa, investisseuse et créatrice de contenus, en a décidé autrement. Le 16 avril dernier, elle poste une vidéo TikTok intitulée « Bref, j’ai délogé ma locataire et elle n’est pas au courant », dont la miniature la montre tout de noir vêtue, un pied-de-biche à la main. En fond sonore, du rap pour créer une ambiance règlement de comptes. Profitant du fait que sa locataire soit en vacances, elle raconte avoir changé les serrures.
Un storytelling bien rodé
La vidéo dépasse rapidement les 4 millions de vues et marque le début d’une longue série. Chaque jour, Léa documente son quotidien : installation dans son logement, apéro entre amis avec les dernières provisions de sa locataire, déménagement express de ses affaires, démontage de l’appartement… Tout y passe. Un parcours digne d’une série Netflix comme le soulignent certains commentaires. Entre vengeance personnelle et autopromo, cette stratégie permet à Léa, qui travaille dans l’immobilier, de gagner des abonnés et une petite notoriété. « Toujours plus » semble être sa devise car elle ira même jusqu’à raconter son date avec le gendarme venu la contrôler. Pour ponctuer son récit, elle publie en parallèle des vidéos aux allures méritocratiques « Ils attendaient ma chute avec pop-corn… Ils doivent être déçus », ou encore « Moi je protège les gens qui construisent pendant que vous likez la médiocrité ». Même ton dans les publications qu’elle partage, allant jusqu’à relayer des extraits d’interview de Nicolas Sarkozy où il explique qu’il « y a deux catégories de personnes » : ceux qui saisissent l’opportunité et ceux qui réfléchissent à la saisir.
Propriétaire vs locataire
Léa ne cherche pas seulement à raconter sa propre histoire. Elle veut banaliser ce type d’action. Si certaines réactions la félicitent pour son audace, d’autres s’indignent et espèrent qu’elle sera condamnée. Très vite, ses vidéos deviennent l’arène d’une guerre locative. Sur TikTok, l’avocat Avner Doukhan, spécialiste des procédures d’expulsions, en profite pour réagir. Il dit comprendre que Léa « en ait ras le bol », tout en rappelant que sa méthode est illégale et passible de sanctions.
D’autres créateurs, eux aussi bailleurs, exposent leurs propres litiges. Parmi eux, la spécialiste du marketing digital, Elodiehustle, dont le témoignage est repris par le compte d’éducation financière Goldy.fr. Elle y raconte que ses locataires refusaient de payer un loyer de 2 600 euros pour une maison en Norvège, au motif qu’elle et son compagnon étaient « riches ». Par ailleurs, un mois avant le buzz de Léa, le compte Stevenestchaud relayait l’existence d’un groupe espagnol nommé Antiokupas, payé pour expulser des squatteurs.
Dans sa vidéo, il vantait son efficacité, rendue possible par un renforcement récent de la législation espagnole et souhaitait son équivalent en France. Reste à savoir si Léa fera l’objet d’une condamnation. Ce qui est sûr, c’est qu’elle s’inscrit dans la tendance des influenceurs qui s’autoproclament justiciers.
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