
En ligne, des personnes atteintes d’un cancer partagent leur expérience et brisent les tabous autour de la maladie.
« POV : tu pars faire ta première chimio pour te soigner. » Louve – une créatrice de contenu belge de 29 ans – a appris il y a un an qu’elle était atteinte d’un cancer du sein. Depuis, elle raconte son quotidien sur sa page Instagram, suivie par près de 12 000 personnes. « Lorsque j’ai appris mon cancer, ça a été un vrai choc. Tout est flou au départ. »
C’est ce qui l’a motivée à adapter ses contenus au gré de son traitement, tout en s’efforçant de garder un univers coloré et joyeux. « C’est souvent très tabou d’en parler, alors qu’au contraire, c’est bien de montrer l’envers du décor pour sensibiliser. » Son but : démystifier la maladie. « Je pensais par exemple que lors d’une chimio, on était soigné dans un gros caisson…, alors que ce sont des perfusions. »
Montrer que la vie continue
Pour Lisa, diagnostiquée d’un cancer du cœur en 2023, raconter sa maladie lui sert à dédramatiser auprès de ses 27 000 abonnés. « J’ai été plus connue après une blague où j’ai dit que " j’avais plus d’abonnés que de sourcils " », se souvient-elle, en rigolant. Lisa souhaite désormais montrer autre chose que la maladie. « Je ne veux pas être focus là-dessus, mais plutôt sur qui je peux être en étant malade. » Sur sa page, les traitements cohabitent avec ses passions : la lecture, l’art et le sport.
Mais si Lisa avoue qu’en parler est « thérapeutique », elle souffre de certains comportements en ligne. Notamment les personnes qui lui racontent le décès d’un proche à la suite d’un cancer. « Ce n’est pas vraiment approprié. » D’autres vont plus loin. « Quelques-uns m’ont dit que j’inventais, ou que le cancer était ma faute parce que j’avais des tatouages. »
« La nécessité de créer des liens »
Ces critiques, Christine, une cinquantenaire, en a essuyé également depuis qu’elle a été diagnostiquée d’un cancer du sein l’an passé. « On m’a déjà critiqué parce que j’avais bonne mine. On m’a dit : " c’est à se demander si vous êtes vraiment malade ". » Pour autant, elle sait que sa parole est importante. « C’est primordial de montrer qu’on peut être forte et résiliente même fatiguée. Je ne fais pas ça pour montrer ma douleur, mais pour extérioriser. »
Au-delà de la peur de mourir, c’est la solitude qui effraie Christine. « Je crois que j’avais aussi la nécessité de créer des liens. C’est une maladie qui isole beaucoup parce que les gens ne savent pas quoi nous dire et préfèrent couper les ponts. Les réseaux sociaux permettent de passer outre cela. »
Une médiatisation qui évolue
Ariya, diagnostiquée d’un cancer colorectal en 2017, a également utilisé les réseaux sociaux comme journal de bord. « Au départ, ça m’a servi à informer les gens sur mon état, sans plus déranger mes proches qui étaient très affectés. » Puis la communauté s’est agrandie.
Après sept ans sur les réseaux sociaux, Ariya voit que la médiatisation du cancer évolue beaucoup. Désormais, elle collabore même avec des marques de dermatologie. « Quand je suis arrivée en ligne en 2017, j’étais très seule et on parlait uniquement du cancer du sein. » Un constat que Lisa fait aussi. « C’est important de parler de toutes les maladies, pas uniquement pendant Octobre rose. » Pour les quatre femmes interviewées, partager leur expérience est avant tout essentiel pour casser les clichés. « Dans les films, quand un personnage apprend qu’il a un cancer, dans la première scène, il vomit et dans la seconde, il perd ses cheveux. Mais il y a autant d’effets secondaires que de cancers », constate Louve.
Toutes se posent des questions sur la suite. « Est-ce que je continuerai à parler même quand je serai en rémission ? », s’interroge la créatrice belge. Ariya, elle, est soucieuse pour sa communauté très fidèle de 4 000 abonnés. « Certains me proposent de venir me voir à l’hôpital. C’est très gentil, mais j’essaye de les calmer car, un jour si je pars, ils seront dévastés. »
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