Oussama Ammar pensif dans un bureau en haut d'un building

« Pour devenir riche, cliquez ici » : enquête chez ceux qui ont payé leur formation business en ligne

© chaine YouTube d'Oussama Ammar

Ils sont nombreux à se laisser séduire par des formations qu'ils achètent en ligne - et parfois au prix fort. Qu'est-ce qui les pousse à investir temps et argent dans ces apprentissages « prêt à cliquer » ? Enquête.

Août 2024. Le rappeur Booba repart en croisade contre les « influvoleurs » (contraction d' « influenceurs » et de « voleurs » ). Cette fois, il s’attaque à l'entrepreneur de la tech Oussama Ammar, qu'il accuse de mentir et d'être un escroc. Franck ne partage pas cet avis. « J'ai acheté la formation Ecom Pro de @YomiDenzel96, associé d'Oussama Ammar sur plusieurs projets, il y a trois ans. J'ai pris une bonne claque. Le contenu est précis, les intervenants de qualité. Et surtout, cela m'a permis de mieux comprendre l'e-commerce », tweete-t-il. Selon lui, pas question d'amalgamer les créateurs de formations comme Yomi Denzel, souvent diplômés d'écoles de commerce, avec les influenceurs de la téléréalité. « Ils sont transparents dans leur démarche. Les gens savent ce qu'ils achètent et à quel prix. Je doute fort qu'ils puissent être condamnés pour escroquerie. »

Une mise à jour sur le numérique pour les entrepreneurs établis

L'intérêt de Franck pour les formations en ligne est né d'un besoin concret : accompagner la transition numérique de son business physique. « J'entreprends depuis l'âge de 18 ans dans le textile. J'ai découvert Yomi sérieusement en 2020, pendant la période du Covid. On avait un site Internet, mais on sentait qu'on n'avait ni les bonnes techniques ni le bon état d'esprit. Notre communication se limitait principalement à Instagram. Il fallait qu'on se développe sur d'autres plateformes. » Pour lui, les formations en ligne sont un formidable outil de remise à niveau : « Quand j'ai lancé mon premier vrai business en 2010, les réseaux sociaux existaient à peine. C'était l'époque de PrestaShop (application Web pour créer des boutiques en ligne, ndlr). On postait nos tests de marques de vêtements sur Skyblog, et on communiquait sur des groupes Facebook. La préhistoire ! », s'amuse-t-il. 

La quête d'argent facile

Jayson, digital native de 22 ans, très actif sur TikTok, où il cumule 92 800 abonnés, a aussi suivi la formation de Yomi Denzel, mais pour d’autres raisons. « Je voulais devenir riche facilement et rapidement. J'aimerais ne plus craindre d’avoir à payer mes factures, pouvoir voyager, me faire plaisir, gâter ma famille. » Cet étudiant en école de commerce reconnaît que les vidéos des infopreneurs millionnaires ne sont pas étrangères à sa soif de richesse. « Ils nous vendent du rêve et nous incitent à entreprendre. » Samir, 33 ans, entrepreneur ayant réalisé des études d'ingénieur, a lui aussi été sensible aux promesses de prospérité : « Il y a un storytelling très efficace autour du succès rapide et facile. J’y ai cru au début, comme beaucoup. Mais avec le temps, on comprend que ce sont surtout des stratégies marketing bien huilées. Ce n’est pas que je suis contre, mais il faut savoir faire la part des choses. » 

Liberté chérie…

Samir a été séduit par les discours sur la liberté de l'entrepreneur du numérique. C'est ce qui le pousse, en 2025, à se procurer la formation Ecom Blueprint de Yomi Denzel. « Je veux choisir mes projets, gérer mon temps, créer quelque chose qui a du sens, avoir un impact, vivre selon mes propres règles. L'argent, c'est bien sûr un levier, un objectif secondaire, mais pas ma motivation principale. » La poursuite de la liberté est aussi ce qui anime Anna, entrepreneuse de 23 ans et acheteuse de formations depuis six ans, qui souhaite troquer son business physique contre un business en ligne et devenir digital nomad. « Après un BTS esthétique, je me suis lancée à mon compte. J'ai un salon d'extension de cils. Mais j'adore voyager et j'aimerais pouvoir travailler d'où je veux. » 

… et déconvenues en série

Samir a finalement exercé son droit de rétractation. Le contenu ne l'a pas convaincu. « Je voulais aller dans le vif du sujet, mais il y a beaucoup de vidéos longues sur le mindset (« état d'esprit », ndlr). Pour quelqu'un comme moi qui entreprend déjà, c'est superflu. J’aurais aimé trouver du concret, des chiffres, des études de cas réalistes, des exemples d'erreurs et de solutions, des conseils personnalisés, ou des témoignages d'anciens élèves. J'ai vu un enchaînement de modules bien présentés, mais parfois trop théoriques et généralistes. J'ai été déçu au vu du prix que cela représentait. » 

Un marketing parfois trompeur

Anna, qui a multiplié les achats de formations (dans le marketing de réseau, la crypto, le setting et le closing, etc.), a rarement été satisfaite. « J'ai acheté une formation sur la cryptomonnaie à Yomi Denzel, mais comme il est connu, tout le monde fait pareil et le marché devient saturé. » Elle critique surtout le marketing fallacieux des infopreneurs : « Ils mettent l'accent sur la facilité du travail une fois qu’on a percé sans évoquer les difficultés pour y parvenir. Lorsque j'ai acheté ma dernière formation en date, sur le setting/closing, on m'a prétendu qu'il suffisait d'envoyer des messages, alors que cela demande bien plus de travail. Et il y a des coûts cachés. Yomi ne nous avait pas informés qu'en plus de la formation, il fallait payer des abonnements pour entrer dans son groupe WhatsApp d’entraide et pour l’application Shopify. » Jayson partage cet avis sur le manque de transparence de Yomi Denzel, notamment sur sa formation gratuite de cinq jours, qui s'avère être un tremplin vers sa formation payante. Il y a même consacré une vidéo TikTok, relayée par Booba. 

Et ce n'est pas sa seule déconvenue. « Je me suis renseigné sur une autre formation, moins chère, celle d'Antoine Blanco (qui a débuté dans le coaching sportif et vend des formations aux créateurs, ndlr). Un de ses employés m'a appelé et a soigneusement évité de mentionner le prix, en se concentrant sur mes motivations. Ce n'est qu'au bout du deuxième appel que j'ai appris qu'il fallait que je débourse 4 000 euros pour la formation et un suivi. Je n'ai pas donné suite. » 

Vendeurs de rêves

Pour Jayson, ces formations relèvent de l'arnaque. « C'est du vol, du scam, du pur bullshit de faire payer des formations hors de prix en faisant miroiter des gains irréalistes. Cela ne fonctionne pas pour la majorité, et beaucoup se font avoir. Il y a des centaines d'heures de vidéos où les intervenants parlent pour ne rien dire. Ça manque de conseils concrets. » En descriptif des formations de Yomi Denzel, on trouve des promesses de gains telles que : « 3 mois pour générer 10 000 euros de chiffre d'affaires ou on vous rembourse. » Un astérisque, vague, précise : « Cette garantie s’applique sous réserve du respect des étapes définies dans notre programme. »

Pas de formule magique

Franck juge les accusations d'arnaque injustifiées et pointe le manque de persévérance de certains acheteurs. « Peu vont jusqu'au bout. J'ai regardé celle de Yomi trois fois, tellement c'est consistant. Il y a une centaine d'heures de vidéos sur des sujets variés, avec des mises à jour régulières. Je pense que les gens sont motivés à l'achat, mais qu'ensuite ils ne prennent pas le temps de mettre en œuvre les apprentissages, de faire des tests. Cela demande de l’endurance. Le produit est de qualité. Simplement, le contenu ne répond pas aux attentes de ceux qui veulent une formule magique. » 

Franck est convaincu de l'impact positif de cette formation sur son entreprise de fabrication de textile : « La progression de mes business et dans le commerce en général est considérable depuis ces trois dernières années. » Il n'hésite pas à la recommander à son entourage. « J'ai montré des vidéos TikTok de Yomi à ma sœur, qui souhaite entreprendre, et je lui ai partagé le lien de la formation. Au début, elle était réticente, puis s'est finalement laissé convaincre. » 

Un marché parallèle florissant

Face aux avis mitigés et aux prix élevés, de nombreux usagers s'inquiètent sous les posts d'infopreneurs : « Est-ce que la formation vaut vraiment le coup ? » Dans le doute ou par manque de moyens, certains se la procurent gratuitement ou à prix cassés sur des groupes Telegram où elles circulent illégalement. Samir condamne cette pratique : « C'est malhonnête, et cela peut nous coûter cher si Yomi dépose plainte, avec les outils de traçage existants. » Franck désapprouve également : « Sur Telegram, on ne sait pas ce qu'on achète ni à qui, et il est facile de se faire voler 50 euros sur Internet. En achetant la formation officielle, j'ai une garantie, un accès permanent au contenu et un service client. » 

L’enseignement traditionnel en disgrâce ?

Les infopreneurs millionnaires comme Yomi le répètent : « Si tu veux devenir entrepreneur, les études ne servent à rien. » L'engouement pour ces formations est significatif d'une volonté croissante d'entreprendre, mais aussi d'une certaine désaffection pour les cursus traditionnels. D’après Franck, diplômé de l'ESJ, les écoles de commerce doivent se mettre à la page : « Il faudrait des professeurs avec la même énergie qu'un Yomi sur YouTube, tous ces entrepreneurs qui vendent des formations sur des sujets pointus, pour faire le pont entre le monde académique et celui des entrepreneurs. Si ces formations prolifèrent, c'est qu'il y a un manque dans l'apprentissage. » Il insiste aussi sur la nécessité de développer l'esprit critique des jeunes pour les prémunir contre les arnaques.

À boire et à manger 

Car derrière les têtes d'affiche, une multitude d'infopreneurs moins connus proposent des formations moins onéreuses mais à la qualité encore plus incertaine. Franck confirme : « De jeunes formateurs issus de TikTok vendent des formations dès 100 euros, mais ce sont souvent des copiés-collés de formations américaines, mal traduites. Ils n'ont pas forcément d'expérience dans l'e-commerce. »

Un investissement en soi-même 

Malgré ses déceptions à répétition, Anna ne voit pas ses achats de formations comme de l'argent perdu mais comme un investissement sur elle-même. Elle n'est pas fermée à l'idée d'en expérimenter d'autres. « Je gagne assez bien ma vie avec mon business et je vis encore chez mes parents, donc je peux me permettre d'investir dans des formations sans trop prendre de risques. J'ai vraiment besoin d'aimer le travail que je fais, et cela me donne la possibilité d'explorer différentes voies. Le meilleur investissement, c'est celui que l'on fait sur soi. » Toutefois, elle reconnaît une certaine réticence à en parler à ses proches : « Moins j'en dis, mieux c'est. Je ne veux pas qu'ils me stressent. Ma dernière formation m'a coûté 2 000 euros. Dans ma famille, tout le monde est salarié, ils ne comprendraient pas une telle dépense. » Samir partage cette perspective : « Peut-être que j'investirai dans de nouvelles formations plus qualitatives et reconnues, parce que, comme dans tout business, il faut investir pour avoir un retour. » Jayson, qui a choisi comme bio TikTok « Je ne suis pas un influvoleur », ne compte pas réitérer l’expérience. 

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