La coloc de Friends et des dollars qui tombent du ciel

« GemÖks » : la nouvelle famille qui partage son fric mais pas son frigo

Ils mettent en commun revenus et dépenses sans cohabiter. Les adeptes des « GemÖks » questionnent notre rapport à l’argent, à la solidarité…, et à la confiance absolue.

La colocation, c’est déjà du sport : négociation des tours de ménage, horaires de salle de bains, « C’est à qui ce bout de camembert sous les coussins du canap ? »... Imaginez alors le niveau supérieur : ne plus partager ni l’espace, ni les corvées, mais carrément votre argent.

Bienvenue dans l’univers des GemÖks, ces communautés financières où chacun met en commun ses revenus et ses dépenses sans vivre sous le même toit. Né en Allemagne à la fin des années 90 dans une coloc étudiante de Göttingen, le concept – contraction de « gemeinsame Ökonomie » (économie commune) – pousse donc le curseur du partage sur le terrain le plus miné possible : la thune.

Ici, pas de comptes Tricount : tout le monde verse son salaire sur un compte commun et pioche selon ses besoins, tandis que les dépenses individuelles au-dessus d'un certain montant (généralement 1 000 euros) sont votées en communauté. L’objectif : équilibrer les inégalités et réinventer le rapport à l’argent.

Communisme à petite échelle

L'hebdomadaire allemand Der Spiegel, qui a consacré un reportage à quatre adeptes de cette vie financière fusionnelle, estime qu'une dizaine de collectifs de ce genre existeraient en Allemagne. Ni zadistes, ni écolos hardcore : les quatre membres du GemÖks berlinois sont des trentenaires urbains et actifs : travailleurs sociaux, ergothérapeutes, médecins…

Quelle logique derrière cette idée radicale contraire aux idéaux individualistes ? Pour ses partisans, le GemÖk permet une certaine sécurité financière – les membres se reposant les uns sur les autres en cas de coup dur – de financer ensemble des projets collectifs et d'éviter la pression individuelle des difficultés économiques. Une coloc de compte en banque qui favorise un rapport plus solidaire à l’argent en instaurant une dépendance mutuelle et une responsabilité partagée. Une sorte de « communisme à petite échelle » face à nos angoisses contemporaines : précarité croissante, coût de la vie qui explose, retraites hypothétiques...

Économie de la confiance absolue

Sur Reddit, le concept fait chauffer les claviers. « Ce système est passionnant, mais seulement si les membres sont fiables [...] S’il y avait un cadre légal solide, une vraie garantie sur les retraits et les prises de décision, je pourrais carrément tenter l’aventure », écrit un internaute au sujet des quatre adeptes berlinois. D'autres ironisent : « Hâte de voir ce qui va se passer quand le futur médecin fera ses 70h/semaine et apportera 10k€, pendant qu’Hilda, coach de vie en yoga quantique, contribuera à hauteur de 200€. »

Les adeptes le reconnaissent : faire partie d’un GemÖk, ce n’est pas pour tout le monde. Ici, pas de contrôle strict. Tout repose sur une confiance absolue et une capacité à accepter les besoins des autres. « Il s’agit de traverser la vie ensemble, pas de se battre en mode loup solitaire », explique Lena, membre d’un GemÖk, dans le magazine indépendant allemand Transform.

BFF de RIB

Au-delà des questions financières, ces « commus » soulèvent une autre question : celle de la pérennité des relations. Car intégrer un tel collectif c'est, en théorie, s'engager dans un partenariat à vie. Devenir « Best Friend Forever de RIB », comme les membres fondateurs de Göttingen, qui, depuis 1990, vivent toujours sous ce modèle. Une perspective qui peut faire « tachycarder » dans une époque où les engagements de longue durée – intimes ou professionnels – n’ont plus vraiment la côte.

Ce nouveau modèle semble ainsi poser la question d’une quête de stabilité et de liens solides dans un monde où l’incertitude est devenue la norme. Robin, jeune adepte interrogée par Der Spiegel, ne dit pas autre chose : « Le plus important à mes yeux, c’est de savoir que ce groupe sera toujours là pour moi. »

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