
Après avoir assisté à la libération massive de la parole des femmes, certains hommes se réunissent pour s’ouvrir, ensemble, à leur vulnérabilité.
Des célébrités masculines qui évoquent leurs dépressions, des héros de série qui consultent un thérapeute, etc. L’ère serait-elle à la libération de la parole chez les hommes. Jusqu’à présent minoritaires dans les cabinets de psychologues (seulement 30 % de leur patientèle) et souvent aux abonnés absents des stages de développement personnel, ceux-ci s’éveillent à la nécessité de déposer leurs fardeaux émotionnels. Et certains d’entre eux choisissent d’y associer la force du collectif.
« Depuis un ou deux ans, les cercles de paroles prennent de l’ampleur »
De plus en plus de groupes de parole et de cercles d'hommes se créent partout en France. Il y a 5 ans, Ferdinand Richter, ancien responsable France du moteur de recherche Ecosia, a décidé d’encourager le mouvement. « Si l’on n’accompagne pas les hommes, on peut planter autant d’arbres que l’on veut, ça ne changera pas grand-chose ! » Après un démarrage timide, le créateur du magazine Men’s work constate déjà une évolution : « Depuis un ou deux ans, ça prend de l’ampleur et les créneaux se remplissent pour tout le monde. »
Loin de n’intéresser que la GenZ, ces groupes attirent selon lui en majorité des trentenaires, puis des quinquagénaires/sexagénaires en quête de renouveau. Parmi les thématiques souvent abordées : les relations de couple, la sexualité, le deuil, le manque de sens au travail, mais aussi l’argent. Plus tabous encore, fleurissent dans la société des groupes dédiés aux hommes victimes ou auteurs de violence conjugale et/ou sexuelle.
« C’était la première fois que j’arrêtais de faire semblant »
Apprendre à exprimer son agressivité de façon saine, c’est ce que Karl, 44 ans, souhaitait en s’inscrivant à un groupe de parole masculin en Bretagne. Celui qui a grandi sans père ressentait le « besoin viscéral » d’être soutenu par des hommes : « Je voulais qu’ils tiennent l’espace pour moi, qu’ils me contiennent. » Ancien « coureur de jupons » et accro au sport, Karl était plutôt du genre à fuir ses émotions. Le soulagement fut immédiat : « Je crois qu’il y avait urgence. C’était la première fois que j’arrêtais de faire semblant, j’en ai eu les larmes aux yeux, voire un peu plus... », se souvient-il.
Tous les 15 jours, Arnaud, un vigneron de 36 ans, se rend lui aussi dans ce type de groupes de parole. Une façon de déposer ses émotions loin de « la superficialité » de certains rapports entre hommes « où l’on parle de sport, de femmes, de professions, de loisirs. » Le père de famille a sauté le pas après avoir vécu un ras-le-bol généralisé : « Un point de rupture était atteint où je sentais une tension monter, et je ne savais plus comment m’en défaire », explique-t-il.
Pas de « jeux de séduction » ni de « combats de coqs »
Se retrouver avec des personnes du même sexe était essentiel à ses yeux pour faire « tomber la carapace ». « Dans des groupes mixtes, il peut y avoir des jeux de séduction ou des combats de coqs », estime celui qui peine à se montrer vulnérable devant des femmes. Loin de toute rivalité, Arnaud découvre la bienveillance entre hommes, à travers une écoute attentive et parfois certains gestes de soutien : « Ça fait du bien d’avoir des contacts doux et tendres entre hommes, je n’aurais pas pu l’imaginer il y a quelque temps ».
S’il a trouvé le courage de se jeter à l’eau, le trentenaire admet y avoir été fortement encouragé par la mère de ses enfants. Tout comme Ferdinand, qui n’allait vraiment pas bien après la naissance de [s]a fille : « C’est ma compagne qui m’a dit "maintenant, tu y vas". » Une impulsion féminine qui concernerait 80 à 90 % des hommes inscrits, à en croire le spécialiste. Gageons que le bouche-à-oreille pourrait faire son œuvre...
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