
Cette grosse tasse est devenue un accessoire que certains collectionnent en différents coloris, remettant en cause sa soi-disant fonction première : préserver l’environnement.
Il s’agit d’une énorme tasse de 1,2 litre en plastique dotée d’une paille intégrée et d’une anse imposante, se déclinant en une multitude de couleurs. La chose baptisée « Stanley’s Quencher » coûte entre trente et cinquante euros, et elle est devenue un phénomène viral sur TikTok. Elle aurait été l’un des objets les plus plébiscitées des « hauls » TikTok post-Noël (ces vidéos où l’on déballe des colis) chez la Génération Z, note Casey Lewis, spécialiste des tendances de consommation chez les plus jeunes. Une collection capsule avec Starbucks a créé des scènes de chaos dignes du Black Friday chez la chaîne de supermarché Target. Des influenceurs et influenceuses collectionnent les cups pour les assortir à leurs tenus et vernis à ongles. Aux États-Unis, l’objet susciterait tellement de convoitise qu’il serait une sorte de marqueur social, à l’origine de moqueries à l’école, note Business Insider.
Dites merci au monsieur de Crocs
Cette hystérie collective permet à Stanley, l’enseigne centenaire à l’origine de ce gros gobelet, d’engendrer un chiffre d’affaires record. L’entreprise de Seattle est parvenue à hisser ses revenus annuels à 750 millions de dollars, contre 70 millions de dollars avant 2020, rapporte CNBC. Stanley a réussi à rendre son produit banal désirable en jouant sur la rareté, via des collections capsules limitées. La Stanley cup existe depuis 2016, mais ce n’est qu’à partir de 2019 que son destin change. Cette année-là, l’entreprise nomme Terence Reilly en tant que nouveau président. Le dirigeant est passé par Crocs, donc rendre désirable des produits a priori peu esthétiques, il sait faire. Pour booster la popularité de la tasse, il noue un partenariat avec The Buy Guide, un blog tenu par Ashlee LeSueur, une femme particulièrement fan des Stanley Cups. C’est lui qui initie aussi des partenariats avec des marques, et le lancement de collection capsule, fort de sa culture des ventes « drop » et de l’« influence », obtenue chez Crocs.
Évidemment, la Stanley Cup, comme tout produit viral, est déjà victime d’un backlash. Dans un article pour The Guardian, la journaliste Alaina Demoupolos, s’appuyant sur les propos de JB MacKinnon, un journaliste spécialiste de la surconsommation (auteur de The Day The World Stops Shopping), compare la Stanley Cup au Tote Bag (ce sac en toile qui encombre désormais nos appartements). Les deux objets suivent la même courbe, dit-elle. D’abord ils sont vendus comme des moyens d’éviter le jetable, et donc d’adopter une consommation plus durable, la demande s’enflamme, la production suit, et les gens finissent par surconsommer ce produit, annulant quelque peu son effet potentiellement bénéfique pour la planète.
« Il y a 15 ans, tout le monde était censé acheter une bouteille d'eau réutilisable et l'emporter dans la tombe, explique MacKinnon. Mais aujourd'hui, le style de ces bouteilles change constamment et les gens entrent dans un cycle de remplacement constant.» L’une des acheteuses de la collection Stanley x Starbucks confie au Guardian ne pas vouloir sortir sa cup de son emballage. « C’est un produit qui a tellement de valeur. » Allez hop au placard, avec vos vieux tote bags.
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