
L’air de rien, elle s’immisce dans notre quotidien et dans la pop culture mais elle ruine la santé de milliers de personnes chaque année. Qu’est ce qui se cache derrière cette addiction que peu prennent au sérieux ?
La bigorexie, c’est quoi ? C’est la dépendance excessive d'un être humain à l'activité sportive, notamment pour développer sa masse musculaire. Une addiction au sport ? L’idée peut faire sourire. Comment pourrait-on être addict à une pratique largement encensée comme étant saine pour la santé ? Et pourtant, la bigorexie est reconnue comme maladie par l’OMS depuis 2011. En effet, bien plus qu’une simple démonstration de discipline, elle est souvent le symptôme d’un rapport difficile à son propre corps. Un mal qui touche autant les femmes que les hommes.
Une addiction qui ne dit pas son nom
Pour Fred Bladou, référent minorités de genre pour SOS Addictions, la bigorexie apparaît quand « la vie ne s'organise plus autour du sport ou avec le sport, mais que le sport organise toute la vie » . Pour lui, derrière une pratique intensive et indispensable du sport, peuvent se cacher plusieurs maux. Premièrement, la volonté de modifier son aspect physique : le faire gonfler ou le faire maigrir selon ses propres projections. Ensuite, vient potentiellement une modification du comportement alimentaire avec la prise de substances licites ou illicites permettant d’augmenter la performance sportive (stéroïdes, produits protéinés, etc.). La bigorexie cacherait une « incapacité à se supporter physiquement » et surtout, le reflet d’une société où on n’a pas le droit de ne pas être performant.
Une maladie qui a ses influenceurs
Malheureusement encore peu prise au sérieux, la bigorexie est presque une fierté pour certaines figures des réseaux. C’est le cas par exemple dans ce TikTok de Tiboinshape, 2e youtubeur français en termes d’audience, qui invite à « Tag un accro au sport ! » dans les commentaires, avec un air taquin.
Mais la bigorexie peut compter sur de très nombreux influenceurs. Entre les modèles masculins de la téléréalité, le boom du fitness et la transformation physique visible de beaucoup de références nerd (Squeezie, PewDiePie, Mark Zuckerberg), les physiques musclés, hypertravaillés, sont partout. Une recherche de performance qui va bien au-delà de l’effort physique.
Un modèle qu’on trouve derrière les hashtags #gymtok ou #gymshark sur Instagram et TikTok. Nombreux sont ceux à présenter un corps fit, qui a demandé beaucoup d’efforts mais qui a été obtenu grâce à l’accompagnement personnalisé d’un coach et surtout par l’usage abusif de substances, voire même de la chirurgie esthétique.
Addictions et isolements
Comme toute addiction, la bigorexie mène à un certain isolement social. Toujours selon Fred Bladou, elle apparaît « à partir du moment où on se contraint tellement qu’on s’empêche de faire d’autres choses. » Et certains l’ont bien compris. En plus de voir abonder des formations express pour reprendre sa vie et son corps en main, certains en profitent pour mener les jeunes consommateur·ices dans une direction toute particulière.
Le créateur de contenu Raptor, par exemple, a trouvé son business model. Avec ses nombreux comptes Instagram : @raptorvsfonte, @raptor.nutrition, @raptorcoachingpro ou @raptorpodcast, il propose une pléiade de services et de produits (tous payants, évidemment) pour atteindre ses objectifs. Et si vous n’en avez pas, il vous aidera également à les trouver. Une fois rentré.e dans la commu’, vous serez régulièrement abreuvé·e de commentaires climatosceptiques ou misogynes. Et ça, c’est gratuit.
Et si les gymcels ont tout un pan d’Internet à eux, du côté des femmes, les créatrices de contenu ont elles aussi leur tambouille. L’été dernier, de nombreuses jeunes femmes ont parlé de l’effet Chloé Ting sur TikTok. Cette créatrice de contenu fitness a connu un pic de popularité pendant les différentes périodes de confinement. Avec ses séances de sport intensives et la promesse d’un corps sans un gramme de graisse, elle en aurait mené beaucoup à des troubles du comportement et elles n’en sont toujours pas revenues.
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