Jeux de Chase Tag, Hyrox et padel

Hyrox, padel, Chase Tag… Pourquoi ces nouveaux sports font-ils fureur ?

Plus speed, plus instagrammables, plus inclusifs ? Selon Pierre Rondeau, professeur d'économie spécialiste du sport, ces sports émergents participent à ranimer notre goût pour le sport.

Le sport se réinvente-t-il ou recycle-t-il de vieilles recettes ? Face au succès de pratiques comme l'Hyrox, course qui mixe la course à pied et le crossfit, ou du padel, jeu de raquette qui se joue en salle, Pierre Rondeau, fondateur de l'Observatoire du Sport à la fondation Jean Jaurès, explore les raisons de cette effervescence. Simplicité des règles pour plaisir immédiat, goût du défi rondement mené... : qu’est-ce qui fait courir les adeptes de ces disciplines en vogue ?

Un vent de nouveauté souffle-t-il sur le sport ?

Pierre Rondeau : Le sport a le vent en poupe, c’est indéniable. Depuis l’épidémie de la covid de 2020, les études montrent que les Français sont plus nombreux à faire de l’exercice. Cette dynamique s’accompagne de l’émergence de nouvelles pratiques. Prenons l’Hyrox. Personne, ou presque, ne connaissait cette course de fitness il y a encore deux ans. Et pourtant, le Grand Palais de Paris a accueilli 12 000 de ses adeptes lors d’une compétition en avril 2025. Mais je ne pense pas que les pratiques sportives se renouvellent pour autant. Cela supposerait des changements majeurs. Or, ce n’est pas tout à fait inédit de voir de nouvelles formes d’activités émerger à travers le temps. Avant l’Hyrox, il y avait le CrossFit. Avant le CrossFit, le powerlifting.

Ces activités n’apportent-elles pas malgré tout un petit quelque chose de plus qui n’existait pas sur le marché ? 

P. R. : Elles ont un point commun : on y prend du plaisir assez facilement. L’Hyrox, c’est exigeant, mais c’est un condensé de mouvements assez simples à maîtriser. Je me permets de donner un exemple personnel. Une de mes amies n’avait jamais vraiment fait de sport dans sa vie jusqu’à l’année dernière. En quelques mois, elle s’est mise à l’Hyrox et elle a participé à une compétition. Le constat est le même si l’on s’attarde sur le padel. On s’y amuse dès la première séance. Rien à avoir avec le tennis ! Ce cousin pourtant pas si éloigné demande du temps pour bien renvoyer les balles et réussir un service. Cette analyse, on peut la transposer sur la plupart des sports traditionnels. On ne peut pas se dire : « Tiens, le rugby ça a l’air sympa. Je m’y mets un peu, et d’ici quelques semaines, je vais jouer un match. »

Ces sports ne sont pas seulement plus accessibles, ils se veulent aussi plus mixtes et plus inclusifs.

P. R. : L’Hyrox propose différents niveaux de compétition pour que tout le monde puisse y participer. Ses huit kilomètres de courses parsemés d’obstacles peuvent être réalisés à plusieurs, comme un relais. Cette inclusivité permet d’attirer le plus de monde possible et d’avoir un retour sur investissement rapide. C’est la même chose pour l’escalade, un sport ancien qui connaît un engouement nouveau. Dans les salles d’escalade, on propose des pistes vertes, jaunes, violets, rouges… À chaque niveau sa couleur. Cette tendance me fait beaucoup penser aux jeux vidéo. La plupart d’entre eux proposent des niveaux : facile, moyen et difficile. Mais il y a une vingtaine d’années, ils étaient systématiquement difficiles pour des raisons avant tout techniques. Les consoles étaient limitées en mémoire, donc l’univers des jeux n’était pas extensible à l’infini. Pour augmenter leur durée de vie, on les rendait complexes. Il fallait être patient et compétent pour arriver au bout et s’y reprendre à plusieurs. Désormais, on peut ajuster le niveau de difficulté au sien. 

Ces nouvelles pratiques trouvent une audience et de l’écho dans les sociétés occidentales. Pourquoi ? 

P. R. : Notre façon de percevoir et de vivre le sport évolue. Avec la montée de l’individualisme, on souhaite pouvoir se dépasser quand on veut et à n’importe quelle heure. Je caricature un peu, mais la séance hebdomadaire de football de 18 heures le mercredi a fait son temps. Ce modèle n’est pas assez souple. Et puis, le besoin de se mesurer aux autres n’a jamais été si grand. Ces pratiques s’accompagnent d’un système de comparaison lors des compétitions ou sur les réseaux sociaux. Le sport a toujours permis de se mesurer aux autres, mais il le fait désormais plus intensément que jamais. Ce que ces sports nous disent en creux, c’est : « Quand on veut, on peut. Il suffit de se prendre en main. » C’est la marque de la toute-puissance de l’idéologie néolibérale. 

Leur succès s’explique-t-il aussi par leur marketing bien huilé ?

P. R. : Pour faire émerger une pratique, il est indispensable de penser son marketing. Ce doit être un produit attractif et spectaculaire. Et puis, il faut faire parler de soi. Ce n’est pas un hasard si de nombreux sportifs professionnels et des influenceurs s’investissent dans ces nouveaux loisirs. Leurs promoteurs les attirent, car ils savent que cela suscite un engouement. Mais pour toucher le plus de monde possible, encore faut-il que ce sport ait des règles simples et que le sport soit facile d'accès. C’est le cas du Chase Tag, qui est ni plus ni moins qu’un dérivé du jeu du chat et de la souris. Évidemment, cette simplicité peut n'être qu'apparente. Dans l'univers de l'esport on a tendance à dire « easy to play, hard to master ». Là, c'est pareil : si l'on veut atteindre un très bon niveau, ces disciplines demandent de la technique. Un sport complexe comme le rugby aurait peu de chance de s’imposer s’il était créé ex nihilo aujourd’hui. Il ne fonctionne que parce qu’il a une histoire ancienne et une culture qui a été adoptée dans différents endroits du monde. 

Ces nouveaux entrants n’ont pas encore fait leur trou à la télévision, vont-ils finir par s’y faire une place ?

P. R. : Les droits de diffusions sont une source de revenu importante des pratiques sportives bien installées. Comme ils ne sont pas encore tout à fait connus par le grand public, le padel, le Chase Tag ou la Kings League doivent souvent se contenter de chaînes de télévision mineures ou de canaux numériques comme la plateforme Twitch. Cela rapporte peu, en revanche ils y captent l’attention des jeunes en proposant un contenu gratuit. Pour autant, continueront-ils à consommer ces sports quand ils auront du pouvoir d’achat ? On ne sait pas. Il est probable qu’une fois adultes, ces jeunes s’abonnent à BeIN et à Canal+ pour suivre le football, le golf ou la boxe. Le MMA est l’un des rares contre-exemples.

La Kings League ressemble à du football, mais avec plus d’actions. Ces pratiques revisitées et sensationnelles ne correspondent-elles pas davantage aux attentes du public ?

P. R. : S’adapter au public est une problématique centrale quand on cherche à se faire une place. Pour être « punchy », les confrontations sont plus généralement plus courtes et plus spectaculaires. Mais là encore, est-ce une dynamique si nouvelle ? Les règles des sports traditionnels ne cessent d’évoluer avec leur temps. Dans les années 90, les Américains ont lancé leur ligue de football. Ils ont changé de nombreuses règles pour proposer plus d’intensité : pas de matches nuls, penaltys « tirés » depuis le milieu de terrain… Tout le monde ne cesse de s’ajuster dans ce marché très concurrentiel, surtout les sports secondaires. Ils sont amenés à se renouveler davantage pour gagner leur leadership. Le football n’en a pas besoin car c’est le numéro un et ses instances sont donc très conservatrices, ce qui laisse de la place pour des expérimentations comme la Kings League. Mais encore faut-il réussir à pérenniser cet écosystème naissant.

Ce « nouveau monde » peut-il justement se pérenniser et bousculer l’ancien ?

P. R. : Ce n’est pas certain. La ligue américaine est revenue aux règles basiques du football, car ces changements n’ont pas eu l’effet attractif escompté. DAZN, le diffuseur de la Ligue 1, avait mis en place la saison dernière un système de « fanzone ». Sur le modèle des chats de Twitch, les abonnés pouvaient échanger et commenter les matchs en direct. Surprise : cette nouveauté était immédiatement critiquée par les spectateurs. Je pense qu’ils font la différence entre les canaux traditionnels, sur lesquels ils ont leurs habitudes, et les canaux alternatifs. Des tentatives de faire autrement, il y en a beaucoup, mais peu s’imposent dans la durée. 

Cette concurrence peut-elle tout de même devenir sérieuse avec le temps, voire remplacer des disciplines établies ?

P. R. : Il y a peu de chance que l’Hyrox remplace un jour le pentathlon aux Jeux olympiques. Les licences de ces nouveaux sports étant détenues par des organismes privés à but lucratif, ils ne peuvent pas s’organiser en fédération, alors que c’est une condition pour prétendre être inscrit aux JO. De toute façon, ce n’est probablement pas l’objectif des fondateurs de ces loisirs. Ils sont conscients de représenter un marché alternatif qui n’est pas directement en concurrence avec les autres sports. Les jeunes qui regardent la Kings League sur Twitch, ne la regarderaient pas si le même soir il y avait la finale de la Ligue des Champions. La chaîne L'Équipe a diffusé plusieurs compétitions de Chase Tag. Pour autant, est-ce que ça veut dire que les gens qui regardent le foot et le rugby vont arrêter de le faire parce qu’ils auront vu ce nouveau sport spectaculaire ? Je ne le pense pas. En fait, cela peut même servir les sports plus établis. Le Chase Tag donne envie de se mettre au parkour, le parkour peut mener à la musculation ou à l’escalade. L’intérêt pour la Kings League mène, lui, au foot. In fine, en les poussant à se moderniser un peu et en ravivant l’intérêt pour la pratique sportive, le « nouveau monde » pourrait même profiter à l’ancien.

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commentaires

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  1. Avatar Fran dit :

    la société qui possède Hyrox fait 100 millions d'euros de chiffre d'affaire ! ils cherchent a faire de l'argent en propoant quelque chose de nouveau, un mélange de course et fitness. c'est bien pour ceux qui sont en salle de sport et qui souhaitent se mesurer en terme de performance.
    Ils ne sont pas très inclusifs, sur insta sur 100 postes, 95 postes sont avec des hommes et des femmes très bien faits, torse nu pour les hommes avec des temps de moins d'une heure, 3 postes pour les "vieux" et "vielles" et 2 pour les handicapés. Chapeau à ces dernières catégories
    pour l'inscription a l'hyrox d'octobre porte de Versailles, 24 000 personnes au moins pour 12 000 places, sachant qu'il était possible de prendre un nombre non imité de place, seuls quelques heureux ont eu leur sésame. Ils ont ouvert un nouveau jours (un mercredi), 4000 tickets partis en 15min avec 12000 qui ont tenté leur chance.
    Bref, je fait partie des frustrés qui ont attendu une heure et ne pa avoir de ticket ni au début, ni au repéchage... je doute que je vais a nouveu tenter ma chance, ils pourraient faire passer le prix de 120€ a 180€ je pense qu'ils feraient toujours cartons plein..

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