
La popularité croissante du plus instagrammable des thés japonais a été portée par une poignée d’influenceuses, qui y ont vu un moyen de renouveler leurs contenus…, et de vendre de nouveaux produits à leurs abonné•es.
« Je sens que je vais faire une nuit blanche ce soir avec tout le matcha que je bois », prévient dans un sourire Aveline, plus connue des internautes sous son pseudo d’Impératrice Wu. Dans une vidéo publiée sur sa chaîne YouTube, l’influenceuse passionnée de gastronomie asiatique goûte les différentes marques de matcha commercialisées par trois autres créatrices de contenus : les Françaises Andie Ella et Stelle Cautres, respectivement propriétaires des marques Millia Matcha et Noka Matcha, et l’Américaine Emma Chamberlain, à l’origine de l’entreprise Chamberlain Coffee. Face caméra, la vidéaste — qui confesse avoir dépensé une somme à trois chiffres pour réaliser cette dégustation — s’amuse de la croissance exponentielle du nombre d’amatrices de matcha parmi les influenceuses : à l’époque où elle a commencé à en boire, il y a dix ans, le plus célèbre des thés verts japonais s’achetait dans d’obscures échoppes asiatiques, bien loin du succès commercial qu’on lui connaît aujourd’hui…
Ce thé en poudre, reconnaissable à sa couleur verte, est arrivé dans l’Hexagone il y a une petite décennie via la gastronomie. Séduits par son goût amer et sa teinte, quelques chefs parisiens — dont la japonaise Kaori Akazawa — en font la pièce maîtresse de leurs desserts. Dix ans plus tard, le matcha est la star des coffee shops, où il se boit en « latte », façon cappuccino. Ses points forts ? Il serait bon pour la santé (d’aucuns vantent ses qualités d’antioxydant), mais surtout sa teinte vert pelouse hautement photogénique : sur Instagram, le mot-dièse “matcha latté” a dépassé le 1,7 million de publications.
Matcha et clean girl : même combo
La petite poudre verte est rapidement devenue l’emblème d’un nouveau mode de vie davantage tourné vers le self care et mis en avant sur les réseaux sociaux. Exit la vie de party girl, désormais les jeunes filles se couchent tôt le soir et entretiennent leurs corps à grand renfort de skincare coréenne : la clean girl, que l’on reconnaît au glow de sa peau parfaite, est née. Et elle boit du matcha. « Cette boisson est arrivée avec tout un folklore, retrace Ananda, étudiante et créatrice de contenu sur TikTok. En boire revient à être that girl, cette fille parfaite sans vraiment faire d’effort. » Elle-même s’est convertie au style de vie de la matcha girl par excellence, à base de vêtements pastel et de cours de Pilates.
En Californie, où cet archétype est né, les clean girls s’affichent dans d’immenses appartements beiges et entretiennent face caméra un mode de vie sans imperfection. Certaines créatrices de contenus l’ont compris : Andie Ella, la parfaite clean girl (fringues roses comprises) a été l'une des première à prendre cette tendance au vol et lancer sa propre marque de thé en poudre, Milia Matcha, au retour d’un voyage au Japon. D’autres ont suivi et sont désormais légion : Noka Matcha, Anatae Matcha…
Le pays de l'or vert
Cette tendance a-t-elle fait du matcha un produit de luxe ? « Avant que ça ne devienne une mode occidentale, on trouvait du matcha dans des épiceries spécialisées pour 19 euros les 80 grammes », observe Khan-Ly Huynh, créatrice de contenus sur TikTok et restauratrice. Pour les nouvelles marques des créatrices de contenus, comptez plutôt 35 euros les 30 grammes.
La magie du marketing ? Sans doute, selon l’observatrice des tendances alimentaires Marie-Laure Hustache, qui voit dans le thé vert un produit « élitiste », réservé à un petit public qui saurait en apprécier le goût… Le goût, et la promesse de devenir un peu meilleur, rappelle Khan-Ly Huynh : « Acheter du matcha, c’est comme acheter le petit portefeuille d’une marque de luxe parce qu’on ne peut pas se payer le reste, estime-t-elle. Avec 35 euros, tu peux t’offrir un peu du mode de vie clean girl. »
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