des enfants devant des lignes de code

Éducation : une rentrée scolaire sous le signe de l’intelligence artificielle

Pendant que la France accepte timidement que des LLM soient utilisés dans le parcours scolaire, les États-Unis foncent tête baissée dans l’éducation augmentée à l’IA, non sans quelques grincements de dents.

Utilisée par les élèves pour s’aider dans leurs devoirs et leurs rédactions, mais aussi par les professeurs pour traquer les resquilleurs et s’assister dans des tâches administratives, l’IA s'est discrètement immiscée dans les pratiques au sein de l’école française. Mais le temps des initiatives individuelles semble révolu, tant cette technologie est au centre des attentions pour cette rentrée 2025.

Une IA made in France pour les profs

Promise depuis février dernier, Élisabeth Borne a officiellement lancé un cadre général pour cette technologie : une manière d’acter l’existence de l’IA et de normaliser sa présence au sein du système éducatif. Ainsi, les élèves bénéficieront d’une formation obligatoire en classe de 4ᵉ et en seconde. Ces derniers devront aborder l’histoire de l’intelligence artificielle, une initiation au prompting ou bien encore une exploration des impacts sociaux et éthiques de l’IA. Tous les cas d’utilisation non encadrés par les professeurs seront également considérés comme de la fraude. Reste à voir si, au-delà des cas évidents de triche, les professeurs sont armés pour détecter ces usages de plus en plus complexes. Ces derniers sont bien souvent masqués par une profusion d’outils en ligne comme Netus AI, permettant de brouiller les tics d’écriture auprès des détecteurs d’IA.

@brutofficiel

Élisabeth Borne annonce sur Brut. l’arrivée de l’IA pour aider les professeurs à faire leurs cours. L’interview d’Elisabeth Borne par @remybuisine sera disponible en intégralité sur notre chaîne YouTube dans la soirée.

♬ son original - Brut. - Brut.

Du côté des enseignants, la ministre Élisabeth Borne promet la livraison d’un LLM made in France censé les aider à personnaliser leurs cours et à concevoir des exercices. L’annonce a d’ailleurs largement été commentée par les syndicats de professeurs, qui voient d’un mauvais œil le budget de 20 millions d’euros alloué à la mise en place de cet outil alors qu’il est question de coupes budgétaires et de manque de moyens. Au-delà des polémiques, cette proposition vient surtout officialiser et sans doute encadrer un usage de l’IA déjà en place dans la communauté enseignante. D’après une étude de l’association Écolhuma menée auprès de 1 962 enseignants en mai dernier et dont les résultats ont été dévoilés à la rentrée, près de 7 enseignants sur 10 ont déjà utilisé les LLM dans leur travail, et la moitié s’en sert au moins une fois par semaine. Les usages se concentrent surtout sur la préparation de cours et l’efficacité administrative, tandis que la communauté est divisée en trois groupes face à la technologie : les « pragmatiques » (41 %) qui voient l’IA comme un outil pour gagner du temps, les « convaincus » (38 %) qui y voient une révolution pédagogique et les « réticents » (21 %) qui restent méfiants.

Les maternelles américaines dopées à l'IA

Si la France semble donc décidée à intégrer l’IA à son système éducatif, ces mesures sont encore loin de la politique américaine. Le 26 août dernier, Melania Trump a ainsi annoncé la mise en place du Presidential AI Challenge, une initiative visant à encourager les élèves de la maternelle à la terminale à utiliser l’IA pour « relever les défis de la communauté ». La semaine précédente, le conglomérat OpenAI, Microsoft et Anthropic s’est associé aux syndicats national et new-yorkais de la Fédération américaine des enseignants pour investir environ 23 millions de dollars dans la formation à l’IA de 400 000 enseignants de la maternelle à la terminale. Enfin, OpenAI a sorti dans la même période un modèle de chatbot spécialisé pour les étudiants, qui n’est pas censé donner de réponses ni rédiger des essais à la place des humains.

Cette volonté politique de pousser au maximum l’industrie de l’intelligence artificielle dans le domaine éducatif n’est pas unanimement saluée par la profession. Dans une tribune publiée dans le New York Times, Clay Shirky, vice-recteur de l’université de New York, explique que malgré la stratégie mise en place par son institution pour encourager les étudiants à des pratiques engagées et critiques de l’IA, la modification des devoirs à faire n’a pas empêché un « usage paresseux » de cette technologie. « Si vous demandez aux étudiants d’utiliser l’IA mais de critiquer ce qu’elle produit, ils peuvent générer cette critique avec l’IA. Si vous leur donnez des tuteurs IA formés uniquement pour les guider, ils peuvent toujours utiliser des outils qui se contentent de fournir les réponses. Et les détecteurs sont trop sujets aux fausses accusations de tricherie et trop faibles pour repérer les résultats légèrement modifiés pour que les professeurs s’y fient. »

Alors que revoilà l'écriture manuscrite

Afin de ne pas mettre en danger les compétences en littératie (l’aptitude à comprendre et à utiliser l’information écrite dans la vie courante), Clay Shirky évoque le retour des livrets bleus, ces petits cahiers qui servaient traditionnellement à rédiger des rédactions en classe et qui avaient plus ou moins disparu aux États-Unis au profit de l’ordinateur et des examens en ligne. De manière paradoxale, la généralisation de l’usage de l’IA pourrait bien voir revenir les lectures publiques et les travaux d’écriture manuscrite, une solution qui n’enchante ni les élèves, qui ont passé les trois années de lycée à travailler avec ChatGPT, ni les professeurs, qui ont l’impression que ce retour en arrière les rendra moins efficaces.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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