La série Notre belle famille

Élections américaines : la stratégie de communication de « bons pères de famille » du camp démocrate

© ABC

Sur les réseaux sociaux comme sur les scènes démocrates, Kamala Harris et son colistier Tim Walz brandissent en étendard leurs familles heureuses et aimantes. Pour mieux montrer qu’ils sont des Américains comme les autres — et jouer le contraste avec Donald Trump.

C’est une séquence qui a fait le tour des réseaux sociaux. « That’s my dad ! », s’écrie en larmes Gus Walz, le fils de Tim, colistier de Kamala Harris. Dans le discours qu’il vient de prononcer sur la scène de la convention démocrate à Chicago, Tim Walz, ce « nice guy » revendiqué dit toute sa fierté d’avoir de si beaux enfants : « Hope, Gus and Gwen, you are my entire world. And I love you. » Ce petit moment de télévision pourrait paraître anodin, tant il est banal pour un candidat à une élection américaine de poser auprès de ses proches, la famille étant devenue au fil des décennies une valeur cardinale et fédératrice aux États-Unis, peu importe le camp politique. Pourtant, depuis son entrée en campagne, le duo démocrate joue à plein cette partition, convaincu qu’elle finira par lui rapporter des électeurs.

Deux candidats pour deux faces de la famille américaine

« De nombreux médias ont souligné le fait que Tim Walz avait une tête de père sympa dans une sitcom américaine : un mec un peu ventripotent, pas toujours bien habillé, qui ne sait pas comment s’y prendre, mais très aimant », observe Laurence Nardon, chercheuse et responsable du programme États-Unis à l’Institut français des relations internationales. Selon elle, c’est cette étiquette de « bon père de famille », en plus de son orientation politique à la gauche de Kamala Harris, qui a valu à Walz d’être choisi par son camp comme vice-président. « Il incarne quelque chose de rassurant et "normal’". Avec son profil de père de famille du Minnesota, Tim Walz offre une vision de l’Amérique plus traditionnelle que celle de Kamala Harris, qui incarne plutôt les minorités issues de l’immigration », poursuit la chercheuse. Un ticket qui tranche avec celui du camp républicain, qui s’est choisi deux hommes blancs d’extrême droite.

De son côté, l’ancienne VP de Joe Biden tente d’incarner une vision plus moderne de la famille. Sans enfant mais toujours accompagnée de son mari – l’avocat Doug Emhoff –, Kamala Harris raconte à l’envi sa vie, faite de déjeuners dominicaux au cours desquels elle mijote des petits plats pour toute sa famille, et son rôle de belle-mère dans le foyer qu’elle forme avec les enfants de son compagnon — ces derniers l’ont surnommée « Momala » , contraction de « Mom » et « Kamala ». Selon le Bureau du recensement des États-Unis, 40 % des familles américaines sont recomposées, comme celle de la candidate démocrate. « À eux deux, Kamala Harris et Tim Walz représentent les États-Unis d’aujourd’hui », observe Pascal Lardellier, chercheur en sciences de l’information et de la communication à l’université de Bourgogne.

Trump ou le tonton fantasque

Durant l’été, Tim Walz fait le buzz en qualifiant Donald Trump et son colistier – le très agressif sénateur de l’Ohio J.D Vance – de « types étranges » ( « weird », en anglais), parce qu’ils proposaient d’interdire certains livres et modifier les programmes scolaires pour mieux réécrire l’histoire du pays. L’anecdote a eu d’importantes répercussions sur les réseaux sociaux : de jeunes internautes publient des milliers de clichés et de courts montages vidéo qui visent à souligner « l’étrangeté » de Trump. À la télévision, l’ancien président des États-Unis passe son temps à se justifier et répondre à la moquerie par des injures. « Cette histoire est chargée de sens, souligne Laurence Nardon. Durant sa campagne, Joe Biden présentait sans cesse Trump comme un danger pour la démocratie, ce qui ne fonctionnait pas dans les sondages. En se moquant assez gentiment de ses penchants autoritaires, Walz place automatiquement les Démocrates dans le camp des gentils. »

Ce faisant, le camp démocrate espère apparaître comme « normal » et « heureux » — Kamala Harris ayant fait de la joie le leitmotiv de sa campagne. De quoi « rassurer les électeurs modérés qui n’ont pas voté pour Donald Trump lors de la primaire des Républicains », selon Marie-Christine Bozom, politologue et spécialiste des État-Unis. « Le but, c’est aussi de permettre aux Américains moyens de s’identifier, renchérit Jordan Davis, correspondant aux États-Unis pour la Radio-Télévision Suisse. Il y a un contraste implicite avec Donald Trump, qui vit dans un manoir avec des domestiques, est en froid avec sa femme, a sexualisé sa propre fille et n’a sans doute jamais mis un pied dans un supermarché. » Une stratégie qui pourrait s’avérer payante dans les urnes ?

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