20-10-frivolity

Pourquoi les manifestants se déguisent-ils en mascottes face à la police américaine ?

© @Emyriad via Bluesky and :@JeawokMedia

Grenouilles, pandas et autres animaux commencent à envahir les cortèges de manifestants contre la police aux frontières (ICE). Loin d’être un simple choix esthétique, il s’agit d’une stratégie efficace intitulée « frivolité tactique ».

Depuis plusieurs jours, des images de manifestations bariolées envahissent les réseaux. Dans la ville américaine de Portland (Oregon), connue pour son art de vivre et sa culture délibérément weird (bizarre), des militants ont sorti des costumes gonflables de grenouilles et autres animaux mignons au sein des cortèges contre la police aux frontières (ICE), qui mène des rafles de migrants.

L'invasion des gentilles grenouilles

Tout a commencé au début du mois d’octobre, lorsque Sett Todd, un militant d’origine mexicaine et non binaire, se présente à une manifestation en costume de grenouille et se trouve filmé en train de faire reculer une ligne entière de policiers et d’hommes en armes.

@vecmusic

What is this power 😭🎵:Busy Baby #portland #ice #frog

♬ Busy Baby - Yung Vec

Rapidement, la vidéo fait le tour du web et gagne la sympathie des internautes. Les jours suivants, d’autres militants reprennent la tactique et viennent déguisés en requin, en ours ou en licorne. Non violents, ces manifestants se contentent de danser ou de souffler des bulles de savon devant les quartiers généraux de l’ICE : une forme de protestation qu’ils surnomment « Opération Inflation » et qui dépasse bientôt le simple relais sur les réseaux sociaux pour se frayer un chemin jusqu’aux médias télévisés mainstream. Et c’est justement l’objectif principal.

Depuis le premier déploiement de la Garde nationale à Washington, et surtout depuis l’assassinat de l’influenceur ultraconservateur Charlie Kirk, le président américain et ses proches ont déployé une rhétorique agressive envers les militants de gauche, qu’ils englobent sous le terme d’ « Antifa ». Après les avoir désignés comme une organisation terroriste par décret (alors qu’il s’agit en réalité d’un mouvement non organisé), il déploie à présent la Garde nationale dans les plus grandes villes du pays, comme Chicago ou Memphis, qu’il décrit comme des champs de bataille gangrenés par les émeutes et la criminalité.

Frivolité tactique

C’est dans ce contexte qu’intervient « l’Opération Inflation », qui permet de montrer à la télévision américaine une autre réalité que celle colportée par Trump. L’introduction de l’humour et de la gentillesse dans un moment politique tendu n’est pas le fruit du hasard, mais une véritable stratégie qui porte le nom de « frivolité tactique ». Conceptualisée dans les années 1990 et particulièrement utilisée durant le mouvement Occupy, la frivolité tactique est une méthode de protestation non violente qui a pour objectif de s’opposer aux figures autoritaires en les tournant en ridicule.

@perezbrenna

10/13 The joy (and power) of Tactical Frivolity. In other words… @Pearlmania500 is right. #news #funny #history #tiktoklearningcampaign #storytime

♬ original sound - Brenna Pérez

Certains montages mettent justement en avant la dissonance entre les discours de Trump, basés sur la peur et la haine, et les défilés de mascottes dansantes. D’autres images vont dans ce sens, comme celles montrant la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem, observer avec gravité depuis le toit d’un immeuble une petite troupe de manifestants dont se détache un homme déguisé en poulet.

https://twitter.com/bennyjohnson/status/1975662466874175498

Cette tactique est d’autant plus utile que le trumpisme, lui aussi, manie l’humour mais sous une forme plus cruelle. Depuis plusieurs mois, la Maison-Blanche poste des blagues et des mèmes issus de la culture trollesque pour frapper là où ça fait mal. On se souvient, par exemple, de la vidéo Trump Gaza célébrant un projet de reconstruction transformant les ruines de Gaza en riviera clinquante, ou encore d’images inspirées des dessins animés du studio Ghibli montrant une femme mexicaine en pleurs lors de son arrestation. Dans ce paysage saturé d’images grotesques et de vidéos générées par l’IA, la communication politique a viré au carnaval numérique. L’opposition, avec ses mascottes gonflables et ses bulles de savon, y répond sur le même terrain, mais en inversant les codes : de la dérision contre la peur, du jeu contre la haine. Peut-être qu’en réintroduisant le carnaval dans la rue, elle a trouvé la faille.

Discutez en temps réel, anonymement et en privé, avec une autre personne inspirée par cet article.

Viens on en parle !
le livre des tendances 2026
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire