
Sur les réseaux sociaux, la fin de l’hiver a vu naître une tendance beauté : glamouriser l’exposition au soleil…, sans soleil.
Et si l’ère de la clean girl vivait ses dernières heures ? Outre les messy girls ou grunge makeups, deux autres signaux faibles émergent sur les réseaux sociaux. Leur point commun : rendre glamour l’exposition au soleil, mais aussi ses effets. Alors que les rayons UV commencent à se faire sentir, certaines créatrices de contenus n’ont attendu ni le printemps ni l’été pour afficher une bonne mine. Vont-elles pour autant à l’autre bout du monde pour bronzer ? Pas forcément, si l’on en croit les vidéos qui fleurissent sous les hashtags #selftancontouring et #sunburnmakeup.
Dans le sillage de la tendance #morningshed, le principe du #selftancontouring est de maximiser son temps de sommeil en appliquant de l’autobronzant sur le visage, le soir. Cependant, pas question de l’appliquer n’importe comment et de finir orange. Pour ce faire, rien de mieux que de suivre les principes du contouring – pour rappel, une technique de maquillage popularisée par l’ex-star de téléréalité devenue business woman Kim Kardashian… qui l’eût cru ! L’autobronzant est ainsi appliqué sur les zones d’ombre du visage pour accentuer certains des traits les plus avantageux : arêtes du nez – pour l’affiner –, joues, jaw line ou encore haut du front. Plus surprenant : certaines vont même jusqu’à créer de fausses taches de rousseur et colorent leurs contours de lèvres.
Afficher un teint hâlé comme signe extérieur d’aisance
Quant au #sunburnmakeup, aussi appelé #heatstrokemakeup, il s’agit de reproduire l’effet d’un coup de soleil sur le visage. Inspiré d’une couverture du magazine GQ China, publiée en juin 2024, ce maquillage à base de tonnes de blush sous toutes ses formes – crème, poudre, liquide – se veut le plus réaliste possible. Certains vont jusqu’à reproduire les traces laissées par des lunettes de soleil, un collier ou même un débardeur. Mais rendre glamour, au mieux une transformation corporelle comme le bronzage, au pire une brûlure comme le coup de soleil, bien que simulés, pose question.
Pour le Pr Bernard Andrieu, philosophe des corps à l’université Paris Cité, cette tendance n’a rien d’anodin : « Le bronzage n’a pas du tout été déconstruit socialement. Il demeure une apparence sociale désirable, davantage qu’esthétique. » Dans Bronzage : une petite histoire du bronzage et de la peau (CNRS Éditions, 2008), il retrace le basculement symbolique du bronzage. Longtemps associé au travail des champs et mal vu par les classes supérieures, le teint hâlé devient, avec l’essor des congés payés et du tourisme, un marqueur social. Il signale un temps de loisirs dans un lieu ensoleillé, donc un certain niveau de vie.
Prévention ou incitation à l’exposition ?
L’usage de l’autobronzant ou du blush interroge : on peut désormais afficher un bronzage sans s’exposer au soleil. Mais, comme le rappelle Bernard Andrieu, les mêmes industriels commercialisent autobronzants, crèmes solaires et huiles après-soleil. L’industrie ne change pas de cap, elle diversifie ses stratégies. « D’une certaine façon, cette tendance est positive : puisque le bronzage est dangereux, autant en simuler les effets », conclut-il. En France, plus de 85 % des cancers de la peau sont liés aux UV.
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