
Comme si l’amour n’était pas assez compliqué, voici que la crise climatique s’invite dans nos rendez-vous. Pour le meilleur ?
Être écolo, c’est sexy ? L’engagement écologique n’est pas (encore) un élément majeur dans la recherche d’un·e partenaire : dans un sondage auprès de 2 154 célibataires inscrits sur happn, environ 22 % en font un critère. On pourrait néanmoins le voir monter : plus de 91 % des répondants considèrent que faire attention à la planète est important ou primordial, une tendance marquée pour toutes les tranches d’âge. Déjà, 15 % rapportent s’être déjà séparés à cause de disputes autour de ce sujet.
Pour Manon, Vivian et Julien*, rencontrer quelqu’un qui partage leurs valeurs écologiques est essentiel. Vivian, travailleur social de 26 ans, basé à Lyon, est en couple depuis 4 ans et demi. Soucieux de l’environnement depuis petit - ses parents avaient la fibre écolo - il a milité chez EELV avant de s’engager dans l’associatif. Tous les garçons qui lui ont plu avaient cette fibre, raconte-t-il. Même pour une histoire d’un soir (d’ailleurs, il utilise des préservatifs bio et bas carbone). « Un mec avec ces convictions est plus excitant, m’attire plus. » Quand il rencontre son compagnon lors d’un dîner, le sujet vient vite sur la table. « Je ne lui demande pas d’être exempt de tout reproche mais je ne me vois pas être avec quelqu’un pour qui l’écologie ne serait pas importante. » Son crush est réceptif. « Il le faisait naturellement, sans se forcer, ça a contribué à me séduire. »
4 ans plus tard, les convictions de son compagnon vacillent. Une forme de « laisser-aller », remarque Vivian, qui va de pair avec une certaine lassitude. « Pour lui, ce ne sont pas nos actions individuelles qui vont changer les choses. Devant le manque d’actions de l’Etat, sa motivation baisse. » Vivian, lui, s’agace. Son compagnon fait moins attention au tri ( « c’est la base pour moi » ) et ne fait pas attention à la saisonnalité des fruits et légumes ( « un peu un red flag » ). « C’est source d’énervement, j’insiste peut-être un peu lourdement », reconnaît-il.
Le couple n’en reste pas moins amoureux et prépare aujourd’hui son mariage. Là encore, les conversations sont animées, relate Vivian. Lui insiste sur des prestations respectueuses de l’environnement tandis que son futur mari aimerait ne pas se limiter dans son choix. Chacun fait des compromis : il y aura de la viande au dîner du mariage (mais bio et locale) et les amoureux ne prendront pas l’avion pour leur voyage de noces. Les tenues, elles, sont faites par des créateurs locaux.
Écologie, féminisme… même combat ?
Pour Manon, 31 ans, l’écologie est entrée de plain-pied dans sa vie en même temps que son partenaire. Elle était déjà intéressée par ces sujets mais restait dans la théorie. Lui est « très sensibilisé, très engagé, dans l’écologie mais aussi dans le féminisme », présente-t-elle. Ainsi, elle raconte que rapidement, son partenaire a voulu participer aux frais de menstruation et de contraception. Pour leurs six mois, il lui offre un package de dispositifs de protections hygiéniques plus respectueuses de l’environnement : cup, serviettes lavables, culottes menstruelles. « Vous n’imaginez même pas le choc que ça a été pour moi, on est très loin des pratiques habituelles des garçons de ma génération. »
Une intersectionnalité des combats que revendique aussi Julien*, 37 ans. Travailleur dans l’humanitaire, il a une profession intellectuelle qui l’amène à comprendre le fonctionnement du monde et de ses grandes problématiques. Dont, bien sûr, le réchauffement climatique.
Le jeune homme se considère écolo depuis une douzaine d’années. « Il n’y a pas eu un déclic, raconte-t-il. C’est une découverte, une lecture, une rencontre, des petites prises de conscience par-ci par-là. Moi, ça a commencé par la nourriture. Ce cheminement continue. » S’il n’envisage pas de se mettre en couple avec quelqu’un pour qui l’écologie ne serait pas importante, il lui arrive souvent de rencontrer des personnes qui n’ont pas la même maturité sur le sujet. « La discussion de comptoir autour du cliché du bobo, ça va vite m’ennuyer. En revanche, si la personne a enclenché une prise de conscience, ça me rassure. » Pour Julien, « l’ouverture au travail sur soi » est le critère central. « Je ne suis pas sûr que quelqu’un qui s’affirmerait écolo avec beaucoup de force m’attirerait beaucoup non plus - c’est tout aussi clivant. Ce que je préfère, c’est l’envie d’avancer. » Dans cette démarche, il souhaite ne pas « siloter les sujets », explique-t-il. « Le sujet du féminisme, du capitalisme, du social sont en lien les uns avec les autres. Ce qui m’intéresse n’est pas de trouver quelqu’un qui partage exactement les mêmes centres d’intérêt et les mêmes lunettes sur le monde que moi, mais qui pourrait aussi me donner d’autres lunettes. » Reste, l’écologie tient une place centrale dans le quotidien : l’eau qui coule pendant la douche, le tri de ses déchets, le choix de son alimentation, de ses vêtements, de ses transports, de ses vacances… « C’est tellement structurant dans les choix de vie au quotidien et dans les grands moments de couple, que mécaniquement ça devient ultra-central », estime Julien.
Le théorème de l’éléphant
Si central que des signaux se retrouvent dans les profils des applis de rencontre, souligne Julien. « Prenez l’avion : si la personne est dans six pays différents sur ses photos, tu sais que ça va être un sujet. Les gens mettent beaucoup de photos d’eux en voiture, sur une moto, ou à l’inverse où il y a un vélo qui apparaît. » Lui place la ligne rouge aux animaux exotiques. « Si tu te mets en avant avec un éléphant, c’est que tu n’as pas conscience de la manière dont on traite ces animaux et que tu es à des années-lumière de te dire que ça peut être un sujet. » Sur son propre profil, des photos de rando, de vélo, des vêtements de marques écoresponsables. « Je ne fais pas exprès de mettre une photo ou j’ai un pull Patagonia mais c’est ce que je porte, donc ça se voit. » Une « polarisation », dit-il, qu’il retrouve dans les lieux qu’il fréquente. « Il y a de moins en moins de lieux qui rassemblent des gens différents. En dehors de mon travail je fais de la danse, j’anime un club de lecture dans une librairie, je fais beaucoup de sport. Je retrouve dans ces lieux des gens qui me ressemblent. Ce n’est pas un choix », regrette-t-il.
Si le souci de l’environnement peut avoir un effet polarisant, il peut aussi être « source de rapprochement », se réjouit Manon. La jeune trentenaire et son partenaire ont décidé de mettre l’écologie au cœur de leur projet de vie. Ils ont quitté leur appartement « exigu et mal isolé » du Val d’Oise pour s’installer en Normandie où ils retapent une maison en matériaux écologiques. « Le changement fait toujours peur, conclue-t-elle. Mais il faut l’accueillir. Ça peut ouvrir des portes sur des vies qu’on n’aurait pas imaginées. C’est aussi ça l’amour.
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