
Après les road movies qui sentent bon l’essence et la Route 66, voici que débarquent sur nos écrans de nouvelles manières de voyager et de se rencontrer. De leur côté, les agences de voyages comme Evaneos adaptent leurs offres pour répondre à ces nouveaux imaginaires. Notre idéal de voyage est-il enfin entré dans l’ère de la sobriété ?
Pour changer nos habitudes, il faut changer nos imaginaires – et à ce jeu, le cinéma est un atout de poids. « Si on demande au cinéma plus de parité, plus d’inclusivité, c’est bien parce qu’il peut changer le monde », déclarait ainsi Laurent Lafitte en ouverture du festival de Cannes.
En matière de voyage, notre monde a déjà entamé sa mue : le train de nuit est un succès, le slow tourism s'impose dans nos usages et des agences de voyage, comme Evaneos, se positionnent comme facilitateurs de voyages bas carbone. Pourtant, en matière de récits, les représentations de l’évasion étaient jusqu’ici surtout portées par des scénarios de road trip en voitures (Thelma et Louise, Las Vegas Parano, Sailor et Lula, American Honey …) ou d’escapades en avion à l’autre bout du monde - parfois pour un séjour aussi court qu’un enterrement de vie de garçon (Very Bad Trip, Bridesmaid…).
Pédagogie clandestine
Jusqu’à aujourd’hui ? À l’affiche début 2025, deux films bousculent ces imaginaires. Le docu-fiction À bicyclette raconte l’histoire vraie et émouvante d’un voyage à vélo de deux amis, sur les traces d’un fils décédé. Pas sportifs pour un sou, carburant au régime vin rouge/cigarettes/gâteaux à la crème, les deux personnages principaux, 55 ans et 63 ans, laissent entrevoir un nouveau possible : un road trip à bicyclette peut-être laborieux, imparfait, entrecoupé (les deux acolytes prennent le bus où montent à dos de charrette lorsqu’ils n’en peuvent plus), mais malgré tout transformateur. Dis autrement : pédaler de Paris à la Turquie peut être pour tout le monde.
Côté Hollywood, A Real Pain raconte le voyage en Pologne de deux cousins sur les traces de l’histoire de leur grand-mère juive. S’ils prennent l’avion pour rejoindre l’Europe, le reste se fait en multimodal : train, minibus, taxi local et beaucoup de balades à pied. Surtout, le voyage n’a pas pour but de cocher les cases des paysages les plus typiques d’Europe mais plutôt de renouer avec l’histoire familiale et collective des visiteurs. Ce voyage riche de sens résonne avec la notion de tourisme réflexif porté par le géographe Rémy Knafou : «Il s’agit de mettre l’accent sur l’expérience personnelle et la découverte plutôt que sur la consommation de produits touristiques standardisés », écrit-il dans Réinventer (vraiment) le tourisme (Éditions du Faubourg, 2023).
Plus que le mode de mobilité, « l'importance du road trip est le mouvement (...) le chemin de métamorphose du personnage », estime Valérie Zoydo, autrice et réalisatrice, qui a mené auprès de 11 scénaristes l’étude Quel storytelling des enjeux actuels dans l'industrie du cinéma et de la télévision ? . Reste que les représentations sont essentielles, plus encore lorsqu’elles sont secondaires. C’est ce que Valérie Zoydo appelle la « pédagogie clandestine » : « l’écologie n’est pas le sujet principal, ce n’est pas une fin en soi, mais on l’insuffle de manière indirecte », explique-t-elle. Ainsi dans À Bicyclette, le vélo n'est pas choisi parce qu’il est plus durable mais parce qu’il est une manière de faire revivre le souvenir d’un enfant disparu. Faire de l’écologie un contexte plutôt qu’un sujet permet de « normaliser » le voyage à vélo, acquiesce Lolita Rubens, psychologue sociale. « C’est comme si, plutôt que d’avoir un livre pour enfant Manon et ses deux mamans, on propose Manon veut devenir astronaute, et il se trouve qu’elle a deux mamans. Avoir deux mamans n’est plus le sujet, c’est une réalité. »
De la fiction à l’action
De l’écran aux routes des vacances, n’y a-t-il qu’un pas ? Lolita Rubens a participé à l’étude « Des récits et des actes » , portée en 2022 par L’Ademe, Place to B et BVA Group. Pendant trois mois, les chercheurs ont observé et interrogé un panel de 40 personnes pour comprendre l’impact des fictions sur le passage à l’action. Pour que les objets culturels influencent leur public, il faut trois facteurs, explique la psychologue :
- D’abord, il faut que la situation décrite (par exemple un voyage à vélo) soit vue comme une bonne chose ;
- Ensuite, il faut qu’elle soit socialement acceptable, c’est-à-dire que lorsqu’on retourne au bureau, on veut pouvoir dire par exemple qu’on a fait des vacances à vélo. Plus ce mode de voyage est représenté à l’écran, plus ce sera facile, explique Lolita Rubens ;
- Enfin, il faut en être capable. « Est-on capable de faire du vélo, est-ce qu’on a accès à des personnes localement, quelles questions faut-il se poser ? ».
Sur ce dernier point, les agences de voyages sont un maillon essentiel pour favoriser le passage à l’action. « Si voyager autrement est un objectif partagé, sa mise en pratique soulève de nombreux défis logistiques », reconnaît en effet Lauren Hervé-Lebec, chargée de communication chez Evaneos. L’expertise de l’agence repose sur un maillage d’agents locaux, capables d’imaginer des itinéraires cohérents. « Par exemple, réserver un billet de train à l’international reste compliqué. Les systèmes sont fragmentés, parfois non accessibles en ligne, et il faut parfois encore se rendre en gare localement. Pour répondre à cela, nous explorons des solutions concrètes : partenariats avec des plateformes de réservation (RailEurope), conseils personnalisés donnés en amont, intégration d’itinéraires optimisés par nos agences locales … » De même pour les voyages à vélo : transport du matériel, itinéraires adaptés, hébergements accessibles, assistance technique en cas de besoin …
Pour les agences de voyages, le « rôle est double », estime la spécialiste : « Inspirer et rendre possible, résume Lauren Hervé-Lebec, c’est là que se joue notre rôle, en coulisses du récit. ». À la vie comme à l’écran, Action.
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