des filles avec des tresses

2025, l’année des mormones : entre robes à fleurs et scandales d’échangisme

© Nteflix,

Entre TikToks à plusieurs millions de vues, émissions de télé-réalité et influence sur la mode, on n’a jamais autant parlé des femmes membres de l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. 

« Adieu Michto, Bonjour Madame : mon histoire » : c’est avec ce titre provocateur que l’influenceuse Haneia, 38 000 abonnés sur YouTube et 297 000 sur Instagram, a publié une vidéo en décembre 2024. Pendant une trentaine de minutes, l’ancienne starlette de télé-réalité explique comment elle s’est reconnectée à sa foi, et à quoi ressemble sa vie d’épouse mormone. Entre grossesse, travail domestique et robes à fleurs, Haneia est passée des plateaux de tournage aux vidéos YouTube à domicile, où elle partage son quotidien de parfaite épouse traditionnelle et ses opinions conservatrices sur le rôle des femmes ou sur l’avortement. 

Haneia, malgré ses quelques milliers de vues, est une porte d’entrée vers un monde encore peu connu dans la sphère francophone : celle des « Mormon Wives » ou des « Utah Moms », ces influenceuses mormones vivant dans l’État américain de l’Utah, où plus de 42 % seraient membres de l'Église de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours. Le mormonisme est une religion se basant sur l’idée que le Christ reviendra parmi les hommes pour y établir « un royaume de mille ans de bonheur ». Parmi ses préceptes : pas d’avortement, pas de mariage homosexuel, pas de café ni d’alcool, et bien sûr, une vie tournée vers Dieu. 

Pourtant, à y regarder de plus près, on n’a jamais autant parlé de l’Église que ces dernières années : à coups d’émissions de téléréalité, de vidéos TikTok et d’un environnement conservateur, 2025 sonne comme l’année de grâce des mormones. 

Le succès du #MomTok et des tradwives 

« Le mormonisme s'accorde parfaitement avec les réseaux sociaux et le capitalisme en ce moment », estime même la blogueuse mormone féministe Lindsay Hansen Park. Et pour cause : elles surfent sur toutes les tendances de notre époque. L’explosion sur les réseaux sociaux de la figure des tradwives, ces influenceuses qui se la jouent « femmes au foyer » traditionnelles, est très liée à l’esthétique traditionnelle mormone. Nara Smith ou Hannah Neeleman (alias Ballerina Farm), elles-mêmes mormones, accumulent les centaines de milliers de vues en proposant une vision de la famille et de la féminité assez conservatrices. 

Même succès pour le hashtag MomTok, créé par Taylor Frankie Paul, jeune mère de 28 ans qui voulait montrer qu’être mormone, cela peut être cool. Dès lors, le #MomTok a été porté par toute une bande de mères de famille qui redéfinissent les codes : bien loin de l’image rigoriste de l’Église, elles se montrent en robes à fleurs ou leggings de sport, Stanley cup à la main (souvent remplie de soda), effectuant des danses avec leurs enfants. Si les valeurs mormones ne changent pas (répartition des rôles genrés, soumission à son époux, conservatisme politique et religieux), leur esthétique se modernise, voire se glamourise. 

Ironiquement, celles qui ont été découragées par l'exercice d'une activité professionnelle hors du foyer ont trouvé dans l’influence une manière de se lancer dans l’entrepreneuriat, et de gagner leur propre argent, sans pour autant remettre en question les valeurs de l’Église. Mais à l’été 2022, un scandale émerge : Taylor Frankie Paul déclare en live qu’elle pratique l’échangisme avec d’autres couples mormons. Une pratique bien loin de la doctrine religieuse, mais qu’elle réussira à transformer en or. 

La téléréalité, une nouvelle voie d’expansion 

Suite à ce scandale, Hulu a la bonne idée de créer une téléréalité sur ce groupe de tiktokeuses mormones, intitulée The Secret Lives of Mormon Wives (ou « La vie secrète des épouses mormones » en VF). Diffusée en septembre 2024, l’émission a enregistré la plus forte audience de toute la plateforme pour une émission non-scriptée. On y suit un groupe de huit influenceuses, qui règlent leurs comptes et tentent de montrer leur « vraie vie », parfois bien loin des préceptes religieux. Certaines ont recours à la chirurgie esthétique, d’autres boivent de l’alcool, elles parlent de sexualité assez librement… Mais surtout, comme dans toute bonne émission de téléréalité, elles se clashent et sont fans de potins. 

En 2020 déjà, la chaîne Bravo diffusait The Real Housewives of Salt Lake City, une suite de la franchise à succès mais qui se déroulait cette fois-ci dans la ville la plus mormone des États-Unis. Au casting, des anciens et actuels membres de l’Église, filmés dans leur vie professionnelle, personnelle et religieuse. Le succès de ces émissions de télé-réalité a grandement transformé ces participantes en influenceuses : elles multiplient les placements de produits et les partenariats, des sextoys aux compléments alimentaires en passant par la marque Taco Bell. 

Le monde de la mode et de la beauté a d’ailleurs bien compris le potentiel lucratif de ces femmes pieuses à la vie parfaite : Nara Smith, l’une des influenceuses tradwife les plus influentes de TikTok, fait des partenariats avec Marc Jacobs ou Laneige. Sur les podiums ou sur les réseaux sociaux, leur esthétique modeste et champêtre semble inspirer une communauté bien plus large que celle de l’Église. Quand elles ne lancent pas leur propre business, comme Ballerina Farm qui a désormais sa propre ligne de vêtements…, et de protéines en poudre. 

Une popularité ambivalente pour l’Église mormone : car si la popularité croissante de ces influenceuses les rend plus puissantes, et plus riches (les membres doivent verser 10 % de leur salaire à l'Église), leur image en prend un coup. Ces dernières années, sans citer aucun nom de personne ou d’émission de télé-réalité, l’Église mormone a publié plusieurs communiqués pour déclarer que les récentes « représentations culturelles » des mormons étaient « trompeuses ». Si toute publicité est bonne à prendre, l’Église se serait bien passée des scandales d’échangisme.

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