Une fille tatouée aux longs ongles violets se fait batiser

En quête de foi : que cherchent (et trouvent) les nouveaux baptisés ?

© Josue Michel

Ils sont de plus en plus nombreux à retrouver le chemin de l’église. Mais pourquoi ?

Dimanche 20 avril 2025, plus de 10 000 adultes ont reçu le baptême, selon la Conférence des évêques de France. C’est 45 % de plus qu’en 2024, qui marquait déjà une hausse de 31 % par rapport à l’année précédente. Que cherchent ces adultes en quête de foi ? Témoignages.

Longtemps, Henry* a gravité autour de la religion – jusqu'à l'embrasser à la faveur de son mariage. Consultant en communication, 39 ans, installé à Paris, Henry* a grandi dans ce qu’il appelle un « catholicisme tranquille, assez commun en France ». Il est baptisé tout petit – « sans mon consentement », souligne-t-il – mais ses parents ne sont pas vraiment croyants ; ses grands-parents oui. Il s’éloigne de la religion « aussi tranquillement que j’y étais entré » ; « il était assez difficile pour moi de croire », dit-il simplement. 

Même s’il prend ses distances, il garde les valeurs religieuses à cœur. « J’ai toujours apprécié le message de Jésus : l’amour de son prochain, la tolérance, la patience. » Dans son école privée (pour des raisons d’éducation davantage que par choix religieux, précise-t-il), il participe à des maraudes et donne des coups de main aux banques alimentaires. « On parlait assez peu de la Bible, mais énormément d’entraide. Ça a forgé les bons côtés de mon caractère. »


À la fin du lycée, sa vie est occupée par des questions « plus individualistes », juge-t-il : « Faire des études, s’occuper de soi, trouver l’amour. » Des ambitions centrées sur soi plutôt que « les grands desseins généreux de la religion. » Mais le divin le touche : il s’intéresse aux différentes croyances, le judaïsme, l’islam, la sorcellerie… « Je puise un peu à droite à gauche, en union libre avec le catholicisme. » Celui-ci finit par l’emporter..

« Cette incapacité de notre société à créer des rituels pour marquer ces temps de passage »

Henry est amoureux. Il se pacse, mais trouve que la cérémonie manque de substance, qu’elle n’est pas à la hauteur de son amour pour sa fiancée. « Le pacs est un petit acronyme, la cérémonie dure cinq minutes. C’est symptomatique de cette incapacité de notre société à créer des rituels pour marquer ces temps de passage. » Cette expérience met en lumière son besoin de célébrer l’importance de cette union. « C’est par ce manque que je suis retourné à mon port d’attache. »

Pendant trois week-ends, il prépare son mariage religieux. « C’était intéressant d’avoir un temps pour se poser des questions ensemble : ce que c’est d’être en couple, s’aimer, pourquoi on fait des enfants... Je ne suis pas toujours satisfait des réponses qu’offre l’Église, mais je suis content des questions. La religion est bien équipée pour les temps forts de la vie : les souffrances, les épreuves, les moments difficiles », ajoute-t-il. 

« Dans un élan incontrôlé, j’ai appelé Jésus à trois reprises » 

Pour d’autres, Dieu est apparu dans des moments de grande détresse. C’est le cas de Gunhild, une jeune femme d’une trentaine d’années, solitaire et discrète, passionnée de mythologie nordique. « J’ai toujours été athée, bien que, durant mon adolescence, j’ai cru en Satan », retrace-t-elle. En grandissant, elle s’intéresse à l’ésotérisme et au polythéisme, « par curiosité plutôt que par conviction ».

À 24 ans, Gunhild tombe dans une relation toxique qui dure quatre ans, sous l’emprise d’un homme qui l’isole et la dévalorise. « Ne voyant aucune issue, j’ai fait une tentative de suicide. Lorsque mon compagnon de l’époque l’a appris, sa réaction a été d’une violence inouïe : « La prochaine fois, je t’achète la corde et le tabouret, même te tuer, tu es incapable de le faire », se rappelle-t-elle. Cette réaction la révolte et la conforte dans son athéisme : si Dieu existait, il n’y aurait pas tant de souffrance. Puis la certitude laisse place au doute : « attribuer nos maux à Dieu me semblait être une fuite de notre propre responsabilité. »

Quelque temps plus tard, alors qu’elle nourrit ses poules, raconte-t-elle, elle est victime d’une violente crise d’angoisse. « Tout est devenu noir autour de moi, j’avais la sensation d’être écrasée sous un poids invisible. Dans un élan incontrôlé, j’ai appelé Jésus à trois reprises, demandant de l’aide – alors même que j’étais encore athée. Soudain, tout s’est éclairé, une chaleur et une sensation d’amour indescriptible m’ont enveloppée, et j’ai pu à nouveau respirer. »

À partir de ce jour, des événements « troublants » font irruption dans sa vie, confie-t-elle. Dans un rêve, une voix lui enjoint : « Regarde ». « En suivant cette intuition, j’ai découvert les infidélités de mon compagnon. Cette révélation a été le déclic dont j’avais besoin pour enfin prendre la décision de partir et de reconstruire ma vie. »

« Je me suis mise à pleurer » 

Léa, 24 ans, a elle aussi des crises d'angoisse. Violentes et répétées, elles durent depuis le collège et empêchent sa scolarité. Élevée dans une culture plutôt ésotérique – ses parents croyaient au pouvoir des pierres et lui ont offert un pendule pour son anniversaire –, elle a toujours eu « conscience que Dieu existait », sans pratiquer. Alors que ses crises empirent, elle commence à avoir des idées suicidaires. « Je me disais qu’au moins auprès de Dieu, je serais en paix et en joie. » Pendant quelques mois, elle prie pour demander à Dieu de la soigner. Un soir, dans une « dernière prière », elle l’implore, raconte-t-elle. « J’ai entendu dans mon cœur cette parole : « tu n’auras plus jamais de crises d’angoisses » et je me suis mise à pleurer. » Depuis, elle apprend à gérer son anxiété et n’a plus eu de crises. Baptisée dans son enfance, elle a réitéré son sacrement. « Je voulais que ça soit mon choix. »

Lucie, 26 ans, originaire de Bordeaux et installée à Paris, s’est quant à elle fait baptiser en grande partie pour que disparaisse sa peur de la mort. « Il m’arrive d’y penser d’un coup, de me dire que tout s’arrête, qu’après il n’y a plus rien. J’ai perdu ma grand-mère dont j’étais très proche ; le concept de mort m’a hanté. » Ses amis croyants, eux, n’ont pas l’air d'avoir peur de mourir, envie-t-elle. Baptisée depuis 2021, quand ces pensées l'assaillent, elle se convainc que la mort n’est pas une fin. « J’espère qu’on va au paradis, qu’on revoit nos proches, qu’on peut voir ce qu’il se passe ici, notre descendance. C’est ce que je crois, et ce avec quoi je me rassure. »

Pourtant, Lucie ne « se sent pas croyante », reconnaît-elle. « Je ressens la foi quand j’ai besoin de me rassurer, quand j’ai un drame, un proche malade ; ou bien, plutôt, j’espère avoir cette foi en moi. »

« Il y a beaucoup de fraternité et d’amour »

Cyril*, 30 ans, habite à Béziers et est en reconversion professionnelle pour devenir aide-soignant. Issu d’une famille de culture catholique mais non croyante, il est baptisé et grandit dans une foi dormante. Comme Léa, Cyril a « toujours cru en quelque chose sans vraiment [s]’y intéresser ». « Je suis très mélancolique. J’ai eu une jeunesse décalée, de mauvaises fréquentations, j’ai été en foyer. J’ai toujours été très malheureux », livre-t-il. Alors qu’il est aspiré par une « sensation de vide », il se tourne vers la foi pour demander de l’aide. « J’ai prié un Dieu que je n’avais jamais fréquenté, je lui ai parlé comme à un ami. » En s’intéressant à la religion et à sa pratique, il « obtient des réponses », dit-il. Autrefois colérique, il s'efforce d’être dans l’humilité et le pardon. « Ma vie a changé. » Il prépare aujourd’hui son sacrement de première communion et raconte son chemin sur TikTok. « Dans ma foi chrétienne, j’aurais aimé trouver quelqu’un qui parle librement de tout ce qu’il vit. »

Cyril est très impliqué dans la communauté : il va à l’église tous les dimanches, participe à des pèlerinages, à des événements. « Il y a beaucoup de fraternité et d’amour », dit-il des paroissiens qui l’entourent. Pourtant, tatoué de la tête aux pieds, il dénote. « Au début je n’osais pas entrer dans l’église, je ne me sentais pas légitime de l’amour de Dieu, je pensais que je serais jugé. Finalement, même les personnes de l’ancienne génération ou les prêtres étaient contents de me voir, je n’ai jamais eu de regards médisants. J’ai trouvé ma place. » Cyril est homosexuel – une orientation qu’il considère comme un péché et encore complexe à assumer pour lui. « Je fais mon possible pour être quelqu’un de bien, avoir un cœur sincère. Peut-être qu’un jour j’aurai une conversation avec Dieu, et ce sera entre Lui et moi. »

« L’église est un des lieux de mon quartier où je trouve le plus de diversité »

La plupart des personnes interrogées défendent une Église qui sait s’ouvrir à la critique et à une certaine modernité. Tess, normande d’origine tunisienne de 27 ans, raconte ainsi que c’est son oncle homosexuel qui lui a tendu sa première Bible. « Si Dieu s’est servi d’une personne homosexuelle, c’est qu’ils sont les bienvenus », tranche-t-elle. Pendant la préparation au mariage, Henry a eu le loisir de débattre des textes avec lesquels il pouvait être en désaccord, affirme-t-il. « Il y a des choses avec lesquelles je ne suis pas du tout en harmonie, d’autres qui m’inspirent… »

Henry insiste : « Le retour au catholicisme n’est pas un retour à la tradition. » Loin d’un repli identitaire, la religion serait un moyen de retourner à la communauté, estime le Parisien. « C’est une manière de créer du lien dans une époque qui en crée très peu. L’église est un des lieux de mon quartier où je trouve le plus de diversité. Les gens se côtoient quelle que soient leur classe sociale et leur couleur. On se croise, on se serre les mains, on se demande comment on va. » Faire communauté dans une époque de solitude, un petit miracle en soi. 

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commentaires

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  1. Avatar Bénédicte dit :

    Merci de ces témoignages de conversion.
    De famille catholique pratiquante, j'ai rencontré le Christ vers 20 ans. Au fur et à mesure, Il est devenu la Lumière de ma vie, le mât de mon bateau qui permet de voir loin notamment lorsque ça tangue.
    Je ne lâche plus Sa main, c'est Lui mon meilleur ami, mon consolateur, Celui qui m'aime malgré tous mes défauts.
    Je prierai pour vous tous qui avaient témoigné et pour le/la journaliste qui a écrit cet article.
    Que le Christ ressuscité vous comble de Ses immenses grâces.

  2. Avatar PO dit :

    Très bon sujet, merci!

  3. Avatar Bill dit :

    Chouette article qui illustre une pluralité de chemins vers une destination pour beaucoup encore inconnue, mais qui oriente la route.

  4. Avatar Q dit :

    Super article merci 🙂 C'est beau cette foi qui revient

  5. Avatar Anonyme dit :

    Je n’aime pas toujours les réponses que propose la religion, mais j’aime les questions qu’elle pose….. très bel aphorisme!!!

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