Internet, propriété américaine ? C’est ce qu’affirme Barack Obama dans une interview accordée à Re/Code et dans laquelle il fustige le protectionnisme européen. "Nous avons possédé Internet. Nos entreprises l’ont créé, développé et amélioré de telle manière que l’Europe ne puisse pas lutter."
Il paraît bien loin le temps des révélations de Snowden qui mettaient à mal le gouvernement américain. Au cours d’un entretien à Re/Code, le Président des Etats-Unis s’est posé en défenseur et ami des Google, Apple, Facebook et Amazon, victimes, selon lui, d’une Europe qui cherche à défendre ses propres intérêts. Il fait notamment référence à la demande de la France et de l’Allemagne qui, inquiets de l’hégémonie de ces groupes privés, ont demandé à la Commission européenne de réfléchir à une régulation spécifique.
« Pour défendre Google et Facebook, la réponse européenne est parfois dictée davantage par des intérêts commerciaux qu’autre chose. [...] Leurs entreprises – les fournisseurs de services qui, vous savez, ne peuvent pas rivaliser avec les nôtres – essaient essentiellement d’empêcher nos entreprises de fonctionner efficacement. »
Une opération de charme qui vise, selon certains, à entériner l’affaire des écoutes actives récemment révélées et qui avaient fait scandale; et à regagner la confiance de GAFA, dont certains, comme Google, ont généreusement contribué à la campagne de Barack Obama. Pour ce faire, ce dernier n’a pas lésiné sur les grandes phrases, quitte à froisser ses voisins. Angela Merkel qui a notamment réclamé que ces groupes privés soient fermement encadrés en promouvant « un bon mix entre la protection des données individuelles et la liberté du net » a du particulièrement apprécier ce tacle plutôt très maladroit :
« Certains pays sont très sensibles sur ces sujets, comme l’Allemagne, étant donné son Histoire, avec la Stasi. Mais parfois, leurs fournisseurs de services qui, comme vous le savez, ne peuvent pas lutter contre les nôtres, essaient seulement d’empêcher nos entreprises d’opérer là-bas ».
Des propos qui ont fait sortir de ses gonds, Stéphane Richard, le PDG d’Orange. Il a tenu à réagir lors de la présentation des résultats annuels du Groupe, sur ces déclarations : « Elles sont impérialistes et colonialistes. Dire que l'Amérique possède Internet en dit long sur ce que les autres habitants de la planète seraient autorisés à faire. Pointer l'Allemagne et la Stasi quand on connait les méthodes de la NSA, c'est quand même osé. C'est le retour de l'impérialisme américain le plus crasse. L'Europe n'est pas le paillasson des États-Unis dans le numérique».
Sans sourciller, le Président des Etats-Unis n’a en effet pas manqué de rappeler qu’Internet et son histoire appartenait aux Etats-Unis. « Nous avons possédé Internet. Nos entreprises l’ont créé, développé et amélioré de telle manière que l’Europe ne puisse pas lutter. Et fréquemment, ce qui est décrit comme des prises de positions nobles est en fait juste une manière de placer leurs intérêts commerciaux. »
Et de poursuivre un peu plus l’opération de charme auprès de GAFA : « Ma relation avec la Silicon Valley et avec la communauté tech est historiquement bonne. La plupart de ces gens sont des amis et des soutiens et nous sommes en contact permanent. »
Selon Le Figaro, vendredi dernier, les PDG de Google, de Facebook et de Yahoo! ont boycotté un sommet sur la cybersécurité organisé à l'université de Stanford. Cette interview pourrait donc se révéler une grosse affaire de com en faveur du gouvernement. «Les révélations Snowden ont atteint la confiance entre le gouvernement et ces entreprises», a-t-il admis au cours de l’entretien.
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