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Designer de personnalités, spécialiste du care urbain ou consultant frugalité : quels métiers du design pour demain ?

Quels métiers du design pour le monde de demain ? À quels grands enjeux les designers devront-ils appliquer leurs méthodes ? Exercice de prospective à court terme, avec Paul Colombat, directeur de l’école Strate, et Yoann Jacquon, designer et professeur à Strate.

Designer de personnalités

En quoi ça consiste : Ça ne vous aura pas échappé, les IA sont partout. Plus encore, depuis l’avènement de l’IA générative, celles-ci nous parlent. Pourtant, « ça reste des machines, des lignes de code », rappelle Paul Colombat. Pour faciliter l’interaction et créer du lien avec ces machines d’un nouveau genre, il est « important de leur donner une voix, un caractère, une tonalité, de l’humour, estime le directeur. Tout ça s’écrit, se scénarise et se conceptualise. Le designer sera à même de donner du contexte à ces choix. »

Certaines IA sont déjà programmées pour avoir une certaine personnalité : ChatGPT ou la version française de Mistral AI Le Chat sont par exemple plus dociles que Grok, l’IA générative d’Elon Musk créée pour faire preuve d’irrévérence et d’humour noir. Character.AI est quant à lui un service qui permet de créer un personnage virtuel. Mais la pratique n’en est qu’à ses balbutiements. 

Les futurs designers s’attèlent à dessiner ce métier de demain. Paul Colombat cite le projet de fin d’étude de l’un des étudiants de Strate pour une IA d’assistant personnel destiné aux métiers créatifs. Quel ton devra-t-il employer lorsqu’il s’exprime en qualité de comptable ? Et celui de coach ? Deux fonctions bien distinctes qui font appel à différentes expériences utilisateur. 

Ce que ça veut dire du monde de demain : l’écran disparaît, l’interface se fera de plus en plus sensible et nous devrons inventer de nouvelles façons de collaborer avec les machines. Et de les intégrer à nos quotidiens.

Designer d’expériences sonores

En quoi ça consiste : C’est le pendant du design de personnalités des IA. Pour créer des interfaces entre l’humain et la machine dans un monde où l’écran se dématérialise, « tout est design sonore, du bruit d’allumage de la machine à la voix de son assistant virtuel », estime Paul Colombat. L’expérience sonore est donc centrale dans nos relations à l’IA. Mais pas que : du son de la machine à café à la sirène d’annonce de la fermeture des portes du tramway en passant par le bruit moteur des voitures électriques (la Zoé fait un bruit de soucoupe volante, tandis que Tesla laisse les propriétaires de ses voitures choisir leur bibliothèque de sons, y compris un klaxon qui pète), le secteur tech est en pleine invention de son environnement sonore, et le designer sera partie prenante de ce nouveau monde sensible.

Ce que ça veut dire du monde de demain : Après avoir accepté un monde bruyant où la pollution sonore était un concept inconnu et impensé, l’idée d’écologie sonore s’impose peu à peu. Bruits humains et bruits du vivant devront mieux cohabiter pour former un paysage auditif plus sain.

Responsable de l’inclusion par design

En quoi ça consiste : Il ne suffit pas toujours de vouloir pour pouvoir : il faut souvent faire l’effort de concrétiser ses intentions. C’est le cas de l’inclusion : vouloir une organisation plus diverse c’est bien, mettre en place les mécanismes pour créer un environnement respectueux des besoins de chacun, c’est mieux. Signalétique, design d’espace, design de processus… chaque étape d’une organisation doit être passée au crible de son adéquation ou non à des profils variés. « Il ne s’agit pas ici de remplir des quotas, assure Paul Colombat. Il y a de nombreuses études qui montrent qu’avec des personnalités et des contextes différents, lorsqu’une organisation est davantage représentative de la société, les décisions prises sont meilleures. »

Ce que ça veut dire du monde de demain : Le futur se construit ensemble et intégrer les populations jusqu’ici marginalisées est un impératif. « On commence à voir émerger des comités de surveillance. On a commencé avec la parité, et on prend désormais en compte la religion, l’appartenance géographique, le niveau d’étude, le handicap », se réjouit Paul Colombat. 

Consultant "Care + Repair” en design urbain

En quoi ça consiste : Historiquement, l’urbaniste et l’architecte ont appris à designer avec du neuf. Aujourd’hui, et plus encore depuis la loi zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, ce n’est plus possible, pose Paul Colombat. « Nous sommes désormais contraints de faire avec l’existant », dit-il. Il prend pour exemple l’action de la mairie de Lyon qui « griffe » les sols de béton pour casser le bitume, réintroduire la porosité des sols, incorporer des îlots de nature et réintroduire de la fraîcheur.

Ce que ça veut dire du monde de demain : « Ce n’est même pas le monde de demain, c’est le monde d’aujourd’hui », alerte Paul Colombat. Avec des populations de plus en plus concentrées dans les villes, des canicules de plus en plus fréquentes et des objectifs d’émissions contrôlées de CO2, les architectes, urbanistes ou encore designers ont commencé à revoir leurs méthodes de travail. Le mouvement devrait fortement s’accélérer, pense le directeur : « Demain, on aura des travaux Haussmanniens 2.0 avec des investissements monumentaux de l’État. Il ne s’agira alors pas de construire mais de réhabiliter et de transformer. »

Spécialiste low tech et frugalité

En quoi ça consiste : Si les nouvelles technologies fournissent certaines réponses aux grands enjeux de demain, d'autres pistes sont possibles. Et c’est le rôle du designer que de les trouver, estime le designer Yoann Jacquon. « Avec les low tech, on retrouve par exemple des technologies oubliées comme celles listées sur le site paleo-energetique.org, illustre le designer. Comment faisait-on pour se chauffer au 18ème siècle dans des maisons froides et alors que l’accès à l’énergie était difficile. Il faut déplacer la question et se demander comment on chauffe des personnes plutôt que des espaces. » Une approche qui pourrait initier des nouveaux modèles économiques et être utile pour les entreprises de matériaux type Saint Gobain, mais aussi pour les architectes et designers d’espace. Le designer prend l’exemple de Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal, deux architectes français, spécialistes des techniques écologiques, qui plutôt de « créer de matériaux denses et compacts préfèrent des murs légers mais en plusieurs sas : balcon, jardin d’hiver, puis habitats. » Côté design, Yoann Jacquon cite Gaëlle Gabillet et Stéphane Villard avec leur « trou noir », un objet tout-en-un et modulaire, qui questionne et réinvente le petit électroménager en partant de l’observation de nos usages.

Ce que ça veut dire du monde de demain : « Le design de demain doit être plus juste et plus modeste, estime Yoann Jacquon. Nous devons éviter d’être dans une fuite constante vers l’avant.»


C’est dans cette perspective que les étudiants à Strate sont formés pour être capables d’exercer ces futurs métiers. Pour en savoir plus sur les formations proposées par l’école aux différents métiers du design, c’est par ici.

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