un sorcier affronte un robot dans un donjon

Quand l'IA cherche le succès critique dans le jeu de rôle

Alors que les jeux de rôle (JDR) connaissent une seconde jeunesse grâce aux formats YouTube et Twitch, la tentation est grande d’avoir recours à l’intelligence artificielle. Mais la communauté des rôlistes résiste face à ce bouleversement.

On le sait, les IA divisent fortement les communautés créatives, notamment quand elles touchent à l’écrit et au visuel. Or, c’est justement à cette intersection que se trouve le bon vieux jeu de rôle « papier », chamboulé lui aussi par l’arrivée des générateurs d’images et de texte. Le 26 janvier dernier, le site des ENNIE Awards, un prix qui récompense les meilleurs jeux de rôle de l’année, a publié un communiqué qui a agité la communauté : « Les ENNIE Awards n'accepteront plus aucun candidat dont le produit contient de l'intelligence artificielle générative (...) pour les visuels, le texte, ou tout contenu édité. » Est-ce le coup d’arrêt à une pratique jugée de plus en plus problématique ? Les choses ne sont pas aussi simples.

L’IA au secours des petites productions

L’introduction des IA dans le milieu du jeu de rôle a fait bouger les lignes, notamment du côté des petites productions qui fonctionnent avec des crowdfundings. Aujourd’hui, n’importe qui peut créer son simili Donjons & Dragons à peu de frais, simplement en tapant quelques prompts, et obtenir des illustrations à la qualité moyenne mais donnant un vernis professionnel à la production. Les ENNIE Awards soutenaient d’ailleurs cette position afin de permettre l’existence de jeux de rôle modestes, sans soutien des gros éditeurs ; une position d’autant plus compréhensible qu’on parle d’un milieu de passionnés où peu vivent réellement de cette activité.

L’équipe de « Dernière Lune » a d’ailleurs fait ce choix. Dans leur kickstarter pour financer leur futur jeu, ils revendiquent l’usage de Midjourney pour la création d’illustrations. « C'est une manière pour nous d'aller vers les personnages que nous avons en tête, détaille Elodie, graphiste et éditrice. Au lieu de demander à un illustrateur de refaire des dizaines ou des centaines de fois un personnage, nous pouvons varier les essais. Et après, nous travaillons à partir de ce produit. C'est un outil comme un autre dans notre travail. »

Ces précautions n’ont pas empêché la réception de nombreux messages opposés à leur démarche. « Nous ne l'avions pas vu venir, assure Franck, le scénariste du groupe. Je pensais que les gens hostiles se désintéresseraient du projet, tout simplement, pas qu'il y aurait autant de passion ! » À posteriori, ils ont également engagé un artiste qui travaille avec eux à partir des images générées par IA pour obtenir le rendu final.

Les puristes pas contents

Pour Monsieur Alceste, créateur de jeux de rôle actif sur Twitch et YouTube, l’usage de l’IA divise forcément la communauté entre ceux qui intègrent ces outils dans leur travail pour tenter de se hisser, de manière artificielle, au niveau des « grands jeux de rôle », et ceux qui les rejettent au nom de valeurs plus artisanales. « Selon moi, vouloir utiliser l'IA dans ces conditions, c'est vouloir sauter des étapes, explique-t-il. Nous sommes trop habitués aux Donjons & Dragons avec leurs milliers d'illustrations magnifiques, réalisées par des armées d'artistes. Mais il est possible de proposer des alternatives. » Parmi les plus célèbres, on peut citer le français Shaan, édité depuis 1996 et très « aride » à ses débuts, mais qui a connu un grand succès aujourd'hui décliné en roman et en BD.

Pour l'instant, le monde du JDR est divisé sur le sujet, et les créateurs qui usent de l'IA sont dans l’obligation d’être transparents, au risque d’être vite démasqués. Mais il n'en sera peut-être pas de même pour les textes. Les scénarios de JDR étant parfois assez archétypaux, des joueurs non connaisseurs pourraient vite ne pas savoir que l'aventure qu'ils vivent a été « imaginée » par une machine.

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