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Le créateur du phénomène brain rot Tung Tung Sahur tente de se réapproprier sa création

© Horror Skunx via YouTube

Le tiktokeur Noxa voudrait récupérer les copyrights de sa création générée par intelligence artificielle. Mais la tâche s’annonce complexe.

« Tung Tung Tung Sahur ». Depuis le début de l’année 2025, TikTok est envahi de vidéos générées par IA mettant en scène ce drôle de personnage en forme de bout de bois et armé d’un bâton. Souvent associé au bestiaire de l’Italian Brain Rot – des créations IA mettant en scène des créatures absurdes sur fond de musique inquiétante – Tung Tung Tung Sahur aurait pu rester ce mème étrange et éphémère qu’Internet adore produire. Mais c’était sans compter sur les créateurs de jeux de la plateforme Roblox, qui ont déclenché sans le savoir l’une des plus grandes batailles juridiques du moment.

Un carton sur Roblox

Reprenons depuis le début. Le 28 février 2025, le tiktokeur Noxa, un Indonésien de 19 ans, poste la première vidéo montrant un personnage généré par IA. Ce dernier est inspiré des kentungan, des instruments à percussion que l’on utilise pour réveiller les habitants avant le lever du soleil afin qu’ils puissent manger le sahur, le petit déjeuner du jeûne, durant le mois de Ramadan.

La vidéo devient virale et génère plus de 31 millions de vues et 2,4 millions de likes en un mois. À la manière des Skibidi Toilets ou du monstre bleu Huggy Wuggy, le personnage est repris et remixé d’autant plus facilement que l’IA permet de générer des milliers d’images et de vidéos. Cette popularité est rapidement transposée sur Roblox, la plateforme qui permet à des millions d’utilisateurs de créer et de jouer à des jeux vidéo. En juillet 2025, c’est-à-dire en plein milieu des vacances scolaires, le jeu Steal a Brainrot explose tous les records avec un pic de plus de 5 millions de joueurs simultanés, pour un total de 25 millions de participations.
L’objectif du jeu est, comme son nom l’indique, de voler des personnages brain rot aux autres joueurs et de les ramener dans sa base. Comme Roblox reste le jouet capitaliste qu’il a toujours été, il est aussi possible d’acheter les brain rot du jeu avec la monnaie virtuelle Robux. Mais avouons-le, c’est bien plus drôle de voler ces petites créatures absurdes à un enfant de 7 ans.

Reprendre le contrôle

En Indonésie, TikTok n’a pas mis en place de rémunération pour les créateurs, tandis que les règles d’utilisation des plateformes de génération d’images et de vidéos stipulent toutes que les productions sont libres de droit. Mais face au succès monumental de sa création, Noxa a commencé à élever la voix.

Ce dernier s’est tourné vers Momentum Lab, un collectif d’artistes et d’avocats, qui tente de trouver des compromis afin que la paternité de l’œuvre soit reconnue. Leur première action sera la plus bruyante : ils contactent Sammy, l’un des créateurs de Steal a Brainrot, dans l’espoir de trouver un accord avec l’artiste. Immédiatement après, les créateurs du jeu retirent le personnage de Tung Tung Tung Sahur et déclenchent par la même occasion un gigantesque retour de bâton. Noxa se fait harceler sur TikTok, et certains l’affublent même des surnoms The Greedy ou Great Copyrighter (l’avare, le grand ayant droit). De son côté, Momentum Lab a publié un TikTok expliquant qu’ils n’ont jamais demandé à ce que le personnage soit retiré du jeu.

En parallèle, le collectif d’origine française est en train de déposer la marque auprès de l’INPI afin de faire valoir les droits de Noxa. En novembre, c’est même un pop-up store entièrement consacré au personnage qui va ouvrir ses portes afin de rapporter un peu d’argent à son créateur. Pour Hugo du Plexis, en charge du développement de l’avant-galerie qui consacre une exposition sur les Slops au personnage de Tung Tung Sahur, la question de la valeur et de la protection des images issues de la culture Internet doit être sérieusement posée. « Il y a deux interprétations possibles pour le public, explique-t-il. Soit on reste dans une logique capitalistique et on crée de la valeur autour d’images qui viennent tout de même de notre mémoire collective captée par les plateformes, soit tu défends le créateur qui a donné naissance à un objet culturel, comme le créateur du smiley à son époque, et donc tu lui attribues une part économique. Ça pourrait être la naissance d’une slop economy, proche du modèle de l’économie des influenceurs qui lancent leurs propres marques et produits. »

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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