
Trop d’informations, trop d’images : les discours de marque semblent noyés dans un flux perpétuel. Comment se singulariser au milieu de ce chaos créatif ? Une tribune signée Ivan Pierens et Bruno Moreira de l’agence Blake Paris.
Chaque année début Février, des dizaines de millions de spectateurs assistent depuis leur canapé à l’un des événements sportifs les plus exubérants du monde : la finale du Super Bowl américain. Et chaque année, la compétition concerne autant les joueurs sur le terrain que les régies publicitaires. Toutes et tous s'affrontent pour offrir un spectacle convaincant. Les enjeux sont colossaux (445 millions de dollars de revenu total en 2017) et les publicitaires le savent : ils n’ont que quelques secondes pour convaincre. Pourtant, chaque année, les agences font face au même questionnement : que raconter, et comment, sachant que tout a déjà probablement été dit ?
Cette année, il nous a semblé que la réponse à cette question a été trouvée : c’est en donnant de la profondeur et de la consistance aux histoires que l’on peut éviter l’écueil de la répétition. Les messages publicitaires ne peuvent plus se contenter d’interpeler, de grignoter quelques secondes d’attention dans un monde où celle-ci est déjà morcelée. Non. Les créatifs et les marques doivent prendre parti et inviter leur audience à se rallier à quelque chose de tangible (une histoire, une cause, une conviction).
Le retour de la brand utility
Revenons au Super Bowl. Cette année, c’est la marque Budweiser qui a le mieux incarné le retour de la brand utility. Avec son spot d’une minute (visionnée plus de 19 millions de fois sur Youtube) la marque a trouvé son « territoire militant » : en cas de catastrophe naturelle, elle s’engage à approvisionner les régions sinistrées en eau potable.
Un peu plus tôt en Janvier, c’est le constructeur Volvo qui affirmait un message surprenant : pourquoi ne pas louer plutôt que d’acheter une voiture ? Avec la baseline « By not owning things, you’re not owned by things » Volvo fait référence à tout un pan de l’économie collaborative dans laquelle l’accès à la propriété n’est plus un impératif. Surprenant pour un constructeur automobile !
Mais pour ce qui est de l’engagement sociétal, la marque Patagonia fait figure de championne toutes catégories. Souvenez-vous, en décembre dernier, la marque menaçait l’administration Trump d’un recours en justice. En cause, l’appropriation abusive par l’état américain de certaines terres et réserves naturelles appartenant à des population autochtones.
Redonner de la consistance aux histoires
Chez Blake Paris nous croyons aux belles histoires. Celles qui vous emportent, qui vous font vibrer et qui vous font réfléchir. À l’heure où le moindre message est #old en quelques heures et où les images qui circulent ont tôt fait de devenir des mêmes éculés, nous pensons qu’il est urgent de redonner de la consistance aux histoires. Notamment en réfléchissant à la manière de les déployer et de les raconter.
Prenons par exemple cette campagne baptisée « The World’s Biggest Asshole ». Avec un héros qui n’est pas sans rappeler The Big Lebowski ou Matthew McConaughey dans Dallas Buyers Club, le film joue sur les clichés du « redneck de base », tout en parvenant à faire subtilement passer un message d’encouragement au don d’organe.
Autre exemple, à cheval entre le storytelling et le fait d’actualité : pour signifier que le fait de médiatiser une affaire criminelle revient à nourrir le message des terroristes ou des criminels, BradyCampain signe une campagne baptisée « Zero Minutes Of Fame ». Le film vient faire la promotion d’un plug-in qui floute volontairement le visage et le nom des inculpés afin que ceux-ci ne bénéficient pas incidemment de la gloriole que procure la médiatisation.
Plus que des consommables, ces campagnes proposent des grilles de lecture sur le monde. Et c’est là que réside tout le potentiel créatif de nos métiers. En reconnaissant que nous prenons largement part au débat global et en affirmant nos partis-pris, nous nous épargnons l’écueil de la répétition. Le renouvellement est dans l’engagement !
Image de bannière : Søren Astrup Jørgensen
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