Une femme dans un écran de TV à laquelle il manque un oeil et loe logo YouTube

Sur YouTube, les vidéos de vulgarisation restent une affaire d’hommes

En 2024, le profil type du vulgarisateur est encore « un homme blanc d’une trentaine d’années ».

Les femmes vulgarisatrices peinent encore à se faire entendre sur YouTube : c’est ce que nous dit la chercheuse belge Monica Baur, qui a sorti au mois de mars sa thèse sur la vulgarisation. Un travail commencé en 2022, en pleines accusations de violences sexistes et sexuelles contre le youtubeur Dirty Biology. « J’avais l’impression que le monde de la vulgarisation était bon enfant et cette affaire a mis en lumière les rapports de domination », se souvient-elle. Dans les chiffres, en visitant le site SocialBlade, les vulgarisateurs qui cumulent des milliers d’abonnés restent des hommes (comme Dr Nozman, Nota Bene ou encore Poisson Fécond) alors que les créatrices les plus connues, comme Scilabus et Les Revues du Monde, ne dépassent pas – encore – le million.

« Si elles font une erreur, ça ne passe pas. »

« En premier, c’est le sentiment d’illégitimité qui revient, raconte Monica Baur. Les femmes ont l’impression qu’on leur demande plus de justifications sur leurs compétences, si elles font une erreur ça ne passe pas. » Une situation dans laquelle Manon, créatrice de la chaîne d’anthropologie Les Ethnochroniques, se reconnaît. Cette diplômée en anthropologie a lancé sa chaîne YouTube il y a 3 ans. « C’est dingue mais au début je ne voulais pas mettre mon visage sur mes miniatures. Je me disais : si on voit que c’est une femme qui s’exprime sur ces sujets, ça va moins cliquer, raconte-t-elle, victime consciente du syndrome de l’imposteur. Je blinde mes recherches, j’ai toujours peur de me tromper. »

Au-delà de la pression des connaissances, vient la pression technique, note Monica Baur. Avoir la caméra dernier cri, le parfait microphone et la bonne lumière… Un épisode qu’a traversé Kâlliane. Depuis deux ans, cette Bordelaise écrit et coanime les vidéos de Linguisticae, une chaîne de vulgarisation créée par le youtubeur Monté. Diplômée d’un master en linguistique et passionnée par le sujet, elle finit par lancer ses propres contenus, timidement, en se mettant la pression sur la qualité de ses vidéos. « J’ai commencé par des Reels sur Instagram et j’avais peur qu’on me fasse des remarques sur leur qualité technique, car je n’avais pas le bon matos », se souvient-elle.

« Je me fais défoncer dans les commentaires »

« Se montrer face caméra, c’est sans cesse subir des remarques hors sujet », constate Monica Baur. La chercheuse a aussi étudié les podcasteuses dans sa thèse, et réalise que nombre d’entre elles choisissent ce format avec un certain soulagement : celui d’échapper aux critiques sur le physique. « Sur YouTube je me fais défoncer dans les commentaires, déplore Manon, des Ethnochroniques. On me dit : va faire un haul, pourquoi t’es maquillée, va faire de la beauté et du lifestyle, etc. Visiblement être coquette, ce n’est pas en adéquation avec la science. »

Des situations qui découragent, et ce ne sont pas Les Internettes qui diront le contraire. L’association qui promeut les créatrices de contenus vient de tirer sa révérence après 8 années d’activité. L’une des raisons ? « Nous sommes lasses du manque de reconnaissance des institutions, de la presse ou du public », peut-on lire sur leur communiqué. Depuis 2016, Les Internettes militaient pour plus de visibilité des femmes sur Internet. « Par exemple, elles ont moins d’opportunités d’apparaître en featuring dans de grosses vidéos », explique Diane Ataya, coprésidente des Internettes. Un vrai cercle vicieux : « Si tu as moins de visibilité, tu as moins d’abonnements et donc moins de sponsors. »

Peu de visibilité, c’est finalement une des raisons qui a poussé les bénévoles à fermer l’association. En avril dernier, elles ne sont pas conviées au Frames Festival, le gros évènement de la profession. « Cela fait mal de voir qu’on n’est pas soutenues sur ces sujets-là », soupire Diane Ataya. Un sentiment amplifié par le palmarès : aucune femme n’est récompensée. « Vraiment, il reste beaucoup de travail. »

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commentaires

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  1. Avatar Sérieux? dit :

    Peut être parce que les gens sont plus intéressés par la mythologie Grec, l'histoire de France,etc que de savoir comment comment faisaient les femmes avant l'invention du tampax....
    On est à deux pas de parler d'une conspiration contre les femmes dans cet article alors que les hommes créateurs de contenu se font régulièrement défoncer juste à cause d'une sponso malheureuse.
    Un homme qui pigne que les femmes ne veulent pas de lui n'attire pas plus que les femmes qui se plaignent d'avoir moins de succès que les hommes.
    Bref donner envie plutôt que de se plaindre, c'est ça la clée de leur succès, rien à voir avec le sexe.

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