un homme noir avec des dreads devant un micro

RAW, l’émission musicale sur Twitch qui corrige Wikipédia

Toutes les semaines, David Bola du média Grünt assure, en direct, une cession d’archivage de niches musicales sur l’encyclopédie en ligne.

« À la base, il y avait trois pauvres paragraphes, et regardez le boulot final. Est-ce que ce n’est pas du boulot XXL, ça ? On a rendu honneur à l’importance de ce genre aujourd’hui. » Ça, c’est David Bola, streamer chez le média rap Grünt, qui se félicite de l’avant/après de sa page Wikipédia sur l’amapiano, « un hybride de deep house, de jazz et de lounge ayant émergé en Afrique du Sud en 2012. »

Cela fait maintenant un an que cet ancien journaliste de Radio Nova a enfilé sa cape de justicier streamer pour rendre à tous les genres musicaux leurs lettres de noblesse. À l’aide d’experts et du chat, il passe en revue et complète les fiches Wikipédia du coupé-décalé, du grime ou du gqom — profitant de ce moment pour mener des analyses historiques de courants et partir à la découverte de tracks obscurs avec sa communauté.

L’archive en ligne comme bien commun

« Quand je préparais mon travail à la radio, la source d’information de Wikipédia devenait vite insuffisante, trop peu précise. Mais les réponses existent toujours quelque part pour qui veut bien les partager », explique David. L’émission RAW — pour Réseaux d’Amélioration de Wikipédia — est née de cette volonté politique d’offrir un espace communautaire de parole et d’information qui n’existe pas ailleurs.

Dans la culture musicale, le problème de la non-transmission du savoir persiste. « Si tu vas dans un rayon musique de librairie, tu peux compter sur les doigts de la main les livres qui relatent ce qui s’est passé après l’an 2000. On a des centaines d’objets d’archives sur les Beatles, les Stones, Gainsbourg… Il est temps de parler d’autre chose, car il existe des scènes inconnues du grand public pourtant très actives. Si ces scènes étaient maîtrisées, cela motiverait les structures et institutions à investir pour les défendre et on arrêterait de tourner en rond », poursuit David. En témoigne l’engouement général à la sortie du documentaire sur DJ Mehdi ou du livre sur l’Hyperpop de Julie Ackermann. Traxmag n’existe plus, et presque aucun archivage n’est accessible sur Internet. Que se passerait-il si Tsugi ou Les Inrocks disparaissaient aussi ?

8h de live pour du Phonk

En une saison, RAW a ravalé la façade des pages du phonk, du latin freestyle (feat Teki Latex), du deepkho, et même de l’hyperpop (feat Legit Girl)… Et si ces genres ne vous évoquent rien, vous êtes quand même au bon endroit : « Dans le chat, il y a beaucoup de gens super calés qui parfois font l’émission à ma place, et d’autres qui viennent simplement écouter en fond, comme une radio. J’ai enfin l’impression de parler avec des personnes dont la curiosité musicale n’est pas encore tarie. On apprend ensemble. » Car pour défendre l’émergence, le bizarre, l’alternatif, Twitch, par sa permission à la digression et son temps infini, se révèle bien meilleur hôte qu’une radio de grande écoute qui dédierait trois minutes d’antenne à l’histoire d’un mouvement — là où RAW peut parfois passer… huit heures de live, sans prétendre à l’exhaustif.

Qu’on l’écoute de loin pour étoffer ses playlists de tracks ésotériques (David a gardé ses bons réflexes d’animateur et nous régale d’abondants interludes musicaux) ou que l’on souhaite débattre sur comment le couvre-feu instauré en 2000 en Côte d’Ivoire a joué un rôle dans l’histoire du coupé-décalé (niche), RAW est surtout un excellent prétexte pour se saisir d’une histoire contemporaine commune, découvrir la géopolitique d’un territoire à travers sa musique, ou choper quelques bonnes anecdotes pour pouvoir crâner en soirée. Slay.

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