
Malgré les restrictions prises depuis l'invasion de l'Ukraine, l’influence de la Russie continue de peser sur le monde médiatique.
La nature a horreur du vide et la Russie l’a bien compris. Après plusieurs années catastrophiques pour la presse américaine et notamment sa presse locale qui a vu des journaux fermer les uns après les autres, de nouveaux médias ont fait leur apparition. Le New York Times en a relevé quelques-uns comme le DC Weekly, le New York News Daily (que l’on peut confondre avec le NY Daily News, un tabloïd bien connu), le Chicago Chronicle ou le Miami Chronicle.

Blanchiment d’infox
Pratiquement impossibles à trouver sur Google, ces sites ressemblent souvent à des blogs comprenant de nombreux articles sur la politique internationale. Le logo semble avoir été généré par IA et la maquette ressemble à celle proposée par WordPress. La ligne éditoriale ne fait pas dans la subtilité. Il est beaucoup question de la guerre en Ukraine ou d'opérations militaires menées par la Chine ou l’Iran. L’opinion penche très clairement du côté russe tandis que les « news locales » se concentrent sur des histoires d’immigration clandestine et de faits divers sordides. L’idée n’est d’ailleurs pas de pousser les lecteurs à fouiller le site dont certaines pages sont remplies de Lorem ipsum (un faux texte sans aucun sens) mais de donner un vernis de crédibilité à certains articles. Les « informations » qu'on y trouve sont surtout de fausses allégations diffusées par des organes de presse pro-russe, qui sont ensuite « blanchies » pour être plus faciles à partager sur les réseaux sociaux.
D’après le New York Times, ces sites constituent un nouveau réseau de désinformation censé continuer le travail de sape entamé par la fameuse Internet Research Agency, un organe de propagande et de fabrication d’infox monté par Evgueni Prigojine, l’ancien chef de la milice Wagner. Déjà utilisée lors des élections de 2016 et de 2020, cette stratégie de déstabilisation semble viser le scrutin américain de novembre prochain.
Une technique inefficace ?
Les États-Unis ne sont d’ailleurs pas le seul pays concerné. Le 12 février dernier, le journal Le Monde dévoilait la mise en place d’un réseau de 196 faux sites de presse répartis partout en Europe. Parmi ce groupement, on trouve notamment pravda-fr.com, un site au titre non ironique qui est à la tête de tout un écosystème de diffusion d’information pro-russe qui va chercher ses sources sur la télévision RT, l’agence de presse russe TASS ou des chaînes Telegram de propagande. Viginum, le service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères rattaché au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale prévient toutefois que la portée d’un tel réseau est réduite. Sur le mois de novembre, seules 31 000 visites ont été recensées sur les 5 portails que forme l’écosystème pravda.
Le cœur de RT bat encore
En France plus spécifiquement, l’influence idéologique de la Russie était principalement assurée par le média Sputnik et la chaîne de télévision RT. Cette dernière a fait l’objet de « mesures restrictives » au niveau européen après l’agression russe en Ukraine. Ses canaux de diffusion ont été coupés et ses fonds gelés par la Direction Générale du Trésor. Le 7 avril 2023, la chaîne a été placée en liquidation judiciaire. Si beaucoup de gens qui travaillaient pour la chaîne se sont reconvertis, plusieurs journalistes ont trouvé refuge dans des médias de droite réactionnaire. D’après une enquête de Challenges, on retrouve certains profils à Sud Radio, ou dans la galaxie Bolloré chez CNews ou au JDD dirigés par Geoffroy Le Jeune. Quant aux membres de la rédaction francophone de Sputnik, ils ont refondé un autre média surnommé « Sputnik Afrique » dont le siège est basé à Moscou et qui se concentre sur l’Afrique francophone. L’objectif à long terme : convertir à coups de soft power et de désinformation les pays du « Sud global » en Afrique, Asie et Amérique.
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