
En concurrence avec les laits d’avoine ou d’amande depuis plusieurs années, le lait de vache connaît un retour en grâce aux États-Unis. Il est même devenu un enjeu politique dans l’Amérique trumpiste.
Lors du gala du National Board of Review le 7 janvier, Nicole Kidman, nommée Meilleure actrice pour son rôle dans Babygirl, a rendu hommage à une scène phare du film en buvant un grand verre de lait. Une boisson que l’actrice ne semble pas être la seule à plébisciter : en 2023, la consommation de produits laitiers aux États-Unis a augmenté de 2 % et le lait occupe la deuxième place derrière le fromage, selon le dispositif public d’accompagnement des entreprises à l’international Team France Export.
Retour vers le « vrai » lait
Alors que les laits végétaux s’imposaient dans les macha latte et autres macchiato, leur consommation a diminué de 5,9 % aux États-Unis. Si leur prix élevé est pointé du doigt, certains leur reprochent leur manque de naturel et leur coût écologique : « Je pense que le local est la chose la plus durable que vous puissiez faire. Ce lait ne vient pas de très loin et il est produit par des vaches dans un champ. C'est donc ce que je choisirais pour la durabilité », explique Tonichealth, influenceur nutrition et santé sur sa chaîne TikTok qui rassemble plus de 450 000 abonnés.
Créée en 1993, la campagne publicitaire Got milk? mettait en scène des célébrités buvant du lait de vache et en rappelait ses bienfaits. Sur l’une des affiches, le footballeur David Beckham s’affichait torse nu et semblait confirmer l’affirmation : « les protéines contenues dans le lait aident à développer les muscles. » Aujourd’hui sur TikTok, la catégorie Returning back to cow milk after oat milk ( « Revenir au lait de vache après le lait d’avoine » ) met en scène des membres de la GenZ préparant leur café avec du « vrai » lait après avoir consommé des alternatives végétales pendant des années. Ils vantent ses propriétés : protéines, graisses saines, hydratation. Des coachs sportifs recommandent de l’utiliser dans des shakers pour rajouter des protéines et des glucides « nécessaires à la prise de masse musculaire ».
D’autres influenceurs fitness comme Paul Saladino vantent le lait cru comme un « élixir de virilité » qui soignerait certaines maladies comme l’asthme, tandis qu’Hannah Neeleman – plus connue sous le nom de Ballerina Farm et qui partage sa vie de famille dans une ferme rurale du nord de l'Utah à ses 9,8 millions d’abonnés sur TikTok – posait en train de traire une vache en couverture du magazine féminin conservateur Evie paru en décembre 2024. Les entreprises produisant du lait cru ne sont pas en reste et multiplient les collaborations avec des influenceurs qui en font la promotion.
« Make America healthy again »
Mais aux États-Unis, c’est surtout le lait dans sa version crue, dont la consommation avait drastiquement baissé avec la généralisation de la pasteurisation, qui déchaîne les passions. « Les ventes hebdomadaires de lait de vache cru ont augmenté de 21 %, atteignant même un pic de 65 % par rapport à la même période l’année précédente », précise le groupe audiovisuel PBS News. Car plus qu’un simple aliment, il est brandi par des personnalités conservatrices comme un symbole de liberté face à un État trop interventionniste. En octobre 2024, l’élue républicaine au Sénat Marjorie Taylor Green publiait sur son compte Instagram la photo d’une bouteille de lait cru, accompagnée du commentaire : « Le lait cru fait du bien au corps. Make America healthy again! » [Remettons l’Amérique en bonne santé], un jeu de mots inspiré du slogan trumpiste « Make America great again » et mis en avant par le nouveau ministre de la Santé, Robert F. Kennedy Jr. Ce dernier estime que la vente de lait non pasteurisé devrait être un droit fondamental, sans être réprimée par les réglementations. Afin de convertir un maximum d’Étasuniens à cet aliment, il pousserait la candidature de Mark McAfee, producteur californien de lait cru, à un poste de « conseiller lait cru » à la FDA (Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux), afin d’assouplir les normes. Et ce, alors que les produits ont été rappelés à plusieurs reprises pour contamination par la grippe aviaire, et que la FDA déconseille fortement la consommation de lait non pasteurisé en raison des risques sanitaires. S’il est nommé « conseiller lait cru » comme le souhaiterait le nouveau ministre de la Santé, Mark McAfee ne serait pas le premier chef d’entreprise sélectionné par le nouveau gouvernement Trump pour travailler au sein des agences qui régulent leurs propres industries.
Autrefois défendu par les amateurs de nourriture bio et locale, ce breuvage est donc devenu un enjeu politique pour les Républicains. Des États comme le Dakota du Nord, le Montana ou encore la Géorgie, qui ont voté pour Donald Trump, ont adopté des lois visant à faciliter sa vente.
Mais cette soudaine passion répond également à une vision paranoïaque du monde, dont la mouvance QAnon – qui est persuadée que Donald Trump combat les élites criminelles dissimulées au sein du gouvernement – est l’une des pionnières. Le lait pasteurisé est soupçonné d’être un produit ultratransformé : Clint Rarey, propriétaire d’une ferme, affirme ainsi que, contrairement à la version pasteurisée, le lait cru « est en fait de la vraie nourriture qui n’a pas été altérée ou génétiquement modifiée. » Pour ces nouveaux consommateurs, note la journaliste Suzy Weiss, plus qu’un aliment, le lait cru est le symbole d’une lutte contre « le Département de l'Agriculture des États-Unis, la FDA, les médecins, les régulateurs de l'État et la grande distribution ».
Ne pas oublier de le faire bouillir avant consommation, sinon bonjour l'hécatombe...
Surtout qu'ils sont sous pasteurisation depuis des années et que leur microbiote ne doit pas être au top.