Mario Testino

Mario Testino :  Je suis obsédé par les ventes

Il déniche les it girls et fait les couvertures des plus grands magazines. Mais Mario Testino a aussi des préoccupations très terre-à-terre : ce qui compte, c’est avant tout d’avoir le sens du commerce…

A l’occasion des Cannes Lions, Elaine Welteroth, Rédactrice en chef de Teen Vogue, a interviewé Mario Testino. Son parcours, ses valeurs, mais aussi son utilisation des réseaux sociaux ont permis un éclairage du personnage – qu’elle qualifie de « magicien », et qu’on découvre businessman.

La rencontre n’a pas vocation à découvrir le prochain mannequin en vue ou comprendre la recette d’une photo parfaite, mais à comprendre la collaboration entre le photographe et les marques, et son sens des affaires.

Mario Testino explique ainsi que son travail consiste à « réinterpréter les moments magiques de la vie ». Entre les scènes de vie qui l’inspirent dans la rue et celles qu’il crée sur les plateaux, il cherche sans cesse la perfection, pour reproduire une émotion.

Qu’il travaille pour un magazine ou pour une marque, il n’oublie pas l’intérêt du client. « Ce qui surprend les gens, c’est que je les écoute. Dans notre milieu, beaucoup sont coincés dans ce qu’ils veulent produire aux dépens de ce que l’autre attend ». C’est pourquoi Mario Testino s’imprègne de l’univers de ses clients.

Je veux comprendre l’essence d’une entreprise, et mettre mon regard, mon expérience au service de quelque chose qui lui appartiendra, qu’elle pourra s’approprier. Ce n’est pas moi la star : ce sont les marques.

Mario Testino

Cette capacité à aller à la rencontre d’autres mondes que le sien est, pour lui, sa force. « Je pousse les gens à être fidèles à ce qu’ils sont ».

Un conseil qu’il s’applique : au début de sa carrière, le monde de la mode gravite autour de la France, de l’Angleterre, de l’Italie et dans une certaine mesure de l’Allemagne. « Je suis Péruvien, et j’ai passé une partie de ma vie au Brésil. Je détonais un peu dans ce panorama, et j’ai longtemps essayé de faire comme les Français – c’était absurde, je n’avais pas la même culture ou les mêmes connaissances. C’est à partir du moment où j’ai vraiment accepté mon pays, le fait d’avoir le sang chaud, d’aimer le sexy que ma ‘’magie’’ s’est dévoilée ».

Mario Testino confie qu’en se rendant aux défilés, il arrive à imaginer les vêtements qu’il y voit dans un univers qu’il crée mentalement, instantanément. « Evidemment, je dois composer avec les designers, les stylistes, l’ensemble des équipes. Mais je dois aussi suivre mon instinct ». L’instinct est, pour lui, au cœur de toute réalisation. « Il faut parfois convaincre les gens. Ce n’est pas toujours facile, cela demande une grande confiance en soi : en étant sûr de ce que je propose, je rassure ». C’est ainsi qu’il propose Cara Delevingne, plutôt que Kate Moss, à Burberry ; ou qu’il réussit à imposer Gisèle Bündchen à l’heure où les poitrines généreuses étaient inconnues au bataillon de la mode.

« Il faut aller au bout des choses : quand je crois à quelque chose, je me donne dans les moindres détails ». Le choix du modèle, la tenue, le maquillage jusque dans la manucure… « Tout doit montrer et incarner ce que la marque veut dire : chaque intensité, chaque variante, chaque texture va déterminer ce que le public pensera en voyant la campagne ».

Le résultat final est unique, au sens littéral du terme : Mario Testino a une règle d’honneur, celle de ne proposer qu’une seule piste à ses clients. « Avant, j’avais peur de partager mon travail avant qu’il ne soit terminé. Maintenant je le montre à mes équipes, j’écoute les conseils pour avancer. Je prends la décision finale, car c’est moi le boss, mais j’accepte de me remettre en question pour avancer dans la direction que j’ai choisie. C’est très important pour moi de rester précis : je ne veux pas créer de confusion en proposant plusieurs options ».

Mario Testino est créatif, certes, mais aussi commercial. « Il y a une multitude de plateformes et de supports pour lesquels il faut produire aujourd’hui. Je mesure le succès d’une campagne à la croissance économique de l’entreprise : si les ventes augmentent, je fais partie de ce succès. C’est quelque chose qui m’obsède ».

Au sein de son équipe, des jeunes… mais pas que. Mario Testino aime transmettre, c’est pourquoi il s’entoure de débutants, « qui l’aident à rester jeune ». Mais il aime aussi apprendre. « Trop de gens pensent que dans le milieu, une carrière est finie à partir d’un certain âge. C’est faux : il est important de s’entourer et d’écouter des gens qui ont baigné dans le métier pendant longtemps ».

De la nouvelle génération, Mario Testino a appris à manier les réseaux sociaux. Si pendant un temps, il a rechigné à s’y mettre en scène, considérant qu’il n’avait « rien à vendre », il a vite compris que le produit, c’est lui. « C’est ma voix que j’expose sur les réseaux. Je passe mon temps à travailler pour les autres ; sur Instagram je travaille pour moi ». Dans son entourage, on s’est inquiété un temps de ces images qu’il partage sans assurance de pouvoir les vendre par la suite. « C’est moi que je vends : mon nom et ma notoriété s’intensifient. Et par la suite, je pourrais vendre ma plateforme pour exposer les autres… »

Un businessman, on vous dit.

Mélanie Roosen

Mélanie Roosen est rédactrice en chef web pour L'ADN. Ses sujets de prédilection ? L'innovation et l'engagement des entreprises, qu'il s'agisse de problématiques RH, RSE, de leurs missions, leur organisation, leur stratégie ou leur modèle économique.
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