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Réseaux sociaux : les militants anti-IVG à l'offensive

© @ivg_ou_non

Sur Instagram, YouTube ou Facebook, ces comptes se présentent comme de simples plateformes d’information à propos de l’IVG. Mais leurs intentions réelles sont tout autres.

Tapez les mots-clés « IVG » ou « avortement » sur Instagram, et ils figureront parmi les premiers résultats. À l’heure où nous célébrons le cinquantième anniversaire de la loi Veil, les comptes « pro vie » intensifient leur présence sur les réseaux sociaux. Conscients du rejet que suscite chez nombre d’internautes une opposition de principe à l’avortement, ils avancent souvent masqués.

« Informez-vous sur l'IVG et vos droits », peut-on lire dans la description de la page Facebook « IVG : Vous hésitez ? Venez en parler ! », suivie par plus de 100 000 utilisateurs. Plusieurs fois par semaine, le compte publie des témoignages non vérifiables de femmes regrettant leur avortement, ou expliquant avoir été forcées à y recourir. « J’ai le sentiment d’avoir tué mon bébé, si petit soit-il ! », confie la prétendue Elsa, 31 ans. « Chaque jour, je regrette d’avoir écouté ces gens qui m’ont dit d’avorter alors que j’étais perdue », lit-on dans un autre post, censé être le témoignage de Clémence, 18 ans.

Sur Instagram, le mode opératoire est le même. En vidéo, cette fois. Sur le compte @ivg_ou_non, une certaine Eva – en voix off, accompagnée d’un piano – raconte l’avortement qui a ruiné son mariage, jusqu’à pousser son mari au suicide. En description, un numéro d’écoute. « J’ai découvert ce compte grâce à une de leurs publications sponsorisées », raconte Julie, 28 ans. Espérant découvrir une palette diversifiée de témoignages, cette psychologue de profession a vite déchanté. « Il faut imaginer la culpabilité que pourraient ressentir nombre de femmes en tombant sur ce genre de contenu », s’agace-t-elle.

Des groupes d’intérêt bien identifiés

Dans un rapport publié en janvier 2024, Mobilisation anti-avortement en France, La Fondation des Femmes s’inquiétait déjà du phénomène, pointant notamment le recours fréquent de ces pages au crossposting. Une technique qui consiste à publier simultanément un même post sur plusieurs profils, afin d’élargir son audience. Les deux chercheuses à l’origine de l’étude démontrent que la plupart des publications anti-IVG les plus en vue sont en fait l'œuvre de quelques utilisateurs très actifs. Derrière ces comptes, on retrouve principalement des associations anti-LGBTQ ou relatives au handicap, des militants chrétiens, royalistes et d'extrême droite.

Échapper à toute modération

Le choix des réseaux sociaux ne doit rien au hasard. Depuis 2017, la loi française a étendu le délit d’entrave à l’avortement aux sites Internet. Google se devant d’imposer une certaine modération, les militants anti-IVG dans l’Hexagone ont alors pris d’assaut les réseaux sociaux, profitant d’un contrôle quasi inexistant. 

Aux États-Unis, depuis la suppression du droit fédéral à l’avortement en juin 2022, la situation apparaît encore plus préoccupante : la modération, lorsqu’elle existe, frappe régulièrement le camp pro choix. Le New York Times révèle ainsi qu’au cours des dernières semaines, Instagram et Facebook ont censuré le contenu de plusieurs fournisseurs de pilules abortives.

« Faire contrepoids »

« Nous ne sommes pas une page anti ou pro-IVG », se défendent les administratrices du compte Instagram @ivg_ou_non, reconnaissant dans un euphémisme « privilégier » les témoignages dissuasifs. Leur objectif ? Faire vivre la liberté d’expression, assurent-elles. « Les autres sites informatifs, y compris celui du gouvernement, parlent très peu des risques. Nous voulons faire contrepoids. » Inutile de chercher la moindre mention de ce parti pris dans la description du compte, il n’y en a pas. Un trigger warning n’aurait pas été de trop.

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