
Les organisations criminelles s'affichent en pleine lumière. Ces nouveaux influenceurs redéfinissent les codes de la criminalité organisée.
Ils filment leurs 4x4 blindés, exhibent des liasses de pesos, des bijoux sertis de diamants, documentent des courses-poursuites avec la police et des scènes de violence. Le tout monté avec un sens aigu de la mise en scène. Sur TikTok et Instagram, les cartels mexicains, comme ceux de Sinaloa et de Jalisco Nouvelle Génération, sont devenus des influenceurs comme les autres…, ou presque.
Une stratégie de com, de vente et de recrutement
Cette présence en ligne est loin d’être anodine : elle répond à plusieurs objectifs stratégiques de ces organisations. En publiant vidéos, photos et messages, les cartels prennent le contrôle de leur propre narration. Dans les régions où l’État brille par son absence – ou sa corruption – les gangs de narcos s’imposent sur les réseaux comme des sauveurs locaux. En jouant la carte de l’entraide et de la protection (en diffusant des vidéos de distribution alimentaire, par exemple), ils tissent un récit qui forge l’acceptation et solidifie leur pouvoir sur le terrain, parvenant presque à faire oublier qu’ils causent la mort d’environ 100 personnes par jour au Mexique, rappelle Radio France.
Par le luxe et l’extravagance qu’ils affichent, les cartels tissent un imaginaire puissant, qui résonne bien au-delà de leurs terres d’origine, séduisant autant les populations locales que le public mondial. Les réseaux sociaux sont devenus leur nouvel eldorado pour le recrutement. En glorifiant leur pouvoir et leur impunité, les hauts dignitaires attirent des jeunes en quête de reconnaissance, d’argent facile et de sensations fortes. Chaque année, des milliers d’enfants et d’adolescents rejoindraient les cartels via les jeux vidéo et les réseaux sociaux.
Internet a changé les règles
Pourtant, pendant des décennies, les cartels ont opéré dans l’ombre. Le monde entier connaissait leur existence, mais ces derniers faisaient rarement l’étalage de leurs tueries. Leur mode opératoire reposait plutôt sur de l'intimidation physique directe, des assassinats ciblés et de la corruption. Mais, au début des années 2000, le monde découvre les promesses d’Internet, les cartels aussi. La barbarie de l'ombre laisse place à l'exhibitionnisme numérique.
En pionnier de cette évolution, Edgar Valdez Villarreal, surnommé “La Barbie” à cause de ses cheveux blonds, dit-on. Ancien joueur de football américain devenu sicario, il est le tout premier à publier une vidéo de son cartel torturant et assassinant ses rivaux. Vingt ans plus tard. On sait désormais que ces spectacles sanglants étaient le prélude d'une nouvelle ère : celle où les cartels s’imposent comme de véritables influenceurs.
Une narcoculture omniprésente
Comme partout, ces narcotrafiquants influenceurs ont infiltré la culture populaire, façonnant la musique, dictant la mode et inspirant même les produits du quotidien. En première ligne : les narcocorridos, ces ballades revisitées à la sauce fusil d’assaut et poudre blanche. Héritiers des chants révolutionnaires mexicains, ils glorifient aujourd’hui ces « héros » des temps modernes : trafiquants déterminés, partis de rien et devenus figures de pouvoir.
Les plateformes prétendent faire le ménage, mais les cartels recréent des comptes à la chaîne et inondent les fils d’actu, et la modération ressemble souvent à une partie de cache-cache. De plus, le Mexique étant l’un des pays les plus meurtriers pour les journalistes, les publications des cartels deviennent parfois la seule source d'information concernant leurs activités.
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