Des migrants mexicains à la frontière US

Meta se prépare à accompagner les déportations massives voulues par Trump

© capture 20 minutes

Des spécialistes s’inquiètent de voir monter des discours de haine semblables à ceux qui ont accompagné le génocide des Rohingyas en Birmanie en 2017.

Alors que le monde est toujours en train de digérer les gestes fascistes sans équivoque d’Elon Musk lors de la cérémonie d’investiture de Donald Trump, le programme du nouveau président s’enclenche au pas de course. En l’espace de 24 heures, il a signé une série de décrets sortant les États-Unis de l’OMS ainsi que de l’accord de Paris, ou visant à supprimer les politiques et les droits en faveur des personnes transgenres et non binaires.

Haro sur les migrants sans papiers

Mais une grande partie de ces signatures s’est concentrée sur la mise en place d’une offensive anti-immigration avec l’annulation du droit d’asile et du droit du sol, pourtant protégé par le 14ᵉ amendement de la Constitution américaine. Un décret instaurant « l’état d’urgence à la frontière sud » a acté la fermeture de la frontière avec le Mexique et la mise en œuvre de déportations massives d’immigrés sans papiers. D’après le Wall Street Journal, l’administration prévoit de mener des raids dans des grandes villes américaines comme Chicago, Boston, Miami ou New York pour rafler et expulser des dizaines de milliers de personnes et réussir, à terme, à expulser près de 12 millions de personnes, soit environ 3 % de la population américaine.

Dans ce contexte extrêmement tendu, les réseaux sociaux vont forcément jouer un rôle. Alors qu’on imagine déjà des citoyens documenter ces arrestations, le média 404 tire, quant à lui, la sonnette d’alarme sur un autre usage bien plus inquiétant. D’après les spécialistes que Joseph Cox a interrogés, les changements de règles de modération sur la plateforme de Meta vont laisser le champ libre à des discours de haine visant les migrants menacés d’expulsion. Ce nouvel espace de xénophobie, qui permet notamment de traiter des Mexicains de « morceaux de merde sales et dégoûtants » ou « d’ordures », risque de donner de l’ampleur et de l’écho à la rhétorique anti-immigrés de Trump. Pour Rebecca Hamilton, professeure de droit à l’American University, ces changements risquent d’avoir des conséquences en dehors des réseaux. « En laissant les discours de haine prospérer en ligne, vous créez les conditions préalables à la violence de groupe hors ligne », explique-t-elle. 

Meta, complice de génocide

Ce genre de violence, Meta les connaît très bien puisqu’elles ont déjà eu lieu au sein de ses plateformes. En 2017, alors qu’un conflit ethnique explose au Myanmar, et que des centaines de musulmans rohingyas sont déplacés, violés ou tués par l’armée du pays, Facebook a joué un rôle essentiel dans la propagation de discours haineux et de désinformation. D’après le rapport The Social Atrocity: Meta and the Right to Repair for the Rohingya d’Amnesty International, « les algorithmes de Facebook ont intensifié une tempête de haine contre les Rohingyas, qui a contribué à la violence dans le monde réel. » Pendant des années, les musulmans étaient présentés comme des « envahisseurs » ou bien des « chiens qui doivent être abattus ». À cette époque, Meta savait parfaitement que son algorithme de recommandation aggravait le climat de violences. Entre 2012 et 2017, Meta a même reçu des messages et des visites répétés de la part d’activistes de la société civile locale, sans pour autant tenir compte des avertissements. Seule une dizaine de modérateurs parlant la langue birmane avait été ajoutée aux équipes, des mesurettes jugées « cosmétiques » par Victoire Rio, une analyste des médias sociaux au Myanmar. Aujourd’hui, l’entreprise ne pourra plus se cacher derrière son petit doigt. Les règles ont clairement été établies par Mark Zuckerberg, et elles sont simples à comprendre : il n’y a plus de règles.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Merci pour votre travail, et de dire les choses 🙂 <3

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