
Un fossé de plus en plus large s’installe entre les orientations politiques des hommes et des femmes. Le coupable ? Notre vie en ligne cernée par les bulles de filtre.
Guerre culturelle, sexisme à tous les étages, polarisation des opinions politiques… Sur les réseaux, nous sommes habitués à sentir une division toujours plus importante entre un camp progressiste, plutôt porté sur le droit des minorités, et un camp plus réactionnaire qui s’identifie comme anti-woke et adepte d'une liberté d’expression sans limites. Mais alors que l’on pourrait attribuer ce fossé idéologique à une question de génération – les GenZ contre les boomers par exemple, l’éditorialiste et chef du service datajournalisme du Financial Times John Burn-Murdoch met en avant une autre lecture du phénomène. Ces divisions se retrouvent surtout entre les membres de sexe opposé d’une même génération et voient s’affronter des hommes de plus en plus réactionnaires à des femmes de plus en plus progressistes.
Le grand fossé de la discorde
Côté chiffres, les faits sont d’une évidence limpide. « Aux États-Unis, les données Gallup montrent […] que les femmes âgées de 18 à 30 ans sont désormais 30 points de pourcentage plus progressistes que leurs contemporains masculins, explique-t-il. (...) L'Allemagne affiche également un écart de 30 points et au Royaume-Uni, l'écart est de 25 points. En Pologne l'année dernière, près de la moitié des hommes âgés de 18 à 21 ans ont soutenu le parti d'extrême droite Confédération, contre seulement un sixième des jeunes femmes du même âge. » Ce phénomène n'est pas uniquement visible en Occident. En Corée du Sud, en Chine ou en Tunisie, le gouffre idéologique qui sépare les deux sexes est encore plus accentué avec des écarts pouvant aller jusqu’à 50 points.
Le retour de bâton masculiniste
Comment expliquer un tel écart se soit creusé en l’espace de cinq ou six années ? John Burn-Murdoch repose son analyse sur la chercheuse Alice Evans de l'Université de Stanford qui avait déjà pointé du doigt cette division en 2020 dans un article intitulé The Great Gender Divergence. D’après ses recherches, l’explosion du mouvement #MeToo en 2017 a été le point de départ de cette tendance. Le backlash (retour de bâton) a permis la montée en puissance d'une frange masculiniste. Celle-ci a profité des chambres d’échos des plateformes sociales pour s’autoalimenter et gagner des accointances avec l’extrême droite. Le journaliste se déclare même inquiet pour l’avenir et estime que cette acculturation extrémiste des jeunes hommes sur les réseaux aura des conséquences politiques à long terme. En effet, les opinions politiques forgées au début de la vingtaine ont tendance à influencer les votes sur le long terme.
Stagnation sociale + bulle de filtre = Andrew Tate
En réponse à cet éditorial un brin pessimiste, Alice Evans est justement revenue sur le sujet dans un billet de blog intitulé What Prevents & What Drives Gendered Ideological Polarisation ? D’après elle, les sociétés religieuses ou subissant un népotisme étatique on plus tendance à se serrer les coudes et tombent moins facilement dans ce type de division. La chercheuse évoque son enfance dans la campagne du Kent dans les années 80 avec des activités hors lignes et mixtes (comme des parties de jeu vidéo dans le salon familial), des médias limités. D’après elle, les productions culturelles partagées par le plus grand nombre et le développement d’amitié dans « la vraie vie » sont les antidotes à ce fossé entre sexes. À l’inverse, les frustrations économiques associées à un sentiment de stagnation sociale et donc de plus grande compétition intergénérationnelle vont générer de la jalousie et du ressentiment. S’ajoute à cela l’effet des bulles de filtre des réseaux sociaux qui participent à l’archipelisation sociétale. Ces bulles deviennent le terrain de jeu des « entrepreneurs culturels », c’est-à-dire des créateurs de contenus orientés politiquement comme le masculinise Andrew Tate au Royaume-Uni ou le Raptor en France.
Les jeunes mecs à qui on s'adresse uniquement pour leur dire que ce sont d'affreux exploiteurs du patriarcat (voire des violeurs potentiels), pour « déconstruire leur virilité » ou autres idioties deviennent réacs ? Ha tiens. Des mecs trimards payés au lance-pierre qui se prennent râteau sur râteau se froissent quand des bourgeoises (ou fonctionnaires payés par leurs sous, type universitaires) leur racontent que ce sont eux les privilégiés ? Bah tu m'étonnes...
Une partie du féminisme actuel a rapproché les homophones (mâle = Mal) pour faire des hommes une catégorie sociologique à la Marx (ce qu'ils ne sont pas), aboutissant à de pures guerres culturelles. Cela a supposé de mettre tout le monde dans le même paquet (les amalgames sont tolérés quand ils vont dans le bons sens idéologique), de faire des hommes une catégorie abstraite et non des individus. Ce n'est pas tout le féminisme, je suis même persuadé que ce n'est pas la majorité, mais c'est celui qu'on entend le plus hélas, et il ne peut produire que son alter ego, à savoir un masculinisme bas de plafond qui lui est dirigé contre les femmes dans leur ensemble.
Dans le même temps, les rapports humains s'appauvrissent de plus en plus, sont réduits à de la consommation (un petit coup via Tinder et puis s'en va).
Les bulles et les algos font le reste — bulles qui frappent tout le monde, au passage, car je doute fort que les autrices disant « elle pleut » ou pensant que les femmes sont plus petites que les hommes parce qu'elles ont été affamées volontairement pendant des siècles sortent souvent de leurs bulles à elles...
Les unes touchent, les autres payent ! En attendant, les vasectomies progressent (ce qui ne résout qu'une partie du problème). Plus de 13% des hommes US le sont. Et leur petite amie n'est pas forcément au courant…