
Sous couvert de modernisation, la réforme France Médias portée par Rachida Dati inquiète les journalistes, qui y voient une centralisation dangereuse des médias de service public.
Les 26 et 30 juin prochains, les médias de service public vont se mettre en grève illimitée pour protester contre le projet de réforme de l’audiovisuel public voulu par la ministre de la Culture Rachida Dati. Si cette dernière promet qu’il ne s’agit en aucun cas d’un démantèlement ou d’une privatisation, ce projet de regrouper sous une holding Radio France, France Télévisions et l’INA a largement de quoi inquiéter les syndicats, les journalistes et même les auditeurs et téléspectateurs français.
Un regroupement stratégique
Revenons un peu en arrière. Cette idée de réformer l’audiovisuel public flotte dans l’air depuis 2015 et la sortie d’un rapport sénatorial rapporté par André Galotin (LREM) et Jean-Pierre Leleux (LR). Le document stipulait que les médias de service public fonctionnaient avec un modèle économique « à bout de souffle » et étaient empêtrés dans une « culture de la dépense ». Malgré la reconnaissance d’une légitimité de ces médias et de la confiance des Français dans leurs productions, le rapport préconisait un changement drastique de structure et une inspiration des médias de service public européens comme celui de la BBC, qui non seulement rassemble tous ses médias sous un seul toit, mais a en plus réduit son budget de plus d’un milliard depuis 2007. Dans la foulée de ce rapport, le ministre de la Culture de l’époque Franck Riester va tenter de mener à bien cette réforme, qui sera toutefois mise sous le tapis avec l’arrivée de l’épidémie de Covid-19.
« C’est la faute des réseaux »
C’est bien l’arrivée de Rachida Dati au gouvernement en 2024 qui va relancer cette idée avec une évolution dans les arguments. À présent, il s’agit moins de réduire les coûts du service public que de l’aider à faire face à un paysage médiatique jugé menaçant. Pour la ministre de la Culture, l’idée est d'éviter un « affaiblissement » de l'audiovisuel public qui serait « déjà en cours ». Face à ce qu’elle considère être des « forces aujourd'hui dispersées », elle cite pêle-mêle les réseaux sociaux, les plateformes de streaming comme Netflix et Amazon Prime ou encore les chaînes privées qui seraient « mieux organisées ». Ce rassemblement serait donc la solution parfaite pour lutter contre la désinformation mais aussi rattraper une audience plus jeune qui déserterait les médias de service public pour privilégier TikTok. Difficile de trouver cette argumentation crédible quand on sait que les audiences des journaux télévisés, des matinales radio ou des différents podcasts ou vidéos diffusés sur YouTube et les réseaux sont largement au rendez-vous ou que les enquêtes journalistiques comme Cash Investigation ou Complément d'enquête influencent énormément les débats publics – même sur les réseaux sociaux.
Le retour de l’ORTF ?
À quoi faut-il s’attendre concrètement ? Le projet de loi qui sera soumis au vote de l’Assemblée nationale le 30 juin prochain propose la mise en place d’une holding intitulée France Médias qui serait chapeautée par un seul directeur, nommé par l’Arcom (le directeur de l’Arcom étant lui-même nommé par le Président). Les plus anciens reconnaîtront peut-être une structure semblable à l’ORTF, qui regroupait toutes les rédactions du service public sous une seule et même direction. Pour rappel, l’organisme avait été dissous en 1975, notamment après des grèves des journalistes en 1968 qui dénonçaient un manque de neutralité et d’indépendance vis-à-vis du pouvoir. Du côté du syndicat national des journalistes de Radio France, on dénonce d'ailleurs ce risque de « perte d’indépendance » mais aussi la « mainmise du pouvoir sur nos entreprises, via une centralisation des décisions ». La fin des budgets spécifiques aux différentes rédactions ainsi que « l’appauvrissement sans précédent de notre offre culturelle et de divertissement » fait aussi partie des inquiétudes légitimes des journalistes, qui ont déjà constaté différentes attaques sur leur travail depuis plusieurs années. On peut penser notamment à la suppression de la radio MOUV’, la « réforme à marche forcée des modes de production » ainsi que de son externalisation.
Attaque en rêgle contre le service public
La dernière attaque en règle remonte au premier semestre de cette année, avec le passage de France Bleu et France 3 sous la marque ICI et l’intégration plus forte de France Info, qui fait craindre, dans un avenir proche, la mise en place d’une filiale regroupant les réseaux France 3 et ICI, avec une ligne « éditoriale coordonnée », des co-diffusions d’antenne, du partage des moyens techniques et du travail en commun. Derrière ce regroupement, les syndicats entrevoient un véritable phagocytage des ressources des rédactions radio au profit de la télévision, ainsi qu’une « coordination de la ligne éditoriale », c’est-à-dire une forme de centralisation des décisions éditoriales.
À terme, la mise en place de cette holding risque bel et bien d’engendrer une baisse des moyens (le budget de l’année 2024-2025 a déjà accusé une baisse de 80 millions d’euros) mais aussi une pression sur les 16 000 emplois concernés par ce projet.
Il suffit d’ailleurs d’observer les conséquences de la réforme de la BBC, souvent montrée en exemple par le pouvoir, pour anticiper les dégâts. Dans un contexte de crise, le groupe britannique a connu une dizaine d’années d’austérité, voyant son budget réduit de 30 % entre 2010 et 2020, tandis que plus de 1 800 postes ont été supprimés en avril 2024. Les chaînes locales fusionnées diffusent des programmes distincts uniquement le matin et gardent un programme commun l’après-midi et le soir. Sous l’égide de Boris Johnson, l’opposition travailliste a aussi dénoncé de nombreuses accointances entre le pouvoir conservateur et les membres du conseil d’administration de la BBC, accointances ayant permis d’orienter certaines nominations pour le poste de rédacteur en chef. De manière plus globale, il n’est pas difficile d’imaginer comment cette holding va mettre un grand coup de frein à la pluralité de l’information. Sans cette diversité rédactionnelle, on a du mal à imaginer comment les journalistes pourront, par exemple, faire vivre des podcasts de niche, ou interroger de manière scrupuleuse des candidats ouvertement racistes pendant les entre-deux tours des législatives.
Je trouve bien dommage que la France qui à déjà un retard fabuleux sur beaucoup de sujets économiques, puissent se laisser à nouveau entrer dans un monde passéiste. Le monde de la mode le peut, mais pas l’avenir des médias publiques.
La #France n’est pas l’Angleterre. Chaque pays a son unicité en lien avec son propre peuple, environnement politique, économique et social.
Arrêtons de penser comme les autres et essayons de penser par nous mêmes !
👉🏽Comment se fait-il qu’elle soit toujours à la recherche de comparaison (BBC) pour prendre une décision dans son besoin de changement ?
👉🏽Comment se fait-il qu’elle revienne dans le passé pour un existentiel (ORTF) alors que celui-ci a été abandonné ?
👉🏽Comment se fait-il que le gouvernement ne fassent pas les assises de l’audiovisuel publique avec les personnes concernées (journalistes, techniciens, directions diverses, producteurs, animateurs, acteurs..)?
✅ Je comprends que l’on ne puisse plus croire en la valeur politique qui passe son temps à déconstruire pour reconstruire en pire. Chaque ministre de la culture a besoin de laisser sa marque et on s’en fout de l’humanité! L’intention est d’avoir son moment de gloire!
✅ Un vrai leadership est quelqu’un qui sait comprendre le milieu dans lequel il vit. Entendre tout ceux qui font partie de cet univers. De façon à être transparent dans sa vision stratégique pour l’avenir de la télévision publique.
L’administration française est toujours dans des complications administratives (changement de marques et donc changement de tout (visuels, print, enseignes…). Des dépenses inutiles..Alors que l’on cherche de l’argent pour épurer la dette du pays #France.
#Vivelarépublique : liberté (indépendance des médias) égalité (Que la diversité soit le reflet de notre société) et fraternité (Que le politique soit fédérateur, leadership et intelligence collective).
Bonne réflexion à vous! Même si cela ne change pas votre besoin d’être, vous les gouvernants.. (la reconnaissance coûte que coûte).
Une citoyenne apolitique qui aime son pays !
Parfois les frontières entre public et privé sont très minces. C A Vous par exemple est produit par Mediawan qui appartient à Niel. Depuis quelques années, des pages de publicité ont été rajoutés entre des programmes dont Questions pour un Champion qui va disparaître dans sa version quotidienne. Si les chaînes de France TV étaient comme Arte et LCP/Public Sénat ça serait. Culturebox c'est pas si mal mais des fois trop de rediffusions de concerts et pas assez de nouveaux artistes. Côté info, Fance Info n'est pas toujours au niveau malheureusement face à la chaîne d'extrême droite Cnews et aux très droitières LCI et BFM. Le projet d'Holding France Media, c'est la mort de l'information, l'éducation et la culture. Un retour de l'ORTF avec des programmes de télé-poubelle dignes du service privé. Je soutiens les techniciens lors des gréves car cette loi ne doit pas passer car anticonstitutionnelle aussi.