Un homme avec le logo Google domine un autre homme assis

Google va-t-il achever la presse européenne ?

Embarrassé par les coûteux droits voisins qu’il reverse à la presse, le géant du Web revient avec une étude controversée, censée prouver que le journalisme ne rapporte rien au moteur de recherche.

Si l’exploitation d’informations fiables et sourcées issues des médias journalistiques représente un avantage pour le moteur de recherche, et le fil Discover de Google, ce dernier tient absolument à prouver le contraire. L’entreprise a publié le 21 mars dernier les résultats d’une « expérience publique » menée presque dans toute l’Europe, qui conclut que « le contenu d’actualité européen dans la recherche n’a pas d’impact mesurable sur les revenus publicitaires de Google. » Autrement dit, et pour paraphraser nos confrères de Meta Media, le journalisme « ne vaudrait rien » pour Google.

Google ne perd pas d'argent, merci pour lui

En quoi consistait exactement cette expérience ? Google a supprimé les contenus d’actualité dans les résultats de son moteur de recherche pendant deux mois et sur 1 % de ses utilisateurs en Belgique, Croatie, Danemark, Grèce, Italie, Pays-Bas, Pologne et Espagne. Suite à cette expérience, l’entreprise a découvert que ce retrait n’avait provoqué qu’une baisse de revenus publicitaires de 0,8 % sur Search. Si les résultats semblent aller dans le sens de Google, la méthodologie de cette expérimentation pose toutefois question. En effet, l’Allemagne et la France étaient exclues de l’étude alors que les deux pays représentent 43 % du marché publicitaire européen (contre 35 % pour le reste des pays étudiés).

Le fait d’exclure la France n’est d’ailleurs pas vraiment un choix. En novembre 2024, le tribunal de commerce de Paris a ordonné à Google de ne pas mener cette expérimentation, suite à la plainte du Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM). Ce dernier estimait alors que le respect des engagements pris par la plateforme à ne pas désindexer les sites d'information prévaut sur sa volonté de mesurer leur impact sur ses services.

Les couteuses amendes européennes

Derrière cette passe d’armes judiciaire et cette fameuse étude se cache en fait un bras de fer long de six ans entre Google et les acteurs des médias journalistiques. Depuis l’adoption en mars 2019 de la directive européenne sur le droit voisin, Google est dans l’obligation de rémunérer la presse lorsqu’elle affiche des extraits d’articles dans ses pages de résultats. Le montant qu’elle doit verser aux 300 acteurs français est inconnu, car protégé par le droit des affaires. On sait toutefois que cet accord est censé compenser une exploitation du travail journalistique par le géant du web.

Bien qu’il ait été renouvelé le 14 janvier 2025 (et avant ça en 2022), cet accord a déjà coûté la bagatelle de 750 millions d’euros d’amende pour Google. Le géant du web est déjà passé à la caisse en payant deux amendes de 500 millions et de 250 millions d’euros en 2021 et 2022 pour « non-respect de plusieurs engagements liés aux droits voisins ». Autant dire que cette affaire est coûteuse pour la firme, d’autant que la recherche sur le web est en train de connaître un changement de paradigme important.

Les IA prennent la relève (sans payer)

Les larges modèles de langage comme ChatGPT se targuent à présent de faire des recherches à notre place sur le web. Les fameux 10 liens bleus présents sur la première page de Google sont en train de disparaître, et avec eux toute la stratégie SEO qui permettait à la presse de recevoir des visites en fonction des recherches des internautes. Le 5 mars dernier, Google annonçait la sortie de Gemini 2, son « moteur de réponses » alimenté par une intelligence artificielle entraînée sur du contenu venant des médias. Cette nouvelle façon de chercher de l’information en ligne (prisée par 61 % de la génération Z et 53 % des millennials) permet d’afficher des résultats synthétisant plusieurs recherches simultanées.

Selon Axios, les visites en provenance des moteurs de recherche accusent une baisse de 15 % en neuf mois pour les 500 principaux sites d’information américains. En plus de réduire la possibilité de naviguer vers les sites de presse d’origine, Google n’offre aucune contrepartie. Comme l’explique le site britannique Press Gazette, « Google utilise sa position dominante dans le domaine des moteurs de recherche pour forcer la main des éditeurs ». Arracher et la main et le bras seraient peut-être une expression plus juste.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

Discutez en temps réel, anonymement et en privé, avec une autre personne inspirée par cet article.

Viens on en parle !
commentaires

Participer à la conversation

Laisser un commentaire