une silhouette devant un tas d'écrans

« On ne peut pas abandonner X à la désinformation » : ces traqueurs de fake news qui résistent à Elon Musk

Dans les décombres de Twitter, une génération d'analystes improvisés mène une guerre silencieuse contre la désinformation sur X.

En octobre 2022, lorsqu'Elon Musk rachète Twitter, personne ne mesure encore l'ampleur du séisme à venir. Les algorithmes deviennent opaques, les bots prolifèrent, et les médias traditionnels ainsi que les chercheurs et experts scientifiques commencent à déserter ce paysage numérique devenu hostile. C'est dans ce contexte qu'une génération d'analystes autodidactes émerge, déterminée à ne pas laisser X sombrer dans le chaos informationnel.

Dans la jungle des algorithmes

Février 2022, alors que la Russie envahit l'Ukraine et que la guerre se déroule en direct sur Twitter. Clément Molin a 15 ans et va se passionner pour ce conflit et le décorticage méthodique de vidéos provenant des lignes de front. 

En quelques années et près de 13 000 tweets, l'étudiant en relations internationales à Lyon est devenu une référence inattendue sur les conflits internationaux. Son compte totalise 58 000 abonnés et 43 millions de vues en 2024. Malgré le contexte, il est persuadé qu’il faut rester sur la plateforme d’Elon. « Je pense qu'il est contre-productif de quitter X, martèle-t-il. Les journalistes qui s'en vont n'ont pas compris l'algorithme et sont pénalisés. Il faut mener le combat d'idées sur le terrain de l'information. »

Louis Duclos, 29 ans et analyste géopolitique pour un grand groupe français, pense la même chose. « Quand je vois tous ces médias qui quittent la plateforme, je me sens d'autant plus responsable de poursuivre ce travail sur X », explique-t-il.

Le prix à payer est pourtant élevé. Les menaces pleuvent, le harcèlement est constant. « Je reçois des menaces de mort régulièrement, on m'accuse d'être partisan d'un côté puis de l'autre le lendemain », raconte notre analyste, étonnamment serein.

De son côté, Geotales, père de quatre enfants et professionnel dans la communication, incarne une autre facette de cette lutte sur son temps libre. « Il ne faut pas rester chacun dans sa bulle filtrante. C’est bien beau d’aller sur Bluesky ou Mastodon pour rester entre nous, mais je préfère aller au contact de ceux qui pensent différemment de moi. » Son terrain de jeu favori ? « Débattre avec les climatosceptiques, déconstruire méthodiquement leurs arguments en quelques tweets. »

Un peu d’infos dans un monde de bruits

« Ce qui nous différencie des médias, c’est notre travail de SAV de l’info : on répond à chaque personne. On devient petit à petit de nouveaux points de repère dans la structuration de ce chaos informationnel », explique Yann, qui anime le compte Cartes Du Monde. Lui aussi s’est lancé pendant ses études à Sciences Po et travaille depuis comme analyste freelance.

Avec 15 millions d'utilisateurs en France, X reste stratégique selon lui. « Des comptes comme Alertesinfos et Cerfia ont gagné une visibilité colossale. Beaucoup d’utilisateurs croient que ce sont de vrais médias et se laissent influencer par ce qu’ils publient. Ils cherchent l’engagement à tout prix et s’appuient beaucoup sur le levier émotionnel. » Edouard, opérant sous le pseudonyme Knwldg Media, raconte en avoir fait son cheval de bataille à ses débuts. Il a piégé Cerfia en leur envoyant une fausse vidéo pour démontrer leur manque de vérification. « Pendant les émeutes, j'ai envoyé une vidéo de vandalisme, complètement décontextualisée, et ils sont tombés dans le piège. »

Mais cette croisade n’est pas de tout repos pour ces nouveaux chasseurs de fake news : « On peut très vite devenir embêtant pour les personnalités que l'on expose. » Plus exposés aux tentatives de manipulation, certains ont même reçu des messages de services de renseignement, preuve que leur travail est surveillé de près. Les risques sont réels. Contrairement aux journalistes traditionnels protégés par leurs rédactions et une structure juridique, ces analystes travaillent seuls. « C'est une lourde responsabilité », reconnaît Edouard, avouant que son activité génère parfois stress et anxiété.

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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Bravo, il faut du courage pour faire ce que vous faites. En créole reunionnais, on dit : "Tien bo, larg pa ".

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