une jeune homme qui tire la langue devant un mur d'emoji pas content

Devenir riche en alimentant l'extrême droite européenne depuis le Sri Lanka

© Geeth Sooriyapura

Geeth Sooriyapura, jeune Sri‑Lankais, a fait fortune en alimentant un réseau de pages Facebook diffusant des vidéos générées par IA, remplies de fake news d’extrême droite.

Geeth Sooriyapura est un influenceur riche et heureux. Sur son compte Instagram, il se présente comme un expert et un coach en monétisation sur Facebook et prétend avoir fait de la victoire « une habitude », avec plus de 2 500 étudiants à son actif. Le jeune homme se photographie dans des palaces, avec des montres chères au poignet et un air narquois. Il se vante d’avoir gagné plus de 300 000 dollars, une fortune dans son pays, en alimentant un réseau de pages Facebook publiant un contenu particulièrement viral. Son secret ? Des fake news exacerbant le racisme des viewers.

Un petit empire de la haine construit sur Facebook

Une enquête de l'Institute for Strategic Dialogue, publiée le 14 novembre, révèle l'ampleur du système : 128 pages et groupes Facebook, cumulant 1,6 million d'abonnés, tous ciblant le Royaume-Uni. Le think tank, qui étudie notamment l’impact des médias sociaux sur des phénomènes d’intolérance, précise que ces pages ou groupes diffusaient des discours haineux dirigés contre les migrants, des appels à des manifestations antigouvernementales et anti‑immigration, à des expulsions massives, des demandes de nouvelles élections, ainsi qu’une série de fausses allégations.

Parmi celles‑ci figurait une vidéo prétendant que le Premier ministre Keir Starmer avait démissionné, un clip généré par l’IA le montrant en train d’embrasser le donateur du Parti travailliste Waheed Alli, ou encore des allégations démenties concernant l’arrestation de contre‑manifestants lors du rassemblement « Unite the Kingdom ». Les 10 publications les plus vues ont cumulé 45 millions de vues, tandis que la publication la plus populaire a été partagée près de 23 000 fois.

Rage bait : la recette du succès

Loin d’être un militant politique d’extrême droite, Geeth Sooriyapura sait surtout sur quel « bouton » appuyer pour obtenir le plus d’engagement. D’après le média The Bureau of Investigative Journalism, qui s’est penché sur des vidéos pédagogiques diffusées sur YouTube (et vues plus de 41 000 fois), l’influenceur explique que les pages « politiques » de Facebook sont celles qui rapportent le plus d’argent, pourvu qu’on y évoque la théorie du remplacement et que l’orientation des contenus s’oppose constamment au Parti travailliste. Même les pages plus généralistes qu’il a créées sur le lifestyle ou le nail art comportent bien souvent des contenus aux accents racistes afin de booster la viralité.

D’après ses vidéos, l’influenceur utilise le nouveau programme de monétisation de Facebook, un outil lancé en 2024 et ouvert, pour le moment, à un million de créateurs publiant déjà du contenu sur la plateforme. Bien que la présentation de l’outil indique que le contenu présentant l’immigration de manière clivante ou incendiaire est classé dans la catégorie « restreinte » et ne peut pas générer des revenus, cette directive semble « peu appliquée », d’après l’étude du think tank ISD.

Merci qui ? Merci Facebook, merci X 

Geeth Sooriyapura est loin d’être le seul créateur de contenu à souffler sur les braises du racisme et de la division politique pour faire de l’argent. Le 17 novembre dernier, les internautes sont tombés des nues après l’activation d’une fonctionnalité permettant d’afficher le pays d’origine des comptes X. Cette opération a révélé à quel point les comptes influents supportant le mouvement MAGA ou les extrêmes droites européennes étaient tenus par des créateurs de contenu basés dans des pays éloignés comme l’Inde, le Nigeria, l’Europe de l’Est (hors UE), ainsi que l’Asie du Sud‑Est, le Bangladesh ou le Pakistan.

Cette « économie de la rage », largement motivée par l’argent distribué par les fonds de créateurs des différentes plateformes sociales, dépasse complètement les histoires de fermes de contenus et de bots habituellement attribuées aux Russes. Comme l’indique le média 404, qui suit de près la montée en force du contenu slop, « le phénomène actuel de désinformation et de contenu de mauvaise qualité sur Internet […] est désormais totalement décentralisé et réparti à l’échelle mondiale, et est presque entièrement financé par les entreprises de réseaux sociaux elles‑mêmes ». Autrement dit, ce sont bien les plateformes sociales et leur abandon collectif vis‑à‑vis de l’information vérifiée qui sont les premières responsables du chaos informationnel et politique.

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.

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