Cancel culture : l’extrême-droite en pleine “guerre des étoiles”

Cancel culture : l’extrême-droite en pleine “guerre des étoiles”

Depuis que la guerre culturelle contre le “wokisme” a été déclarée, les systèmes de notation en ligne se transforment en armes idéologiques.

Seulement 23 000 entrées. À sa sortie, le 15 novembre 2023, le film Avant que les flammes ne s’éteignent du réalisateur Mehdi Fikri passe relativement inaperçu. Pourtant, sur la plateforme Allociné, le film traitant des violences policières déchaîne les passions. L’extrême droite se mobilise en masse pour dénoncer un prétendu parti pris. Noté 3 sur 5 par la presse, il atteint rapidement la note d’1,4 chez les spectateurs, assortie de commentaires peu élogieux : « Ce n'est pas possible d'aligner autant de clichés », « Trop orienté », « À côté de la plaque »... Des critiques de comptes anonymes, pour la plupart créés pour l’occasion. Deux jours après la sortie, un message d'alerte est publié sur la page du film pour signaler que « la répartition des notes spectateurs est inhabituelle », car « extrême » (0,5/5 ou 5/5). La Société des réalisateurs français et Mehdi Fikri dénoncent alors les « manœuvres d’intimidation » et « une censure qui ne dit pas son nom ». Une forme de cancel culture que l’extrême droite est pourtant si prompte à dénoncer.

Discréditer pour mieux boycotter

Si la notation s’est intégrée dans tous les pans de notre vie, celle consacrée aux œuvres culturelles apparaît comme un des terrains de la bataille idéologique en cours. Avant le film de Mehdi Fikri, les œuvres de Lola Quivoron (Rodéo) ou d’Émilie Frèche (Les Engagés) avaient déjà fait les frais de ce mode d’action insidieux, s’apparentant à la stratégie du go woke or go broke. Le phénomène, baptisé "guerre des étoiles" ou "review bombing" chez les Anglo-Saxons, vise à discréditer des productions artistiques aux yeux du grand public, et se concentre souvent sur des œuvres en lien avec les minorités sexuelles et ethniques. En 2023, il avait aussi touché le remake Disney de La Petite Sirène dont le rôle principal était interprété par l’actrice noire Halle Bailey.

Cette stratégie de décrédibilisation massive s’étend au-delà du cinéma. La suite du jeu vidéo The Last of Us, contant les aventures de la jeune Ellie dans un monde postapocalyptique, avait été unanimement acclamée par la critique à sa sortie. Des trolls d’extrême droite, dénonçant l’inclusion de thématiques LGBTQI+, parviendront à faire passer la note de 9,3/10 à 3,2 sur Metacritic. L’intimidation se poursuivra, prenant la forme de menaces et autres insultes misogynes, homophobes, transphobes et antisémites à l’encontre des développeurs. L’adaptation télévisuelle du jeu à succès aura droit au même sort. Produite par HBO, la série largement saluée à ses débuts connaît une chute de ses notes sur les réseaux à partir de son troisième épisode mettant en scène un couple (gay). D’aucuns saluent un propos puissant. D’autres n’y voient qu’une apologie de l’homosexualité, et donc du “wokisme”.

Se mobiliser pour gagner la bataille idéologique

Si, dans bien des cas, la guerre des étoiles n’impacte que faiblement la réussite d’une œuvre (La Petite Sirène fut un carton au box-office), ce type de mobilisation arrive parfois à ses fins. Succès surprise de l’été 2023 outre-Atlantique, le film Sound of freedom a bénéficié d’un soutien de l’élite réactionnaire, à commencer par Elon Musk ou le président des États-Unis, Donald Trump, organisateur d’une projection privée en présence d’élus proches de la mouvance complotiste QAnon. Évoquant le combat d’un véritable American hero mormon contre un réseau de pédophilie, le film répondait en tous points aux obsessions de la sphère conspirationniste. Sur Allociné, la création d’Alejandro Monteverde est notée 1,9/5 par la presse, contre 4/5 par les spectateurs. Sur les 977 critiques à ce jour, 656 sont des 5/5. Le film, au budget de 14 millions de dollars, en récolte 15 fois plus au box-office étasunien, avant d’être programmé sur Canal+ par Vincent Bolloré malgré son échec dans les salles obscures françaises.

Coproduit par ce même Vincent Bolloré et la société de production du Puy du Fou, le film Vaincre ou mourir connaîtra, lui aussi, un destin favorable. Avec près de 300 000 entrées en salle, le film révisionniste sur la guerre de Vendée s’est vu attribuer la note maximale par 1 312 critiques sur les 2 107 publiées sur Allociné. Un article de CheckNews s’étonnait alors que « le film du Puy du Fou [ait] reçu deux fois plus de critiques sur Allociné que [Tirailleurs], tout en ayant réalisé cinq fois moins d'entrées. »

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commentaires

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  1. Avatar Anonyme dit :

    Votre article est intéressant mais sa chute pose une question qui colore votre démarche : qu’est ce qu’une approche révisionniste sur la Vendée ? Ça fait froid dans le dos de réaliser que pour évoquer des massacres en Vendée on a droit à une étiquette qui est celle de ceux qui nient … les massacres nazis ! La piste aux étoiles est aussi bien fréquentée apparemment, mais pas que par l’extrême droite : la marque de votre ADN ?

  2. Avatar Victor dit :

    On touche ici aux limites des systèmes de notation actuelle, car c'est rarement des comptes uniques vérifier et contrôler qui votent, création de compte par dizaine, centaine pour voter sans même avoir vu l'œuvre (film, série ou même jeu vidéo). Les gens s'indignent pour des broutilles et demande au autre de s'indigner. Un effet de "mouton" peut même se déclencher et provoquer des "review bombing" totalement en contradiction avec l'avis globale des personnes sur la qualité réel des œuvres qu'ils notent.

    La presse n'est pas franchement meilleure sur les notations avec des parties pris très claire également. Il est facile de savoir la notation de telle ou telle agence de presse en fonction de l'œuvre présentée. Les notes donnent une "idée" mais sont à prendre avec les pincettes dès lors ou de trop nombreux extrêmes sont détecté.

  3. Avatar Anonyme dit :

    Qd les notes ne sont pas bonnes on crie à la manipulation, qd un réseau rétablit la liberté d expression on appelle au boycott, qd le resultat d une élection ne convient pas on l annulé (roumanie) ah la merveilleuse "tolérance " des gauchos...

  4. Avatar Pas Antiwoke, anti abus dit :

    Il faut arrêter de croire que les gens qui ne supportes plus les abus du wokisme sont d'extrême droite.

    Un ami va être père et on l'appele le "co parent" il paraît qu'il ne faut dire père pour éviter la discrimination.

    Incohérent c'est même insultant.

    Je ne parle même pas de ce qui est dit aux enfants en école.

    Que chacun est le droit de vivre sa vie sans être ennuyé ok.

    Mais faut arrêter de faire n'importe quoi.

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