
Particulièrement scrutée pour ses manquements déontologiques récurrents, la chaîne de télévision qui sert d’écrin à Cyril Hanouna a subi un interrogatoire musclé pour le renouvellement de sa fréquence.
Ce mardi 9 juillet 2024, C8 a joué son va-tout. La chaîne qui appartient au groupe CANAL+, majoritairement contrôlé par le milliardaire Vincent Bolloré, est passée devant l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) afin d’assurer le renouvellement de sa fréquence TNT.
C8 n’est pas une chaîne comme une autre
Si l’enjeu est aussi important, c’est parce que la chaîne a été particulièrement visée par des sanctions au cours de ces dernières années. Avec CNews, qui est en passe de devenir la première chaîne d’information en continu de France, C8 comptabilise 44 mises en demeure, sanctions et amendes depuis 2012. Rien que sur les années 2023 et 2024, la chaîne généraliste a cumulé huit sanctions pour des motifs assez variés : présentation de personnes handicapées comme des toxicomanes dans l’émission PAF avec Baba en septembre 2023, interview humiliante de Loana dans TPMP en février 2024, baiser forcé et attouchement envers une chroniqueuse, diffusion de propos complotistes sur l’adénochrome ou bien encore l’établissement d’un lien entre l’immigration, l’hygiène et les punaises de lit. Comme le dit Benoît Loutrel, membre du collège l’Arcom, C8 est « une chaîne unique » qui a dû payer 7,4 millions d’euros d’amendes quand la moyenne des autres chaînes sanctionnées est de 300 000 euros.
Du différé pour Hanouna
Après la présentation par Maxime Saada et Gérald-Brice Viret, respectivement président du directoire et directeur général de CANAL+ France, d’un bilan et d’un petit film idyllique célébrant la « diversité » des représentations d’une chaîne qui se définit comme « intergénérationnelle », l’interrogatoire a pu commencer. Les questions se sont très rapidement portées sur les différents manquements éthiques de la chaîne et surtout sur les débordements ayant lieu sur TPMP. Rappelant l’accent mis sur les émissions en direct, le directeur général de C8, Franck Appietto, a présenté LA mesure phare du dossier : la mise en place d’un « time delay », c’est-à-dire d’un différé allant de 15 à 30 minutes sur les émissions de Cyril Hanouna afin d’éviter en amont tous types de débordements. Présenté comme une mesure prise à contrecœur, ce délai avait déjà été mis en place lors de la prise d’antenne d’Éric Zemmour dans l’émission Face à l’info. « Pourquoi alors ne pas l’avoir mis en place plus tôt ? », demande Benoît Loutrel, qui se voit rétorqué que les émissions enregistrées dans les conditions du direct mais diffusées plus tard « n’auraient pas la même énergie » qu’il fallait donc tester ce dispositif sur d’autres émissions du week-end avant de les mettre en place sur TPMP.
Baba, figure christique
La figure de Cyril Hanouna a d’ailleurs très souvent été mise en avant. Présenté par Saada comme une force de la nature unique pouvant « enchaîner plusieurs heures de live », l’animateur serait une sorte de chien fou qui impose parfois ses invités contre l’avis de Franck Appietto, comme ce fut le cas avec l’ancien dealer Gérard Fauré. Ce dernier avait notamment affirmé que l’humoriste Pierre Palmade était impliqué dans des histoires de trafic d’adrénochrome, une substance qui est au cœur des théories complotistes de QAnon. Baba est aussi évoqué à mi-mot comme une victime de l’antisémitisme par le directeur de C8 Gérald-Brice Viret quand ce dernier est interrogé sur la mise en place de garde-fous éditoriaux et notamment de représenter toute la diversité de la société française lors des émissions. Ce dernier évoque alors un animateur « particulièrement touché par les attaques du 7 octobre », et ciblé par un « harcèlement sur les réseaux dû à ses origines ». La remarque ne répond pas vraiment à la question mais le collège de l’Arcom doit déjà passer à d’autres thématiques.
Mauvaise foi
L’autre grande question posée à C8 par Antoine Boilley portait aussi sur sa liberté éditoriale vis-à-vis de ses actionnaires et notamment de son propriétaire principal, Vincent Bolloré. CNews et C8 ont été très souvent pointés du doigt comme étant les fers de lance de la croisade idéologique réactionnaire du milliardaire. Ce dernier s’était défendu de tout interventionnisme lors de son audition et le même son de cloche se fait entendre du côté des dirigeants de CANAL+ et de C8 qui réfutent cette possible influence. De manière globale, les questions semblent glisser sur cette équipe qui utilise ses chiffres d’audience en hausse pour justifier la politique éditoriale. Les dérapages systématiques sont comparés à des petites bourdes que même « Michel Drucker avait connues en invitant Gainsbourg ». Ces arguments ont-ils suffi à convaincre l’Arcom de renouveler la fréquence de C8 ? La réponse sera donnée après l’examen des 27 autres chaînes qui vont passer devant le collège dans les deux semaines à venir.
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