zone industrielle port avec eolienne

Réindustrialisation durable : la nécessaire adaptation du réseau électrique

Avec RTE

Pour réussir à concilier sa stratégie de réindustrialisation avec ses objectifs de transition énergétique, la France va devoir réussir à décarboner son industrie. Un défi qui nécessite de s’appuyer sur un réseau électrique capable de répondre à l’augmentation rapide de la demande en électricité.

Aujourd’hui, la réindustrialisation de la France n’est plus un levier économique parmi d’autres, c’est une priorité. Grâce à elle, le pays espère retrouver une part de souveraineté nationale, réduire son déficit commercial provoqué par la tertiarisation de l’économie, créer de l’emploi et devenir plus compétitif. Pour autant, pas question de revenir à l’industrie d’antan, consommatrice d’énergie fossile et polluante. La transition énergétique est aussi une formidable opportunité de décarboner l’industrie française en électrifiant l’ensemble de ses procédés, à l’image d’ArcelorMittal qui remplace ses hauts fourneaux par des fours électriques à Fos-sur-Mer. On parle même de « réindustrialisation verte ». Un modèle doublement vertueux, puisqu’il permet de réduire les émissions de CO₂ nationales et de réduire les besoins d’importations de ses produits industriels.

Cependant, cette stratégie va provoquer une forte hausse de la consommation d’électricité et donc de sa production. Comment raccorder toutes ces nouvelles infrastructures au réseau électrique existant ? En février 2025, RTE a présenté son plan stratégique de développement de son réseau à l’horizon 2040 (SDDR), dont l’un des 3 piliers stratégiques est le raccordement des nouveaux consommateurs pour réussir l’électrification du pays et la réindustrialisation des territoires, ainsi que les nouvelles installations de production bas carbone, c’est-à-dire les énergies renouvelables et le nucléaire. Un programme qui nécessite 53 milliards d’euros d’investissement pour des projets mis en service durant les 15 prochaines années. Dans cette optique, le code de l’énergie a évolué par décret en 2024, permettant à RTE de proposer des infrastructures de raccordement mutualisées entre plusieurs projets industriels à la fois (un data center et une usine de production d’hydrogène par électrolyse, par exemple) et par conséquent d’en optimiser les coûts.

Un exemple de décarbonation : la zone portuaire de Fos-sur-Mer

Expert reconnu dans le domaine de l’industrie et auteur d’un rapport sur la réindustrialisation remis au gouvernement en avril dernier, Olivier Lluansi signale que « RTE a été l’un des premiers organismes publics à fournir les éléments d’une trajectoire de réindustrialisation, et ce afin de planifier les équilibres offre-demande d’électricité qui nécessitent des investissements à long terme. » Il faut dire que la connexion au réseau de transport d’électricité est une condition sine qua non pour l’implantation des projets industriels sur tout le territoire, puisqu’il est présent dans une commune sur deux en France. « La priorité numéro un, c'est le raccordement des industriels, détaille d’ailleurs Xavier Piechaczyk, le président de RTE, à L’Usine Nouvelle. Nous avons contractualisé plus de 140 demandes d’industriels, dont 40 datacenters et 40 projets hydrogène et dérivés, pour 21 GW. C’est considérable : deux fois plus que les consommations des industriels aujourd’hui connectés au réseau public de transport. »

L’État mise notamment sur les zones portuaires pour porter ces projets de décarbonation de l’industrie française, à commencer par Fos-sur-Mer. Ici, c’est peu dire que l’enjeu de décarbonation prend une ampleur inédite. Non seulement le géant de l’acier ArcelorMittal s’est engagé à décarboner son site de production locale en concevant un four à poche électrique capable de réduire les émissions de CO₂ de 10 %, mais la zone toute entière se dévoue désormais à la transition écologique. Les projets d’industrie verte se multiplient à Fos-sur-Mer, dont certains sont reconnus « projet d'intérêt national majeur » depuis 2023 par les pouvoirs publics. Autant dire que la consommation d’électricité va grimper dans les années à venir dans la région des Bouches-du-Rhône.

La Méditerranée a aussi été identifiée par l'Etat comme une zone favorable au développement de l'éolien flottant : deux parcs d'éoliennes flottantes y sont prévus au large de Fos-sur-Mer afin de produire dans un premier temps 250 MW d’électricité, puis 500 MW avec une future extension. Le raccordement des deux parcs est mutualisé par RTE. Il est constitué d’une partie sous-marine entre le poste électrique en mer et la côte, puis d’un atterrage et d’une liaison souterraine jusqu’au nouveau poste électrique de raccordement. Dans un contexte de tension mondiale, RTE vient d’ailleurs de signer fin 2024 un contrat avec des fabricants européens de câbles afin de sécuriser les approvisionnements de ce type.

À Dunkerque, une électricité décarbonée attire des industriels français et étrangers

A 1 000 kilomètres au nord de Fos-sur-Mer, un autre port s’apprête à faire sa mue. Alors qu’elle représente 21 % des émissions industrielles de CO₂ en France, la ville de Dunkerque opère aujourd’hui un virage à 180 degrés. Ce bassin historique de la sidérurgie et de la métallurgie en France veut décarboner ses anciennes activités et en développer de nouvelles pour accélérer la transition énergétique. L’objectif ? Devenir la première vallée européenne de la batterie électrique en accueillant deux gigafactories, d’abord celle de la start-up grenobloise Verkor que RTE a raccordée au réseau électrique en 2023, puis celle du groupe taïwanais Pro Logium en 2026. D’autres investisseurs vont suivre : l’industriel français Orano et son partenaire chinois XTC New Energy implanteront bientôt dans la région des usines de recyclage de batterie électrique. Pour répondre aux besoins en électricité de ces nouveaux acteurs, la Région Hauts-de-France a prévu l’installation d’un parc éolien en 2028 et de réacteurs nucléaires de nouvelle génération à Gravelines dès 2039.

Avec cette renaissance industrielle axée autour de la transition énergétique, la communauté urbaine espère la création de 20 000 emplois d’ici 2035. Un défi gigantesque pour la région, et des chantiers en perspective pour RTE. L’entreprise a investi 1,5 milliard d’euros jusqu’en 2030 pour multiplier par quatre la capacité du réseau, grâce à deux nouveaux postes de 400 000 volts et deux liaisons aériennes longues de 11 kilomètres pour une mise en service en 2028. « Nos besoins d’investissements vont en effet atteindre des niveaux que l’on n’a plus connus depuis le grand plan électronucléaire des années 1980 », commente Jean-Philippe Bonnet, directeur adjoint Stratégie, Prospective et Evaluation chez RTE. « En termes financiers, la décarbonation de l’industrie pèse finalement assez peu, mais les gains en termes de lutte contre le changement climatique sont massifs et rapides. Les équipes de RTE sont donc pleinement mobilisées pour répondre à ce défi industriel et font de la décarbonation de l’industrie une priorité. » Sans compter que le tout nouveau schéma de développement du réseau (SDDR) de RTE estime que la croissance des investissements dans les réseaux de distribution et de transport d’électricité devrait se traduire par de nouveaux débouchés significatifs en France : près de 8 000 à 12 000 emplois supplémentaires par an vont être nécessaires d’ici 2030 à l'échelle à l'échelle de la filière (gestionnaires de réseaux, fournisseurs, prestataires).

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