Vue aérienne de Mayotte

Qui veut sauver les sols de Mayotte ? Les dégats sont sévères, mais les solutions encore possibles...

© Serge Melesan

Mis à mal par des années de monocultures, le sol de Mayotte subit une érosion galopante. Pourtant, des solutions existent pour faire de l'île un espace cultivable, même pour une population grandissante.

«Protégez le sol », « Créez des barrières », « Diversifiez les cultures »... Voici quelques-unes des recommandations mises en avant sur le site du projet LESELAM (Lutte contre l'érosion des sols et l'envasement du lagon de Mayotte). L'organisme, lancé en 2015 et soutenu par de nombreux mouvements écologistes locaux, entend sensibiliser face au danger rencontré par les sols de l'île française de Mayotte. Et il y a du boulot.

Mayotte, un sol sinistré

Mayotte, c'est un sol maltraité, érodé, privé de ses nutriments et vulnérable face aux intempéries. « Voici le résultat de plusieurs années de mauvaises décisions, raconte Anthony Foucher, chercheur au Laboratoire des Sciences du Climat et de l'Environnement. Tout s'est joué lors de la départementalisation de l'île en 2011. Il y a alors eu un fort afflux de population qui a poussé les habitants à repenser l'agriculture autrement. »

Le scientifique a publié une étude dans Science Advances le 14 août 2024, dans laquelle il revient sur les causes de cette situation. Pour faire face à un afflux de population, Mayotte a choisi la voie du productivisme, détruisant des hectares de forêt pour se lancer dans des monocultures de bananes et de manioc, censées pouvoir nourrir les plus de 300 000 habitants se partageant ces 374 kilomètres carrés d'île tropicale. Dans son étude, il détaille comment l'agriculture mise en place depuis ne permet plus aux sols de rester en bonne santé. Et les conclusions rejoignent les bonnes pratiques vantées par LESELAM et d'autres groupes, comme les Naturalistes de Mayotte, qui militent depuis des années pour dire qu'une autre agriculture est possible.

L'agriculture productiviste peut nuire gravement

« Pour faciliter une agriculture productiviste, il a été choisi de laisser les sols nus, sans résidus, détaille Anthony Foucher. C'est le contraire des jardins mahorais majoritaires auparavant. » Ces formes d'agriculture traditionnelle mélangeaient plusieurs plantations et recouvraient le sol en permanence, ce qui améliorait la rétention d'eau. Et s'il est difficile de maintenir ce système dans un souci de productivité, il y a tout de même des leçons à retenir qui ont été oubliées. Ainsi, le paillage au sol empêche l'eau de ruisseler, elle s'infiltre dans le sol et le protège, le rendant plus riche et fertile. Les parcelles avec des fascines – petits barrages de branchage – aident aussi à ralentir la vitesse de l'eau et évitent à la terre de glisser jusqu'au lagon, ce qui le souille avec des sédiments.

Ces solutions sont relativement simples à mettre en place, mais d'autres peuvent aussi être pensées sur le plus long terme, comme la diversification des cultures. Une méthode qui structure mieux le sol, et sécurise davantage les revenus pour les agriculteurs qui ne reposent plus sur un seul produit. Mais les grands groupes ont longtemps joué la facilité, préférant brûler les parcelles pour replanter derrière. Une pratique qui a un coût : les arbres ne sont plus là pour retenir la terre et améliorer l'infiltration de l'eau dans le sol. Cela ne signifie pas, pour autant, abandonner la culture de banane et de manioc, mais plutôt y ajouter de l'ananas, de la patate douce, de la citronnelle ou de la citrouille qui, ensemble, protègent le sol, tout en nourrissant la population.

Des dégâts lourds, mais beaucoup de solutions pour les réparer

Le travail d'Anthony Foucher est complémentaire avec celui du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) qui prend des mesures régulières pour quantifier l'érosion de l'île. Le chercheur a aussi compté sur des échantillons prélevés sur place qui donnent une idée de l'évolution récente de la situation, et sur l'ADN environnemental qui témoigne de la dégradation de la biodiversité.

Toutes ces données révèlent une situation grave mais pas irréversible. « Nous espérons que cela pourra servir de modèle pour d'autres îles comme Sri Lanka ou Haïti où les problèmes sont parfois similaires, ajoute Anthony Foucher. Ce sont des décisions à prendre maintenant pour éviter des crises socioenvironnementales, mais aussi pour protéger les sols pour les générations futures. »

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