
Tous les jours, vous appuyez sur un bouton et la lumière s’allume sans même que vous y pensiez. Un geste simple, mais qui nécessite pourtant une infrastructure essentielle : le réseau de transport de l’électricité. Construit en majeure partie dans les années 70 et 80, ce réseau va devoir évoluer pour faire face à de nouveaux enjeux liés au changement climatique et à l’électrification des usages.
En France, le réseau électrique fait partie du patrimoine. Après la Seconde Guerre mondiale, il a contribué à la reconstruction du pays puis à son essor économique et social durant les Trente Glorieuses, si bien qu’il compte aujourd’hui 106 000 kilomètres de lignes aériennes et souterraines, 280 000 pylônes électriques, 4200 sites dédiés spécifiquement à la maintenance, 2 800 postes électriques et transformateurs, répartis sur tout le territoire de l’Hexagone. Ce formidable maillage permet d’acheminer l’électricité nécessaire pour répondre aux besoins des Français (usages domestiques, industrie, tertiaire…) depuis les sources de production vers les centres de consommation, qui sont souvent différents. Exemple : l’Île-de-France ne produit que 5% de l’électricité qu’elle consomme, alors que la région Centre Val-de-Loire produit 5 fois plus d’électricité qu’elle n’en utilise. Gérer le réseau, c’est donc gérer et aiguiller les flux d’électricité en temps réel.
L’autre atout du réseau, c’est sa résilience : il permet une continuité de l’alimentation électrique plus de 99,9% du temps, même durant les accidents liés aux conditions météorologiques ou aux pannes. En cas de dégâts matériels, les 170 équipes de maintenance sont sur le pont dans toute la France, jours et nuits, qu’il vente ou qu’il pleuve. Preuve en est, grâce aux travaux conduits par RTE après les tempêtes de 1999, le réseau à très haute tension peut désormais résister aux vents violents soufflant jusqu’à 180 km/h près des côtes. Capables de travailler parfois « sous-tension », c’est-à-dire sans avoir à déconnecter les équipements à réparer et donc sans couper le flux électrique, les équipes procèdent aux réparations, ce qui permet d’assurer la continuité d’alimentation électrique.
Enfin, le réseau couvre l’ensemble du territoire : il se déploie ainsi dans une géographie complexe (espaces littoraux, zones montagneuses, etc.) qui connaît une sensibilité croissante au changement climatique. Loin de fonctionner en vase clos, le réseau est également interconnecté avec toute l’Europe. Grâce à 37 liaisons transfrontalières - dont les capacités s’accroîtront d'ici à 2035, comme le prévoit RTE -, la France bénéficie de capacités d'export et d'import importants : en 2024, la France a exporté de l'électricité 98% du temps, pour un total de 101,3 TWh vers ses voisins. Le réseau électrique français est donc un service public fondamental, bien plus large qu’une simple infrastructure technique. C’est un pilier de la cohésion nationale sur lequel la transition énergétique peut s’appuyer.
Une électrification des usages qui nécessite une modernisation du réseau
Le mix énergétique de la France reste aujourd’hui largement dépendant des énergies fossiles (quasiment la moitié de l’énergie primaire consommée en 2022), alors qu'il doit réduire cette part à environ 30% dès 2035, conformément à l’objectif fixé par les pouvoirs publics. Cela signifie que nous allons massivement remplacer dans nos usages le gaz et le pétrole par de l’électricité, déjà décarbonée à plus de 95% en France, en convertissant les procédés industriels à l’électricité ou en utilisant par exemple des pompes à chaleur pour le chauffage ou la climatisation et des véhicules électriques dans les transports. La consommation d’électricité devrait donc fortement augmenter dans les années à venir, jusqu’à +35% en 2050 d’après certains scénarios de RTE dans son bilan prévisionnel (645 TWh/an en 2050 contre 460 TWh en 2019). Et ça change tout, car en attendant la construction de nouveaux EPR, il va falloir poursuivre le développement du solaire et de l’éolien pour répondre à la demande en électricité. Dans cette optique, les énergies renouvelables devraient atteindre 270 TWh d'ici 2035 (contre 120 TWh en 2023).
Aujourd’hui, le réseau électrique fait partie de l’équation d’une France qui se décarbone : il va permettre de raccorder à la fois les nouvelles installations de production des énergies renouvelables et les usines qui fonctionneront demain avec une électricité presque entièrement décarbonée. Le raccordement au réseau est en effet la condition pour permettre aux projets d’électrification de voir le jour, aux industries d’abandonner l’usage des fossiles en faveur de l’électricité, et aux nouvelles industries – data centers, production d’hydrogène – de s’implanter en France. Les trois grandes zones industrielles parmi les plus émettrices de CO2 en France, Dunkerque, Le Havre et Fos-sur-Mer, opèrent un virage à 180 degrés en devenant des pôles majeurs de la transition énergétique, une petite révolution qui s’appuie forcément sur la capacité du réseau à fournir une électricité abondante, compétitive et décarbonée.
Vers un réseau renforcé et plus résilient face au changement climatique
L’électrification redessine aussi les flux d’électricité sur le territoire national : certaines régions traditionnellement peu productrices, par exemple l’Occitanie, vont produire davantage qu’auparavant, puisque l’essentiel des projets de production solaire y seront concentrés, avec la Nouvelle-Aquitaine et le Centre-Val de Loire. De même, il faudra aussi raccorder demain les nouveaux réacteurs nucléaires et l’éolien offshore (présent sur les façades Atlantique ou méditerranéenne), qui représentera 30% de notre production d’électricité en 2050. En résumé, l’ouest de la France concentra une part importante de la nouvelle production d’électricité. A l’inverse, l’essentiel de la consommation supplémentaire se concentrera dans les Hauts-de-France, l'Île-de-France, la Provence-Alpes-Côtes d’Azur ou la Normandie. Le réseau très haute tension construit après la Seconde Guerre mondiale et dans les années 70-80 n’a pas été prévu pour accueillir ces nouveaux flux, d’où la nécessité de renforcer la colonne vertébrale du réseau.
C’est le rôle dévolu au Schéma de développement du réseau (SDDR), un plan programme mis en place par RTE, qui vise à garantir que le réseau public de transport d’électricité est adapté aux objectifs de politique énergétique de la France (transition énergétique, réindustrialisation, relance du nucléaire) mais qui définit aussi un programme de renouvellement des infrastructures pour les rendre plus résilientes au changement climatique. Sachant que l’âge moyen des liaisons aériennes est aujourd’hui de 55 ans et que 20% ont plus de 70 ans, RTE profitera du renouvellement du réseau pour réaliser ces travaux d’adaptation aux risques accrus d’inondations, de canicules ou d’incendies. De manière à optimiser les chantiers, les investissements seront réalisés en priorité dans les infrastructures vieillissantes qui sont également exposées aux aléas climatiques. En 2040, 80% des infrastructures seront résilientes à un climat qui se dégrade et l’âge moyen du réseau sera resté stable par rapport à 2024. Dans cette optique, RTE peut s’appuyer sur l’expérience acquise à la suite des tempêtes de 1999, qui avait débouché sur une importante campagne de sécurisation du réseau, désormais capable de résister à de tels événements.
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