
Hier : du béton, du bitume, des entrepôts et des axes routiers à perte de vue. Demain : des jardins, des immeubles, des commerces et des écoles. Comment réussir, sur un unique foncier, à transformer une friche industrielle en un quartier d’habitation vivant et attractif ? Éclairage sur le chantier de Parcs en Scène, entre Thiais et Orly, aux portes de Paris.
Ici, le quotidien est rythmé par le bruit, le mouvement des grues, et toute une fourmilière humaine qui s’agite dans un grand ballet de travaux. Derrière cette ébullition, un projet d’envergure : la construction de Parcs en Scène, un nouveau quartier favorisant la mixité sociale, faisant trait d’union entre les villes de Thiais et d’Orly. Lauréat d’ « Inventons la Métropole du Grand Paris » en 2017 — dans le cadre d’un groupement d’opérateurs porté par Linkcity et CDC Habitat — ce quartier est un des projets les plus ambitieux de ce concours, voire le plus conséquent en termes de taille, et d’enjeux. « Parcs en Scène s’inscrit dans une vaste opération d’intérêt national, explique Caroline Simonneau, Directrice adjointe Partenariats et ingénierie territoriale chez CDC Habitat. Ce projet emblématique de la Métropole du Grand Paris, c’était l’opportunité, pour les collectivités avec qui nous travaillons étroitement, de disposer de foncier pour désenclaver ce territoire métropolitain sous employé au regard de sa localisation très stratégique en Île-de-France. » L’arrivée de la ligne 14 à Thiais-Orly en juin 2024, en complément du RER C, devant encore accélérer son attractivité.
E-sports et innovations numériques
Difficile pourtant d’imaginer que depuis les années 1960, le paysage de ce territoire lié au marché d’intérêt national (MIN) de Rungis, se composait surtout de vastes entrepôts logistiques où s’écoulaient des tonnes de marchandises, bordés d’axes routiers où défilaient quotidiennement des hordes de camions. Demain, ces ZAC (ZAC du Sénia et ZAC du Chemin des Carrières) sans âme auront radicalement changé de visage. Le projet Parcs en Scènes accueillera en effet environ 2 600 logements, ainsi qu’un écosystème d’habitats spécifiques — résidences étudiantes, auberge de jeunesse, hébergement pour personnes âgées — favorisant une mixité générationnelle et sociale. Deux écoles, des commerces et des services viendront compléter l’offre. Point d’orgue du projet : la Scène digitale, un lieu polyvalent dédié aux e-sports et aux innovations numériques, qui pourra accueillir des concerts, des salons, des conventions d’entreprises et des spectacles. « Je pense que ce sera une des clés de réussite dans la pérennité de cette adresse, indique Violaine Paton, directrice adjointe Grands Projets chez CDC Habitat. L’idée, c’est d’avoir un lieu qui donnera une coloration et un atypisme à ce quartier, qui le rende identifiable au sein d’une région francilienne déjà riche et très diversifiée, d’en faire un quartier métropolitain sortant du lot. »
Ramener la nature
L’autre enjeu : renaturer un site presque entièrement imperméabilisé, avec l’ambition de passer de 7 % à 40 % d’espaces verts. Sur près de 8 hectares, la création de parcs, jardins, potagers associatifs, places, rues et venelles devrait permettre de revitaliser les 14 hectares du site et de lutter contre les îlots de chaleur. Cette renaturation favorisera également la biodiversité et le rétablissement d’écosystèmes fragilisés (notamment au travers de trames verte, bleue et noire), là où quelques espèces protégées — lézards des murailles, chardonnerets et chauves-souris — tentaient jusqu’ici de survivre. Une démarche reconnue par la certification BiodiverCity® Ready, référentiel qui valorise l’intégration de la biodiversité dans les projets d’aménagement. Le volet environnemental du projet prévoit en outre une gestion à ciel ouvert des pluies décennales, afin de limiter les besoins en assainissement.
Côté constructions et aménagements, « il s’agit de tendre vers un quartier vertueux, avec des infrastructures en béton bas carbone, des bâtiments en bois, des matériaux biosourcés ou issus des filières du réemploi, des toitures végétalisées, et l’intégration au réseau de chaleur urbain pour répondre aux besoins énergétiques, observe Gaëlle Houel, responsable de développement Grands Projets chez CDC Habitat. Le concours a été gagné en 2017, avant la mise en place de la RE-2020. On a donc démarré le projet en anticipant les réglementations, notamment thermiques, et — pour les associés Linkcity et CDC Habitat — en partageant des ambitions environnementales et sociétales vertueuses. »
Poupées russes
Découpé en trois zones, le chantier de Parc en Scène n’en est qu’à ses débuts : le premier secteur — dit des Quinze Arpents (ville d’Orly) — devrait être livré dès 2026. Les chantiers immobiliers sont en cours et les premiers aménagements y ont été réalisés, avec la préfiguration d’un jardin central reliant les différents îlots, afin que le quartier soit déjà vert à l’arrivée des habitants. « Le projet se concrétise, s’enthousiasme Gaëlle Houel. Pour en arriver là, il a fallu franchir de nombreuses étapes : mise en état des sols (démolition, archéologie, dépollution), études urbaines et environnementales, obtention des autorisations administratives et lancement des travaux d’aménagement début 2024... Avec de nombreux défis à relever : économiques d’abord, parce que transformer une friche coûte cher ; cela nécessite une ingéniosité au quotidien pour trouver les bons leviers pour permettre la sortie du projet. Techniques et culturels également, pour réunir et faire collaborer tout le monde autour du projet, les partenaires et les collectivités. Au sein du groupement, nous sommes en effet une multiplicité d’acteurs n’ayant pas forcément la même culture. »
Sur les deux autres secteurs — secteur n° 2 des Alouettes et Courson (ville de Thiais), et le secteur n° 3 (à cheval entre Thiais et Orly), les chantiers avancent aussi, dans une temporalité différente : les travaux de construction ont démarré sur le premier en début d’année, quand sur le second, les démolitions sont à l’œuvre avec des livraisons prévues à l’horizon 2029-2030.
« Le site est voué à muter largement, et ce qu’il faut comprendre, c’est qu’il y a des emboîtements d’échelles, explique Violaine Paton. On est sur des poupées russes d’opérations qui vont se réaliser en sous-secteurs. À chaque fois l’idée, c’est que chacun d’entre eux soit cohérent d’un point de vue fonctionnel, qu’ils offrent une même qualité d’environnement, d’habitat, de services. » Pour que demain, là où s’étendaient 180 000 m² d’entrepôts, 13 000 habitants s’installent. Et qu’avec eux, s’écrivent de nouveaux récits.
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