Image satellite avec émission de méthane

Les satellites sont formels, les émissions de méthane sont sous-estimées

Une analyse fine des données satellites montre que les émissions de méthane aux États-Unis sont bien supérieures à ce qui avait été évalué précédemment.

« Jusqu'à présent, le méthane était l'angle mort de nos politiques climatiques. » Une déclaration signée Pascal Canfin, corapporteur d'un projet de loi adopté en avril dernier par le Parlement européen dont le but est justement de réduire les émissions de ce gaz.

Car quand on parle de gaz à effet de serre, le dioxyde de carbone (ou CO₂) est souvent désigné comme le coupable principal de la pollution de l'air et de la hausse globale des températures. Pourtant, il n'a rien à envier au méthane. Plus discret, plus diffus, le méthane serait responsable de 30 % du réchauffement de la planète, raison pour laquelle des mesures internationales commencent à être prises pour réduire sa production.

TROPOMI : de la précision des pixels

Mais ces fameuses lois pour y mettre un terme ne sont rien si on ignore d'où le méthane vient. L'agriculture ou le traitement des déchets sont souvent pointés du doigt, mais il reste difficile de quantifier la provenance des émissions. C'est là qu'intervient TROPOMI. Ce spectromètre placé sur le satellite Sentinel-5 Precursor est en orbite depuis 2017 et ses observations sont au cœur d'une étude publiée dans la revue Atmospheric Chemistry and Physics.

« Nous ne mesurons pas directement les émissions de méthane», précise la principale autrice, Hannah Nesser, chercheuse au Jet Propulsion Laboratory. « En revanche, TROPOMI voit la réflexion de la lumière du Soleil et comment elle est affectée par les concentrations de méthane. Nous avons pu quantifier ces émissions avec une très grande précision, avec une résolution de 25 kilomètres. »

Concrètement, cela signifie que sur les images transmises, chaque pixel fait 25 km de côté. Un grand progrès, car les satellites précédents avaient une résolution de l'ordre de 100 km ! À cette échelle, il faut imaginer un territoire comme la France, réduit à une dizaine de pixels où il est impossible de distinguer quoi que ce soit, et encore moins d'où viendraient des émissions de méthane.

Ici, les auteurs ont pu cibler des sites pétroliers, des décharges ou des fermes à travers tous les États-Unis. Ils ont ensuite comparé leurs résultats à l'inventaire du pays, c'est-à-dire les chiffres officiels des émissions données par les industriels au gouvernement… Et il y a des écarts !

Dans l'ensemble, l'étude montre que les émissions sont 13 % plus importantes que les estimations précédentes. Mais dans le détail, les chiffres varient aussi : + 12 % pour la production animale, + 11 % chez les producteurs de gaz et de pétrole. Pire, les décharges émettent 50 % de méthane en plus que ce qui est déclaré. À l'inverse, les mines de charbon sont 28 % en dessous des estimations officielles.

Des clés pour mener la transition énergétique

« Ce ne sont pas les chiffres qui sont importants, mais l'écart », affirme Vincent-Henri Peuch, directeur des activités au Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, auprès de la Commission européenne. « C'est une information cruciale si l'on veut se diriger vers une réduction des sources de méthane. Les approches globales apportent d'autres données, mais ici on a des clés pour agir. »

Hannah Nesser ajoute : « Les estimations de l'inventaire et nos mesures ne fonctionnent pas du tout de la même façon. Par exemple, pour les décharges, il y a parfois des constructions ou des fuites qui ont de grandes conséquences, mais qui ne sont pas comptées dans l'inventaire. »

Ces données précieuses sont des chiffres à considérer pour les négociations des accords de Paris. Comme, par ailleurs, ils sont fournis par Sentinel-5 Precursor qui fait partie du réseau Copernicus, ils sont publics et peuvent être utilisés par tous les scientifiques à travers le monde, ce qui peut avoir une réelle influence sur les discussions. « Cette étude est certainement une des premières pour aider à guider les États, ajoute Vincent-Henri Peuch. Ce n'est pas un travail qui n'intéresse que la communauté scientifique, il montre aux décideurs comment agir à leur échelle. »

Des mesures qui devraient se poursuivre avec encore plus de précisions dans les années à venir. Prévu pour 2025 ou 2026, Sentinel-5 prendra la relève de Sentinel-5 Precursor avec une résolution encore meilleure. De quoi donner encore plus de moyens à la transition énergétique.

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