image de batiment sur un ciel bleu

Le village des athlètes : un quartier en héritage

© Paris 2024 / Raphael Vriet

Construit à l’occasion des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le Village des athlètes a été pensé pour devenir un quartier à part entière, laissé en héritage aux habitants. Se voulant exemplaire de la transition écologique de la ville, il porte de nombreuses innovations en matière de législation, de construction, d’usage ou de production d’énergie. Et pose les jalons de l’avenir de l’aménagement des territoires.

À la jonction des communes de Saint-Ouen-sur-Seine, de Saint-Denis et de l’Île-Saint-Denis, les 40 hectares du Village ont accueilli près de 15 000 athlètes durant l’été. À partir de fin 2025, après les travaux de réversibilité, de nouveaux habitants prendront leurs quartiers dans les bâtiments où d’autres, il y a encore quelques mois, rêvaient de médailles. Avant même le lancement des travaux, le projet voulu par l’État et les collectivités locales étaient de transformer ces constructions en plus de 2 800 logements, bureaux, services et commerces afin d’accueillir, à terme, 6 000 nouveaux habitants et 6 000 salariés. « Dès le début, le projet a été conçu en mode “héritage”, afin de le transformer dès la fin de l'événement — et en un temps très court — en un véritable quartier de ville, explique Violaine Paton, directrice adjointe Grands Projets chez CDC Habitat, pilote du secteur des Quinconces (avec Icade et La Caisse des Dépôts). Le principe était d’éviter les éléphants blancs ». Les éléphants blancs ? Ces mégaprojets d’infrastructures qui en mettent plein la vue lors de leur inauguration, mais qui à la longue finissent par se révéler coûteux voire inutiles, à l’image des pachydermes que s’offraient autrefois les princes indiens. 

Minimiser l’empreinte des Jeux dans les pays hôtes 

Cette obsolescence a malheureusement marqué l’histoire de ces événements sportifs : Rio, Athènes et Sotchi, par exemple, sont des échecs de reconversion. Certains sites peinent à trouver preneurs ou à être investis, quand d’autres sont laissés à l’abandon. Le parti pris du Village des athlètes est tout autre, la SOLIDEO entendant — dès le concours en 2019 — relever le pari de la ville réversible et de Jeux plus économes, conformément aux objectifs de durabilité fixés par les organisateurs. « Le projet porté à Paris s’inscrit dans la continuité des accords de Paris sur le climat, indique Xavier Brissy, directeur adjoint Grands Projets chez CDC Habitat, pilote du Lot E (avec Nexity et Eiffage). Par conséquent, il s’agissait d’être résilient, économe et frugal sur les équipements publics et la conception du village des athlètes, économe et performant au niveau carbone. Il s’agissait aussi d’anticiper le réchauffement via une conception bioclimatique qui permette d’anticiper le climat à horizon 2050. »

Sur le papier, l’intention est belle. Mais dans les faits, comment construire durable et comment s’y prendre pour transformer un quartier et des logements répondant d’abord aux contraintes d’accueil des plus grands sportifs mondiaux, puis à celles de monsieur et madame Tout-le-Monde en termes de confort, de travail, de déplacement, de loisir ou de consommation ? « En superposant les cahiers des charges, répond Violaine Paton. Une transformation rendue possible par une innovation juridique : le permis à double état, qui prévoit deux destinations différentes au sein d’un même bâtiment… On a pris les dénominateurs communs à chacun des états et leurs contraintes maximales, et celles de chacun des cahiers des charges des investisseurs ou des collectivités : sécurité, circulations, tailles des ascenseurs et des logements, typologie, règles d’urbanisme, etc. » Les systèmes constructifs ont également permis de créer des cloisons provisoires afin de redécouper, redessiner les logements, passée leur première utilisation.

Un laboratoire d’innovations

La prouesse de cette construction se situe aussi du côté des matériaux. Les chantiers ont eu recours à des matériaux de réemploi et à des matériaux biosourcés, donc faiblement carbonés – béton bas carbone et ultra bas carbone, et bois (la SOLIDEO ayant imposé un seuil minimum de 30 % de bois français, à 100 % issu de forêts écogérées). 15 autorisations d’expérimentation ont par ailleurs été déposées pour massifier l’utilisation du bois dans le village en façade, en structure, etc. « Le recours à ces matériaux existait déjà pour des petites unités de construction, mais pas à l’échelle d’un quartier. C’est donc, selon moi, la véritable innovation de ce projet, déclare Xavier Brissy. La très large utilisation du bois va contribuer à développer la filière française et à renforcer les connaissances et techniques liées à cette matière pour les constructions futures décarbonées. » 

Autre innovation, côté production d’énergie : un réseau de géothermie alimente en chaud et en froid les bureaux et les logements, grâce à une eau puisée à 70 mètres de profondeur, sortant à 14°. Et selon la SOLIDEO, « c’est la première fois qu’une telle solution est développée pour des logements, permettant ainsi de contribuer de façon vertueuse à leur confort thermique ». Un confort thermique également favorisé par des choix d’architecture bioclimatique avec des immeubles érigés en plots. L’objectif : permettre la circulation de l’air entre les constructions, et avoir des bâtiments traversants, bénéficiant d’une double orientation au soleil et d’une ventilation naturelle.

Réussir la greffe urbaine

Bardé d’innovations et exemplaire dans sa conception, le quartier va-t-il pour autant s’intégrer dans la ville et devenir un élément effectif de la cité ? « Oui, car la réalisation du Village des athlètes était conditionnée au fait de répondre aux besoins des territoires, affirme le directeur adjoint Grands Projets. Saint-Ouen et Saint-Denis sont des villes de la première couronne de Paris, ayant connu de grandes mutations ces dix dernières années avec l’opération des Docks, l’arrivée de la ligne 14, la transformation du Hub Pleyel… Finalement le Village des athlètes s’inscrit comme une opération supplémentaire de transformation de la ville, avec des marqueurs d’intégration urbaine ou sociale renforcés en termes de taille du quartier ou de mixité (avec des logements en accession, des logements sociaux, intermédiaires ou étudiants), de dimensionnement des équipements et des espaces publics pour répondre aux besoins des futurs habitants. » Les formes architecturales ont été également travaillées afin de faciliter la transition entre le cœur historique de Saint-Ouen et l’ADN plus dense de Saint-Denis. 

« Le prochain pari concerne donc la “réussite de la phase héritage”, constate Xavier Brissy. Car la particularité du projet, c’est la concomitance de la livraison de tous les logements et des commerces. C’est unique à l’échelle d’une opération d’aménagement. » Ce qui fera la réussite du projet et que la greffe urbaine prendra ? Selon les deux professionnels, c’est le fait que le quartier a déjà une histoire et qu’il a été pensé pour l’avenir. Mieux, il se veut aussi démonstrateur de la ville de demain, exemplaire sur les plans sociaux et environnementaux : « Je crois que le quartier coche les cases des attendus actuels et à venir, indique Violaine Paton. Le projet est fondé sur l’économie circulaire : nous reconstruisons la ville sur la ville, sans consommer de nouveaux espaces. La conception des bâtiments, les espaces verts, etc. favorisent le développement d’îlots de fraîcheur, adaptés au réchauffement climatique. Quant à savoir si cela deviendra la norme… Nous avons en tout cas démontré que c’était faisable, même avec un degré d’ambition très élevé. »

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