Mettre en lien des agriculteurs avec des entreprises pour accélérer leur transition vers l’agriculture régénératrice, c’est le pari de l’entreprise à mission TerraTerre by Agoterra. Entretien pour mieux comprendre ce qui pourrait bien constituer l'agriculture de demain.
En France, l’agriculture est le deuxième poste d’émission de gaz à effet de serre et représente 19 % des émissions nationales. La transition écologique du secteur est une nécessité pour la planète bien sûr, mais aussi pour les agriculteurs et agricultrices qui expérimentent de plein fouet les effets du dérèglement climatique.
Mais cela a un prix ! Pour les aider à accélérer leur transition agroécologique, l’entreprise à mission TerraTerre by Agoterra propose à des sociétés de les financer en achetant des crédits carbone locaux. Guerlain, Suez, JC Decaux ou encore Kronenbourg participent à la transition vers l’agriculture régénératrice de 1 700 agriculteurs. Nous avons rencontré Caroline Frery, responsable des partenariats de l’entreprise, lors de leur passage à ChangeNOW, évènement de solutions pour la planète qui a lieu à Paris entre le 25 et le 27 mai 2023.
L’ADN : Votre objectif est d’accompagner les agriculteurs à avoir des pratiques plus vertueuses grâce à l’agriculture régénératrice. Quelles solutions leur proposez-vous ?
Caroline Frery : Notre mission est d'accélérer la transition agroécologique et la transition des agriculteurs et agricultrices vers l'agriculture régénératrice grâce à la finance carbone. Ce sont des financements d'entreprises qui viennent aider ces agriculteurs et agricultrices à sauter le pas. L'agriculture régénératrice est un système agricole où l'on a tout un tas de techniques qui permettent tout un tas de choses : stocker du carbone dans les sols, réduire les émissions sur une exploitation, développer la biodiversité ou encore améliorer la qualité de l'eau, la qualité de l'air. La première étape pour aller vers l'agriculture régénératrice va être de faire un bilan carbone avec un conseiller technique local qui connaît bien les enjeux du territoire. Ensuite, l’agriculteur se fixe des objectifs et sélectionne des pratiques à mettre en place pendant les cinq ans du projet. Par exemple, il peut, entre les cultures d’hiver et celles d’été, faire une autre culture qui stockera l’azote, un engrais naturel. À la fin des cinq ans, un audit est effectué pour vérifier que l’objectif a bien été atteint. Cet audit va générer le nombre de crédits associés : 500 tonnes équivalent CO2 génère 500 crédits qui seront réalloués à l'entreprise qui aura financé le projet au début.
Pour financer ces projets, vous vous appuyez donc sur des entreprises qui souhaitent acquérir ces crédits carbone. Comment fonctionne le partenariat entre l’entreprise et l’agriculteur ?
Notre vision de la contribution se base sur la proximité et la transparence. Il est important que l'agriculteur et le financeur soient proches géographiquement car, scientifiquement, cela a un sens de stocker du carbone proche de là où on en émet. De plus, tous les contributeurs ont visité les fermes qu'ils financent. On a également créé une plateforme qui permet de suivre les projets de A à Z ; du moment où on les finance jusqu'au moment où les crédits sont générés. Les agriculteurs reçoivent un montant en fonction du volume qu'ils arrivent à réduire, entre 32 à 35 € par tonne de CO2 équivalent réduit ou séquestré. Souvent cela ne suffit pas à financer l'intégralité du projet et les agriculteurs doivent mettre en place un cofinancement avec leurs propres fonds ou en sollicitant des aides.
C’est donc un système de compensation carbone que vous proposez aux entreprises. Comment les incitez-vous à aller au-delà et ne pas juste participer à la transition de manière financière ?
Nous ne travaillons qu’avec des entreprises qui ont mesuré leurs émissions et qui s'engagent sur des objectifs de réduction ambitieux. Nous collaborons avec de nombreuses entreprises qui ont des trajectoires en ligne avec les accords de Paris. Nous avons une approche très pédagogique car il est important que les entreprises comprennent ce qu'elles financent, que le processus ne soit pas déshumanisé. C’est pourquoi nous mettons en place des formations en interne, sous la forme de fresques et organisons des visites de fermes. Nous mettons aussi à disposition notre expertise auprès des entreprises pour qu'elles puissent communiquer de la manière la plus pertinente possible. Nous avons d’ailleurs une check-list anti greenwashing dans laquelle nous expliquons que se dire “neutre en carbone”, ce n'est pas OK. On peut dire que la neutralité a un sens d'un point de vue collectif, d'un point de vue mondial, mais la neutralité carbone sur un produit, cela n'a pas de sens scientifique.
Comment vous rémunérez-vous ? Quel est le business model d’une entreprise comme la vôtre ?
Nous revalorisons des crédits carbone issus de fermes mais nous vendons aussi des services supplémentaires aux contributeurs. Nous vendons un prix par tonne de CO2 et, sur ce prix-là, 70 % vont être alloué à l'agriculteur, 15 % seront pour l'accompagnement terrain et 15 % pour TerraTerre pour tous les services qui sont rendus – la sélection personnalisée des projets, la plateforme de suivi et l'accompagnement sur-mesure, l'expertise, la formation.
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