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Lanceurs d'alerte : une chance pour les marques ?

C’est la question épineuse que posait la nouvelle édition des PR Lab organisée par le SYNTEC Conseil en Relations Publics.

Nouveau phénomène : les lanceurs d’alerte

La réputation est le résultat de ce que l’on dit de vous, un mélange de perceptions émotionnelles, et de points de vue plus raisonnés… Mais comment peut-on la gérer à l’heure du peer-to-peer, quand l’avis d’un simple user peut avoir plus de poids que celui d’un expert ? Ainsi Thierry Wellhoff, président de l’agence Wellcom et Administrateur de Syntec Conseil en Relations Publics introduisait les débats.

Avec les affaires Snowden ou Chelsea Manning… le terme est entré dans le langage commun. Mais comment le définir ? Selon Transparency International : « c’est une personne qui, dans le contexte de sa relation de travail, signale un fait illégal, illicite et dangereux, touchant à l’intérêt général, aux personnes ou aux instances ayant le pouvoir d’y mettre fin. » Pour Anne Elisabeth Combes, avocat en droit des affaires chez Ernst & Young,  ils sont surtout le révélateur d’une tendance plus lourde : l’élan d’une société civile qui veut demander des comptes aux entreprises sur le caractère éthique de leurs pratiques.

Mais ces empêcheurs de tricher en rond sont-ils une nouvelle menace pour les marques ? Pas si simple !

Les lanceurs d’alerte : une chance pour l’entreprise ?

C’est l’avis de Patrick Wildloecher, déontologue du groupe La Poste :

« Ils obligent les entreprises à se poser sur ce sujet, et dans une période où plus rien ne peut rester caché, mieux vaut considérer que, de toute façon, nous n’avons plus le choix. Les lanceurs d’alerte attaquent la structure de l’intérieur, et cela permet de laver son linge sale en famille, avant que les choses ne soient rendues publiques. Très concrètement, beaucoup d’alertes permettent d’améliorer les process, et d’éviter des risques. »

Et ce n’est pas du luxe, puisqu’en matière de corruption, la France et ses entreprises peuvent clairement mieux faire. Dans le classement 2016 de l'ONG Transparency International, l’Hexagone occupe la 23ème place, derrière la Turquie, l’Ouzbékistan, ou l’Azerbaïdjan.

Mais si le débat pose des questions morales et éthiques, il adresse aussi des enjeux de création de valeur.

Si la chose peut paraître contre-intuitive, il existe un lien entre éthique et innovation.

Un exemple ? Quand en 2006 Siemens a été attaqué au sujet de transactions réalisées pour obtenir des marchés, le préjudice ne s’est pas soldé uniquement en matière de cours de Bourse ou de notoriété escamotée. Moins visible, mais tout aussi dramatique, la firme s'est aussi rendu compte à cette occasion que sa R&D était en sommeil depuis plusieurs années. Car pourquoi innover quand gagner des marchés ne dépend plus de cela ?

Par ailleurs, la question de l’éthique est aussi au cœur d’une véritable guerre économique.

Comme le souligne Patrick Wildloecher, aux Etats-Unis comme au Royaume-Uni, un certain nombre de lois sanctionne les affaires de corruption, même celles qui ne se déroulent pas sur leur territoire. « Clairement, ils s’en servent pour éloigner certaines entreprises de leur sol. »

Autant de raisons de prendre les lanceurs comme une chance, des révélateurs qui aident à identifier et rectifier les comportements à risque.

Les lanceurs d’alerte : un nouveau cadre légal

Depuis décembre 2016, la loi Sapin 2 propose un cadre légal à la protection des lanceurs d’alerte.

Pour Olivier Moura, avocat à la Cour, le texte reste cependant délicat à manier. Le terme lanceur d’alerte tel qu’il est défini dans le texte de loi reste flou et ambigu. Il s’agit donc, pour les collaborateurs voulant lancer une procédure contre leur employeur, de rester prudent, et de ne pas considérer que le droit les protège de tout car la frontière entre une alerte et un délit de délation reste ténue.

Quoiqu’il en soit, toutes les entreprises de plus de 50 salariés doivent mettre en place des dispositifs de communication sécurisés permettant aux collaborateurs de signaler un dysfonctionnement à leur hiérarchie. A La Poste, il existe un système de boite mail sécurisé et crypté qui permet de correspondre avec le déontologue du groupe de manière anonyme. D’autres entreprises, comme Casino, font le choix d’externaliser ce service.

La réputation : un facteur qui monte dans la valorisation des marques

La réputation compte parmi les items déterminant des actifs immatériels de l’entreprise, et la dimension « éthique » pèse entre 12 et 18% de la note totale.

Certes, certaines entreprises prennent ce facteur risque à contre-pied.  « Uber ou Airbnb par exemple, optent pour des stratégies qui ne misent pas sur leur bonne réputation. Pour eux, le seul enjeu est d’aller vite, très vite. Ils l’assument totalement auprès de leurs investisseurs. En matière de réputation, ils prétendent qu’ils s’adapteront, et misent tout sur la confiance de leurs utilisateurs d’obtenir une expérience de qualité » explique Marc Duchevet, associé en charge de l’activité Risk Advisory de Deloitte France.

Dans un autre registre, Nestlé mise sur sa capacité de résilience. Si l’entreprise veille en flux tendu sur tout ce qui se dit d’elle, elle ne réagit jamais à chaud. Ses équipes estiment que la qualité du lien qu’ils entretiennent avec leurs clients les protège de certains revers.

Toutefois, Emmanuel de la Ville, PDG d’EthiFinance et éditeur de l’indicateur Gaïa, insiste : « Depuis une dizaine d’années, les investisseurs sont de plus en plus sensibles aux risques liés à la réputation. Ils cherchent à évaluer le niveau de « controverse » auquel l’entreprise pourrait avoir à faire face, et cela pèse entre 10 et 15% de la note. »

Mais là encore, il s’agit aussi de saisir ces indicateurs comme une chance plus que comme une contrainte. Chaque année, l’indice Gaïa mesure la performance de 70 valeurs ESG (Environmental, social and governance) de 230 PME. Le résultat est formel : ces entreprises surperforment aussi sur les critères financiers notamment par rapport à celles du CAC 40 et du CAC Mid & Small.

Marc Duchevet pondère le propos : « Prendre des risques reste indispensable, il s’agit seulement de bien les calculer : certains menacent de faire sortir l’entreprise de son marché, comme Arthur Andersen a pu le vivre lors de l’affaire Enron, d’autres ne causeront que des dégâts mineurs. »

Ce qui est certain, c’est que le chantier de la réputation reste ouvert.

Les outils de mesure de sa valeur financière manquent encore, et il faudra les créer. Et au sein même des entreprises, le développement des fonctions de « chief reputation officer », tenant compte de la dimension financière, RH, formation et communication des enjeux, leur permettra de s’emparer de toutes les opportunités qu’offre la bonne gestion de leur réputation.

Syntec PR LAB 2017

Béatrice Sutter

J'ai une passion - prendre le pouls de l'époque - et deux amours - le numérique et la transition écologique. Je dirige la rédaction de L'ADN depuis sa création : une course de fond, un sprint - un job palpitant.

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