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Réemploi des emballages : changer d’échelle pour peser sur la réduction des déchets

Avec CITEO
© © Ron Lach

Si le recyclage s’est imposé comme la solution privilégiée pour limiter l’impact environnemental de nos déchets, la bonne vieille consigne fait son retour. Décryptage.

« Le meilleur déchet est celui qu’on ne produit pas », dit la formule consacrée du zéro déchet. Réservée autrefois aux écologistes les plus militants, il semble qu’elle ait désormais fait son chemin jusqu’aux décideurs et industriels. Même si le recyclage reste l’objectif principal quand on évoque la gestion des emballages ménagers, il n’est plus considéré comme l’unique moyen de réduire leur empreinte environnementale.

Avec la consigne pour le réemploi, les producteurs d’emballages se dotent d’une option complémentaire, idéale pour certains contenants, comme les bouteilles en verre, par exemple. Une option appuyée par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) qui fixe l’objectif 10 % d'emballages réemployés d’ici 2027. Un défi de taille pour les acteurs de la filière.

Du côté des Français, on est pourtant prêt à recourir à cette nouvelle routine, si courante dans les années 1960 et 1970, quand les emballages en plastique n’existaient presque pas : 88 % d’entre eux se disent volontaires selon un sondage IFOP de 2019. Mais il y a un petit souci : faute de moyens, la consigne pour le réemploi représente pour l’instant une goutte d’eau dans l’océan. « Ça pèse peu, confirme Sophie Nguyen, directrice réemploi et vrac chez Citeo, c’est moins de 1 % des bouteilles mises sur le marché dans la grande et moyenne distribution, sauf en Alsace, une région qui est en avance. En revanche, c’est bien plus répandu du côté des professionnels, cafés, hôtels restaurants, où 40 % des bouteilles sont issues du réemploi : quand vous sirotez un Perrier en terrasse, il y a de grandes chances que la bouteille ait déjà eu plusieurs vies avant. »

Des initiatives dynamiques, mais encore trop locales

Pour le consommateur, la consigne est pour l’instant cantonnée à un geste militant effectué dans des magasins de proximité engagés dans la bio, le vrac et l’écologie, dans lesquels on peut apporter nos contenants en verre, souvent sans contrepartie monétaire. Résultat : la France offre l’image d’un gigantesque maillage de petits et moyens opérateurs spécialisés dans différents domaines : lavage, traçabilité, transport, distribution… Une cartographie du réemploi recense ainsi 250 entreprises et associations qui proposent un service, du matériel ou de la distribution alimentaire pour cette activité. Localement, il existe donc des solutions viables partout en France, mais qui peinent à massifier les volumes d’emballages et à optimiser le dispositif. Dans son discours introductif du “Reuse Day” donné le 3 octobre 2023, Jean Hornain, directeur général de Citeo, rappelle que « l’ambition [du réemploi], c’est passer à l’échelle ». Un défi gigantesque, à la fois opérationnel, économique, et de gouvernance.

Certains y parviennent au niveau régional : en Alsace, Fischer vend des bouteilles consignées et réemployables dans les rayons des supermarchés ; en Occitanie, ​​la SCOP  Oc'Consigne veut développer une filière industrielle de réemploi des bouteilles en verre sur une partie du territoire ; dans plusieurs villes, Le Fourgon propose la livraison de produits consignés à domicile et au bureau : alcool, soda, lait, épicerie, thé, café... Chez Citeo, on veut s’appuyer sur ces exemples pour embarquer les distributeurs et les marques. « Ces initiatives locales, ça crée des précédents, positive Sophie Nguyen, les marques sont chatouillées quand elles voient ça. Alors on essaye d’accélérer la mobilisation des enseignes nationales d’épicerie, mais les projets restent souvent éphémères, ils durent 6 mois ou un an maximum. » Comment rendre durables ces expériences autour du réemploi ? « Quand on discute avec ces marques, reprend Sophie Nguyen, elles nous demandent comment faire alors que leurs outils, leurs équipes commerciales et leurs clients distributeurs sont organisés à l’échelle nationale. Dans cette optique, Citeo essaye de coordonner les acteurs de la filière pour trouver des solutions qui fonctionnent à l’échelle nationale. »

La consigne pour le réemploi, un business model viable ?

Pour y parvenir, les pistes de travail sont nombreuses : mutualisation des moyens entre industriels, développement de solutions techniques comme la standardisation des emballages, optimisation des flux pour limiter les kilomètres parcourus à chaque étape de la boucle, sensibilisation des consommateurs… Des marques ou des producteurs engagés font bouger les lignes, parfois dans des secteurs où l’on croyait la consigne pour le réemploi quasiment impossible. C’est le cas des vins Oé, qui ont réussi à récupérer 29 646 bouteilles consignées entre mai 2022 et mai 2023 pour les remettre ensuite à la vente. Bien sûr, l’argument économique joue un rôle essentiel pour convaincre, que ce soit le consommateur qui récupère une partie de la somme qu’il a déboursée, ou l’industriel qui cherche à optimiser ses coûts. « On a des boucles régionales autour de produits comme la bière ou les jus qui arrivent à proposer des bouteilles lavées quasi au même prix qu’une bouteille neuve, constate-t-on chez Citeo. Le prix des emballages en verre a augmenté récemment, donc ça réduit l’écart entre les deux, mais pour les boucles plus grandes et d’autres segments de marché, ça reste plus cher de faire du réemploi. »

Et pour cause, les solutions d’emballages jetables à usage unique sont souvent très compétitives ! « On ne peut pas comparer le réemploi avec une solution à usage unique qui implique énormément de volumes, une production décentralisée en Chine, des coûts optimisés et une solution de recyclage qui est intégrée dans le business de la marque ! Cette filière a aujourd’hui plus de trente ans, alors que l’histoire du réemploi est très courte. » Difficile d’exister dans ces conditions. C’est pourquoi Citeo et sa filiale Adelphe investissent chaque année 50 millions d’euros pour développer la filière du réemploi. Une somme qui représente 5 % des éco-contributions que lui confient ses clients, conformément à la loi Agec. Dans la même optique, Citeo a lancé un Appel à Manifestation d'intérêt (AMI) afin d’encourager des dispositifs performants de réemploi d’emballages en verre, comme celui de Bocoloco. Cette jeune start-up française propose une offre intégrée capable de séduire marques et enseignes : distribution des produits, conseils sur la mise en rayon, récupération des bocaux ou bouteilles, traçage et lavage avec des usines partenaires.

Des consommateurs à convertir en masse

Aujourd'hui, Citeo considère que le réemploi n’est pas une réalité pour le consommateur, la très large majorité des gens n’ayant pas encore identifié cette pratique souvent réduite à la consigne dans l’imaginaire commun. D’où l’importance accordée au parcours client et à la sensibilisation du public, l’idée étant d’actionner une série de leviers pour inciter tous les profils de consommateurs à acheter des produits réemployables en magasin. Sciences comportementales, études théoriques, études analysant les comportements d’achat dans le vrac et le réemploi : rien n’est laissé au hasard par Citeo dans son combat pour démocratiser ces pratiques.

« Nous avons un pan entier de nos activités dont la mission est de décrypter et faciliter les habitudes et les mentalités des consommateurs », note Sophie Nguyen. Ces études qualitatives montrent que l’usage du réemploi passera par des incitations économiques (faire une bonne affaire), environnementales (réduire son impact écologique), psychologiques (qui n’a pas retiré une forme de satisfaction personnelle à ramener sa bouteille au magasin plutôt que de la jeter ? ), mais aussi par des garanties rassurantes autour de l’hygiène et de la simplicité du geste.

Pour le moment, la consigne pour réemploi concerne les emballages en verre, plus faciles à nettoyer et réutiliser, mais pas les emballages en plastique. Seule exception, les circuits de la restauration à emporter, où l’on voit de plus en plus fleurir de la vaisselle réemployable. Dans un supermarché, les emballages sont pourtant majoritairement en plastique, même si l’entreprise Berny a réussi à fournir quelques grandes surfaces avec sa barquette en inox réemployable une centaine de fois et consignée pour la somme de deux euros. Dès lors, on comprend bien qu’il n’est pas question de voir le recyclage remplacé par le réemploi. « Si on oublie le recyclage, on est morts, résume ainsi Jean Hornain. On a besoin de continuer à développer la collecte, l’éco-conception, les technologies de recyclage. » Car la gestion des déchets n’est pas un jeu à somme nulle, mais bien un cercle vertueux qu’il faut enclencher par tous les moyens possibles. À terme, le dispositif de la consigne pourrait même être élargi comme dans certains pays aux bouteilles en plastique et aux canettes en aluminium.

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