
Les vieux rêves de l’Ouest et la possibilité de faire fortune en partant de rien reviennent à la mode, après avoir vu naître en quelques années des entreprises sorties de nulle part déjà plus valorisées que la majorité des entreprises du CAC40. Décryptage de Davy Tessier, CEO de Disko
Uber, cette société qui fait trembler dans le monde entier toutes les sociétés de taxis sans en posséder un seul (de taxi), illustre bien ce phénomène : exploiter le numérique pour relier des personnes entre elles en se passant d’intermédiaire.
Le problème est que des pans entiers de l’économie reposent sur ces intermédiarisations. Et Uber n’est pas un phénomène isolé. Les hôtels, les restaurants, les gîtes, les locations en tout genre (voitures, outils, bateaux et même avions !), le BtoC comme le BtoB. Au final, bien peu de secteurs sont protégés de ce phénomène.
Ces entreprises numériques viennent prendre à contre pied des entreprises traditionnelles en désintermédiarisant certains services et en exploitant l’usage digital dorénavant profondément ancré dans le quotidien des Français.
Là où il fallait des années et des capitaux énormes pour mobiliser la force de travail nécessaire à la réalisation des chantiers les plus colossaux, aujourd’hui il est possible de s’en remettre à la force du réseau (souvent virtuel), de la vitesse de la communication pour produire les mêmes effets à moindre coût.
C’est donc une remise en question profonde de la chaine de valeur de secteurs traditionnels souvent rémunérateurs en rente et plus ou moins protégés par des barrières à l’entrée, qui s’opposent à des entreprises qui exploitent les réseaux, les infrastructures de communication et la vitesse.
Si bien qu’aujourd’hui et comme le précisait Maurice Lévy, dans une interview au quotidien britannique Financial Times : « Tout le monde commence à craindre de se faire uberiser. C’est l’idée qu’on se réveille soudainement en découvrant que son activité historique a disparu… ».
Ces start-up mettent sur le marché des ressources qui jusque là n’y étaient pas. C’est au final un mouvement plus profond de digitalisation, de robotisation de l’économie toute entière qui est à l’œuvre.
Mais faut-il vraiment s’en protéger ?
Qui préfère vraiment la ligne 13 à la ligne 14 du métro parisien ? Qui préfère se déplacer en train à vapeur plutôt qu’en TGV ? On n’arrête pas le progrès : à partir du moment où des services apparaissent et facilitent un aspect de la vie d’une personne, revenir en arrière est quasi impossible. On peut regretter la douce époque où il fallait charmer une femme avec des poèmes et des stratagèmes, demandez à un jeune s’il abandonnerait son Happn ou son Tinder vous risqueriez d’être déçu…
Le vrai débat porte surtout sur l’évolution de la société traditionnelle et des craintes injectées par de telles (r)évolutions de comportement sur les fondements de nos sociétés : quid de la notion de salariat ? N’est-ce pas plus d’un milliard de personnes qui chaque jour permettent à Facebook de gagner de l’argent ?
Quid de la notion de société ? De représentativité ? D’autorité ? De valeur ? De rentabilité ?
Comme tout changement, des opportunités apparaissent et un pays comme la France peut tout à fait en tirer profit en construisant des écosystèmes innovants, de véritables clusters entre l’université, laboratoires, start-up, les entreprises et les grands groupes.
Tout ça n’existe que très peu en France malheureusement : selon une récente étude de McKinsey, d’ici 2020, la France pourrait accroître la part du numérique dans son PIB de 100 Md€ par an, à la condition que les entreprises accélèrent nettement leur transformation numérique.
Davy Tessier
CEO de Disko
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